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03/10/2019 | FRANCE | N°19NC01099-19NC01101

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 03 octobre 2019, 19NC01099-19NC01101


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... et Mme B... E... épouse D... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés du 2 janvier 2019 par lesquels le préfet du Haut-Rhin a décidé leur transfert vers l'Italie.

Par un jugement n° 1900057 - 1900058 du 11 janvier 2019, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 8 avril 2019 sous le n° 19NC01099, M. D... représe

nté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler en ce qui le concerne ce jugement du 11 janvi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... et Mme B... E... épouse D... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés du 2 janvier 2019 par lesquels le préfet du Haut-Rhin a décidé leur transfert vers l'Italie.

Par un jugement n° 1900057 - 1900058 du 11 janvier 2019, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 8 avril 2019 sous le n° 19NC01099, M. D... représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler en ce qui le concerne ce jugement du 11 janvier 2019 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 2 janvier 2019 prononçant son transfert auprès des autorités italiennes ;

3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin, subsidiairement au préfet du Haut-Rhin, de le convoquer à un entretien en vue de l'enregistrement de sa demande d'asile dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 200 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté en litige méconnaît les dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et celles de l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 juin 2019, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés.

M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 mars 2019.

II. Par une requête, enregistrée le 8 avril 2019 sous le n° 19NC01101, Mme B... D..., représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler en ce qui la concerne ce jugement du 11 janvier 2019 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 2 janvier 2019 prononçant son transfert auprès des autorités italiennes ;

3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin, subsidiairement au préfet du Haut-Rhin, de la convoquer à un entretien en vue de l'enregistrement de sa demande d'asile dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 200 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- l'arrêté en litige méconnaît les dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, de l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 juin 2019, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme D... ne sont pas fondés.

Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 mars 2019.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Dietenhoeffer, premier conseiller a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme D..., ressortissants nigérians, nés respectivement en 1992 et en 1996, sont entrés en France, selon leurs déclarations, le 10 septembre 2018, et ont sollicité le bénéfice de l'asile le 12 septembre 2018. Par deux arrêtés du 2 janvier 2019, le préfet du Haut-Rhin a décidé de transférer M. et Mme D... auprès des autorités italiennes, responsables de leurs demandes d'asile, qui ont implicitement accepté cette prise en charge. Par un jugement du 11 janvier 2019, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande de M. et Mme D... tendant à l'annulation des deux arrêtés.

2. Par la présente requête, M. et Mme D..., qui ne contestent pas se trouver en situation de fuite au sens du deuxième paragraphe de l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 depuis le 13 mars 2019, demandent l'annulation du jugement du 11 janvier 2019.

3. Aux termes de l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Tout étranger présent sur le territoire français et souhaitant demander l'asile se présente en personne à l'autorité administrative compétente, qui enregistre sa demande et procède à la détermination de l'Etat responsable en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ou en application d'engagements identiques à ceux prévus par le même règlement, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat ". Aux termes de l'article L. 742-1 de ce code : " (...) Le présent article ne fait pas obstacle au droit souverain de l'Etat d'accorder l'asile à toute personne dont l'examen de la demande relève de la compétence d'un autre Etat. ".

4. En outre, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, dénommé règlement Dublin III : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement ". Le point 13 du préambule de ce règlement précise : " Conformément à la convention des Nations unies relative aux droits de l'enfant de 1989 et à la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'intérêt supérieur de l'enfant devrait être une considération primordiale des États membres lorsqu'ils appliquent le présent règlement. Lorsqu'ils apprécient l'intérêt supérieur de l'enfant, les États membres devraient en particulier tenir dûment compte du bien-être et du développement social du mineur (...) ".

5. Enfin, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ".

6. Si l'Italie est un État membre de l'Union européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il appartient à l'administration d'apprécier dans chaque cas, au vu des pièces qui lui sont soumises et sous le contrôle du juge, si les conditions dans lesquelles un dossier particulier est traité par les autorités de ce pays répondent à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile.

7. Dans son arrêt n° 29217/12 du 4 novembre 2014, la Cour européenne des droits de l'homme a relevé que les capacités d'accueil de l'Italie étaient alors localement défaillantes et que cette situation, tout en n'empêchant pas l'adoption de décisions de transfert, obligeait le pays qui envisageait de prononcer le transfert, lorsqu'il porte sur une personne particulièrement vulnérable, et notamment s'agissant d'une famille avec de jeunes enfants, à obtenir au préalable, avant toute exécution matérielle, une garantie individuelle concernant une prise en charge adaptée à l'âge des enfants ainsi que la préservation de l'unité familiale. En outre, il ressort des pièces du dossier que le Danish Refugee Council et l'Organisation Suisse d'aide aux réfugiés (OSAR) ont publié en février 2017 un rapport démontrant des défaillances de l'Italie dans les conditions d'accueil et l'accès à la procédure d'asile pour les familles avec enfants mineurs et pour les autres personnes vulnérables qui sont transférées vers l'Italie en vertu du règlement Dublin.

8. Toutefois, il ressort d'une lettre circulaire du ministère de l'intérieur italien du 4 juillet 2018 que l'Italie a mis en place des points d'accueil différents répartis sur l'ensemble du territoire, portant le nombre de ces centres à dix-neuf. Ces centres peuvent accueillir de trois à six personnes, pour une capacité totale de soixante-dix-neuf personnes. Or, s'il ressort des pièces du dossier que M. et Mme D... ont un fils né le 27 septembre 2018 et âgé de moins de trois mois à la date des décisions en litige, il n'est ni démontré ni allégué que, compte tenu de ces nouvelles capacités d'accueil, une prise en charge de la famille, adaptée à l'âge de l'enfant et de nature à préserver l'unité familiale ne seront pas assurées en Italie. Il s'ensuit que le préfet du Haut-Rhin pouvait, sans méconnaître les dispositions de l'article 17 précité du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, de l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations précitées de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, décider de transférer M. et Mme D... auprès des autorités italiennes.

9. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Les requêtes présentées par M. D... et Mme D... sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D..., à Mme B... D... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.

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Nos 19NC01099 - 19NC01101


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19NC01099-19NC01101
Date de la décision : 03/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. KOLBERT
Rapporteur ?: M. Jérôme DIETENHOEFFER
Rapporteur public ?: Mme KOHLER
Avocat(s) : ROUSSEL

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-10-03;19nc01099.19nc01101 ?
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