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03/10/2019 | FRANCE | N°18NC01911

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 03 octobre 2019, 18NC01911


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler les arrêtés du 28 mai 2018 par lesquels le préfet du Doubs a décidé son transfert vers l'Italie, d'une part, et l'a assigné à résidence, d'autre part.

Par un jugement n° 1800925 du 8 juin 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 6 juillet 2018, M. A..., représenté par Me C..., demande

à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Besançon du 8 juin 2018 ;

2°) d'...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler les arrêtés du 28 mai 2018 par lesquels le préfet du Doubs a décidé son transfert vers l'Italie, d'une part, et l'a assigné à résidence, d'autre part.

Par un jugement n° 1800925 du 8 juin 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 6 juillet 2018, M. A..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Besançon du 8 juin 2018 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 28 mai 2018 prononçant son transfert auprès des autorités italiennes et l'arrêté du 28 mai 2018 l'assignant à résidence ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 800 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

S'agissant de l'arrêté portant transfert aux autorités italiennes :

- il est insuffisamment motivé ;

- il est entaché d'un défaut d'examen sérieux de sa situation ;

- il méconnaît les dispositions des article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 de ce règlement.

S'agissant de l'assignation à résidence :

- elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant transfert aux autorités allemandes.

- elle est disproportionnée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 mars 2019, le préfet du Doubs, qui précise que M. A... a été transféré en Italie le 2 août 2018, conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Les parties ont, par un courrier du 3 décembre 2018 été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour était susceptible de prononcer un non-lieu à statuer sur les conclusions à fin d'annulation de la décision de transfert, celle-ci n'étant plus susceptible d'être exécutée, dès lors que le délai de six mois prévu à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, est expiré et que la France est devenue l'Etat membre responsable de l'examen de la demande de protection internationale présentée par M. A....

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 septembre 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Dietenhoeffer, premier conseiller a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant soudanais, né en 1989, est entré en France le 14 octobre 2017, et a présenté une demande d'asile le 26 octobre 2017. Par deux arrêtés du 28 mai 2018, le préfet du Doubs a décidé, d'une part, de transférer M. A... auprès des autorités italiennes et, d'autre part, de l'assigner à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. Par un jugement du 8 juin 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Besançon a rejeté la demande de M. A... tendant à l'annulation des deux arrêtés.

Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté portant transfert auprès des autorités italiennes :

2. En premier lieu, en application de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre Etat membre ayant accepté de le prendre ou de le reprendre en charge doit être motivée, c'est-à-dire qu'elle doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Pour l'application de ces dispositions, est suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre Etat membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application.

3. L'arrêté du préfet du Doubs du 28 mai 2018 prononçant le transfert de M. A... auprès des autorités italiennes vise le règlement (UE) n° 604/ 2013 ainsi que le règlement (CE) n° 1560/2003, rappelle le déroulement de la procédure suivie lorsque M. A... s'est présenté devant les services de la préfecture du Doubs et précise que les autorités italiennes, saisies d'une demande de prise en charge au titre de l'article 13 du règlement (UE) n° 604/2013, ont implicitement accepté sa réadmission sur leur territoire le 9 janvier 2017. L'arrêté contesté comporte ainsi l'énoncé des circonstances de droit et de fait qui en constituent le fondement et il est, par suite, suffisamment motivé.

4. En deuxième lieu, il ressort des termes même de l'arrêté en litige, qui justifie notamment de la responsabilité des autorités italiennes dans le traitement de la demande d'asile de M. A... et indique que ce dernier n'établit pas être dans l'impossibilité de retourner dans ce pays, que le préfet du Doubs a procédé à un examen particulier de la situation personnelle de l'intéressé, lequel n'établit pas avoir informé les services préfectoraux de son état de santé ou du traitement qu'il aurait subi en Italie avant l'édiction de l'arrêté.

5. En troisième lieu, aux termes du 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Lorsque aucun État membre responsable ne peut être désigné sur la base des critères énumérés dans le présent règlement, le premier État membre auprès duquel la demande de protection internationale a été introduite est responsable de l'examen. / Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. / Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un État membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier État membre auprès duquel la demande a été introduite, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable devient l'État membre responsable ". En outre, en vertu du 1 de l'article 17 du même texte : " Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. (...) ".

6. Si les dispositions citées au point précédent, d'une part, rendent l'Etat français responsable de l'examen de la demande d'asile d'un étranger si l'Etat membre responsable connaît des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, et d'autre part, réservent le droit souverain de l'Etat français d'accorder l'asile à toute personne étrangère alors même que l'examen de sa demande d'asile relèverait de la compétence d'un autre Etat, elles ne sauraient par elles-mêmes s'opposer à l'application de dispositions mettant en oeuvre les accords, conclus avec des Etats européens, en vertu desquels l'examen de demandes d'asile peut relever de la compétence d'un autre Etat que la France. L'Italie, Etat responsable de la demande d'asile de M. A..., est un Etat membre de l'Union européenne, partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il doit dès lors être présumé que le traitement réservé aux demandeurs d'asile dans cet Etat membre est conforme à ces textes.

7. Si M. A... soutient qu'il existe actuellement en Italie, du fait d'un afflux de migrants, des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et des conditions d'accueil des demandeurs qui ne permettraient plus de garantir le respect du droit d'asile, ce dont il aurait été personnellement victime faute d'avoir pu bénéficier d'un hébergement et de soins pendant l'année qu'il a passée en Italie, il ne ressort ni des documents généraux établis par des organisations internationales non gouvernementales, ni des articles de presse produits, ni des déclarations politiques des membres du gouvernement italien dont se prévaut le requérant que la situation en Italie ne permettait pas d'assurer, à la date à laquelle la décision de transfert du 28 mai 2018 en litige a été prise, des conditions d'accueil et de prise en charge conformes aux garanties exigées par le respect du droit d'asile. En particulier, il n'est pas établi que M. A... ne pourra bénéficier en Italie du traitement adapté à son affection tuberculeuse.

8. En outre, si M. A... soutient que l'Italie a accepté de renvoyer les demandeurs d'asile vers ce pays, il n'établit pas, par cette seule allégation ou par la production du témoignage d'une personne ayant accompagné l'un de ces demandeurs, que les autorités italiennes n'enregistreront pas sa demande et ne procéderont pas à son examen de sa demande d'asile dans les conditions prévues par les textes rappelés au point 7 du présent jugement. L'arrêté de transfert n'ayant ainsi, par lui-même, ni pour objet ni pour effet d'éloigner M. A... vers le Soudan, ce dernier n'est pas fondé à soutenir qu'il l'exposerait à subir un traitement inhumain ou dégradant.

9. Compte tenu de ce qui précède, en décidant de transférer M. A... vers l'Italie, le préfet du Doubs, qui n'était pas tenu d'user de son pouvoir discrétionnaire, n'a commis ni erreur de droit ni erreur manifeste d'appréciation dans l'application des articles 3 et 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013.

10. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Besançon a rejeté ses conclusions aux fins d'annulation de la décision de transfert auprès des autorités italiennes.

Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté portant assignation à résidence :

11. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que l'arrêté portant assignation à résidence devrait être annulé, par voie de conséquence de l'illégalité de l'arrêté portant transfert aux autorités italiennes, ne peut qu'être écarté.

12. En second lieu, aux termes du I de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : (...) 1° bis Fait l'objet d'une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 ou d'une requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride (...) ".

13. En l'espèce, le préfet du Doubs a assigné M. A... pour une durée de quarante-cinq jours, lui a fait à ce titre interdiction de sortir du département du Doubs et lui a prescrit de se présenter au commissariat de police de Montbéliard chaque jour de la semaine entre 8 heures et 8 heures 30. M. A... qui réside à Montbéliard ne fait valoir aucune circonstance personnelle qui serait de nature à l'empêcher de respecter ces obligations dont il n'établit pas qu'elles seraient disproportionnées par rapport au but poursuivi.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Besançon a rejeté ses conclusions aux fins d'annulation de la décision portant assignation à résidence.

15. Par voie de conséquence, les conclusions qu'il présente sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Doubs.

2

N° 18NC01911


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18NC01911
Date de la décision : 03/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. KOLBERT
Rapporteur ?: M. Jérôme DIETENHOEFFER
Rapporteur public ?: Mme KOHLER
Avocat(s) : MAILLARD-SALIN

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-10-03;18nc01911 ?
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