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03/10/2019 | FRANCE | N°19NC01039

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 03 octobre 2019, 19NC01039


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler les arrêtés du 4 mars 2019 par lesquels le préfet du Doubs a décidé son transfert vers l'Allemagne, d'une part, et l'a assignée à résidence, d'autre part.

Par un jugement n° 1900383 du 15 mars 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 4 avril 2019, Mme A..., représentée par Me B..., de

mande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Besançon du 15 mars 2019 ;
...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler les arrêtés du 4 mars 2019 par lesquels le préfet du Doubs a décidé son transfert vers l'Allemagne, d'une part, et l'a assignée à résidence, d'autre part.

Par un jugement n° 1900383 du 15 mars 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 4 avril 2019, Mme A..., représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Besançon du 15 mars 2019 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 4 mars 2019 prononçant son transfert auprès des autorités allemandes et l'arrêté du 4 mars 2019 l'assignant à résidence ;

3°) d'enjoindre au préfet du Doubs de lui délivrer une attestation de demande d'asile " procédure normale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) subsidiairement, d'enjoindre au préfet du Doubs de réexaminer dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

S'agissant de l'arrêté de transfert :

- il méconnaît les dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- il méconnaît les dispositions de l'article 3 de ce règlement ;

- il est entaché d'un défaut d'examen sérieux et particulier de sa situation ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 de ce règlement.

S'agissant de l'assignation à résidence :

- elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant transfert auprès des autorités allemandes ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 mai 2019, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 avril 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (UE) n° 604/2013 Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 ;

- le décret n° 2019-38 du 23 janvier 2019 ;

- l'arrêté du 23 août 2018 portant régionalisation de la procédure de détermination de l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile dans la région Bourgogne-Franche-Comté ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Dietenhoeffer, premier conseiller a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante russe, née en 1978, est entrée en France, selon ses déclarations, le 27 décembre 2018, et a présenté une demande d'asile le 3 janvier 2019. Par deux arrêtés du 4 mars 2019, le préfet du Doubs a décidé, d'une part, de remettre Mme A... aux autorités allemandes et, d'autre part, de l'assigner à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. Par un jugement du 15 mars 2019 notifié le même jour au préfet du Doubs, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Besançon a rejeté la demande de Mme A... tendant à l'annulation des deux arrêtés.

2. Mme A..., qui ne conteste pas se trouver en situation de fuite au sens du deuxième paragraphe de l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 depuis le 25 mars 2019, fait appel de ce jugement.

Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté portant transfert auprès des autorités allemandes :

3. En premier lieu, aux termes de l'article R. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version issue du décret du 23 janvier 2019 visé ci-dessus : " Sans préjudice du second alinéa de l'article 11-1 du décret n° 2004-374 du 29 avril 2004, l'autorité compétente pour renouveler l'attestation de demande d'asile en application de l'article L. 742-1, procéder à la détermination de l'Etat responsable de l'examen d'une demande d'asile, assigner à résidence un demandeur d'asile en application du 1° bis du I de l'article L. 561-2 et prendre une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 est le préfet de département (...) ". Aux termes de l'article 11-1 du décret du 29 avril 2004, dans sa rédaction applicable au litige : " Le préfet de département est compétent en matière d'entrée et de séjour des étrangers ainsi qu'en matière de droit d'asile. / En matière d'asile, un arrêté conjoint du ministre de l'intérieur et du ministre chargé de l'asile peut donner compétence à un préfet de département (...) pour exercer ces missions dans plusieurs départements ". Enfin, en vertu de l'arrêté du 23 août 2018 portant régionalisation de la procédure de détermination de l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile dans la région Bourgogne-Franche-Comté, le préfet du département du Doubs est l'autorité administrative compétente pour procéder à la détermination de l'Etat responsable de l'examen des demandes d'asile formées, à compter du 15 octobre 2018, par les demandeurs domiciliés dans le département de Saône-et-Loire ainsi que, dans ce cadre, les assigner à résidence et prendre les décisions de transfert en application de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

4. Il ressort des pièces du dossier que la demande d'asile de Mme A... a été enregistrée le 3 janvier 2019 par le préfet de Saône-et-Loire. Par suite, le préfet du Doubs était compétent pour ordonner le transfert de l'intéressée aux autorités allemandes. Dès lors, la seule circonstance que la demande d'asile aurait été partiellement instruite par les services de la préfecture de Saône-et-Loire est sans incidence sur la légalité de l'arrêté en litige, qui a été signé par délégation du préfet du Doubs.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. 2. L'entretien individuel peut ne pas avoir lieu lorsque: a) le demandeur a pris la fuite, ou b) après avoir reçu les informations visées à l'article 4, le demandeur a déjà fourni par d'autres moyens les informations pertinentes pour déterminer l'Etat membre responsable. L'Etat membre qui se dispense de mener cet entretien donne au demandeur la possibilité de fournir toutes les autres informations pertinentes pour déterminer correctement l'Etat membre responsable avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'Etat membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1.3. L'entretien individuel a lieu en temps utile et, en tout cas, avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'État membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. 6. L'État membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'État membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé ".

6. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... a bénéficié d'un entretien individuel le 3 janvier 2019, jour du dépôt de sa demande d'asile, au guichet unique des demandeurs d'asile de la préfecture de Saône-et-Loire. Toutefois, aucune disposition du règlement (UE) n° 604/2013 précité n'impose de faire figurer l'identité de l'agent ayant conduit l'entretien sur le compte-rendu de celui-ci. Par ailleurs, alors que le compte-rendu indique qu'il a été conduit par un agent qualifié de la préfecture assisté d'un interprète en langue russe, aucun élément du dossier ne permet de remettre en cause ces mentions. Par suite, le moyen tiré du défaut de qualité de l'agent ayant conduit l'entretien individuel doit être écarté.

7. En troisième lieu, il ressort des termes même de l'arrêté en litige, qui justifie notamment de la responsabilité des autorités allemandes dans le traitement de la demande d'asile de Mme A... et indique que ces dernières ont accepté de prendre en charge son enfant, que le préfet a procédé à un examen particulier de la situation personnelle de l'intéressée, laquelle n'établit d'ailleurs pas avoir présenté des éléments concernant l'état de santé de son fils avant l'adoption de l'arrêté en litige.

8. En dernier lieu, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 précité : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / (...) 2. L'État membre dans lequel une demande de protection internationale est présentée et qui procède à la détermination de l'État membre responsable, ou l'État membre responsable, peut à tout moment, avant qu'une première décision soit prise sur le fond, demander à un autre État membre de prendre un demandeur en charge pour rapprocher tout parent pour des raisons humanitaires fondées, notamment, sur des motifs familiaux ou culturels, même si cet autre État membre n'est pas responsable au titre des critères définis aux articles 8 à 11 et 16. Les personnes concernées doivent exprimer leur consentement par écrit. (...) ".

9. S'il est constant que les autorités allemandes, qui ont accepté de prendre en charge Mme A... sur le fondement du d du 1 de l'article 18 règlement (UE) n° 604/2013, ont déjà refusé à cette dernière le bénéfice de l'asile, l'Allemagne est un Etat membre de l'Union européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Ainsi, la requérante, qui ne produit qu'un jugement rejetant ses conclusions aux fins de suspension d'une décision qu'elle ne produit pas, n'établit pas que les autorités allemandes n'examineront pas les nouveaux éléments qu'elle serait susceptible de faire valoir concernant l'état de santé de son fils avant, le cas échéant, de les éloigner. Dès lors que la décision de transfert n'a, par elle-même, ni pour objet ni pour effet de l'éloigner vers la Russie, Mme A... ne peut utilement se prévaloir de l'impossibilité d'y obtenir un traitement des épisodes asthmatiques aigus et des allergies auxquels son fils serait sujet. Par suite, le préfet du Doubs a pu, sans entacher sa décision d'erreur manifeste d'appréciation, prononcer le transfert de la requérante auprès des autorités allemandes.

Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté portant assignation à résidence :

10. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que l'arrêté portant assignation à résidence devrait être annulé, par voie de conséquence de l'illégalité de l'arrêté portant transfert auprès des autorités allemandes, ne peut qu'être écarté.

11. En second lieu, aux termes du I de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : (...) 1° bis Fait l'objet d'une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 ou d'une requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride (...) ".

12. En l'espèce, le préfet du Doubs a assigné Mme A... pour une durée de quarante-cinq jours, lui a fait à ce titre interdiction de sortir du département du Doubs, l'a contrainte à demeurer à son domicile entre 4 heures 30 et 7 heures 30 chaque jour du lundi au vendredi et lui a prescrit de se présenter chaque jour de la semaine aux autorités de police entre 8 heures et 9 heures 30. Mme A... ne fait valoir aucune circonstance personnelle qui serait de nature à l'empêcher de respecter l'obligation de résidence. En outre, elle ne justifie pas de ce que, comme elle le soutient, l'état de son fils ferait obstacle à ce qu'elle défère à l'obligation de présentation. Eu égard à sa durée et aux obligations qui lui sont imposées, la mesure d'assignation n'est enfin pas manifestement disproportionnée par rapport au but poursuivi par cette mesure.

13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Doubs.

2

N° 19NC01039


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19NC01039
Date de la décision : 03/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. KOLBERT
Rapporteur ?: M. Jérôme DIETENHOEFFER
Rapporteur public ?: Mme KOHLER
Avocat(s) : ROTHDIENER

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-10-03;19nc01039 ?
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