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03/10/2019 | FRANCE | N°18NC01435

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 03 octobre 2019, 18NC01435


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... B... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler les arrêtés du 5 avril 2018 par lesquels le préfet de Haute-Saône a décidé son transfert vers l'Italie, d'une part, et l'a assigné à résidence, d'autre part.

Par un jugement n° 1800615 du 13 avril 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 11 mai 2018, M. A... B..., représenté par

Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Besançon du 13 av...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... B... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler les arrêtés du 5 avril 2018 par lesquels le préfet de Haute-Saône a décidé son transfert vers l'Italie, d'une part, et l'a assigné à résidence, d'autre part.

Par un jugement n° 1800615 du 13 avril 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 11 mai 2018, M. A... B..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Besançon du 13 avril 2018 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 5 avril 2018 prononçant son transfert auprès des autorités italiennes et l'arrêté du 5 avril 2018 l'assignant à résidence ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 800 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

S'agissant de l'arrêté portant transfert aux autorités italiennes :

- il méconnaît les dispositions des article 3 et 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ainsi que celles de l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

S'agissant de l'assignation à résidence :

- elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant transfert auprès des autorités italiennes.

- elle est disproportionnée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 février 2019, le préfet de Haute-Saône conclut à ce qu'il n'y ait plus lieu à statuer sur la requête et subsidiairement à son rejet.

Il soutient que :

- il n'y a plus lieu à statuer sur la requête de M. A... B..., dès lors que la France est devenue responsable de l'examen de sa demande d'asile ;

- les moyens soulevés par M. A... B... ne sont pas fondés.

Les parties ont, par un courrier du 21 décembre 2018, été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour était susceptible de prononcer un non-lieu à statuer sur les conclusions à fin d'annulation de la décision de transfert, celle-ci n'étant plus susceptible d'être exécutée, dès lors que le délai de six mois prévu à l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, est expiré et que la France est devenue l'Etat membre responsable de l'examen de la demande de protection internationale présentée par M. A... B....

M. A... B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 mai 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Dietenhoeffer, premier conseiller a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., ressortissant soudanais, né en 1985, est entré en France le 1er juillet 2017, selon ses déclarations, et a présenté une demande d'asile le 29 août 2017. Par deux arrêtés du 5 avril 2018, le préfet de Haute-Saône a décidé, d'une part, de le transférer auprès des autorités italiennes et, d'autre part, de l'assigner à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. Par un jugement du 13 avril 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Besançon a rejeté la demande de M. A... B... tendant à l'annulation des deux arrêtés.

Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté portant transfert aux autorités italiennes :

2. Il ressort des pièces du dossier que postérieurement au rejet, par le tribunal administratif de Besançon, des conclusions d'annulation de la décision de transfert et à l'enregistrement de la requête d'appel, le préfet de Haute-Saône a instruit la demande d'asile de M. A... B..., le 4 juin 2018, et lui a remis une attestation de demandeur d'asile, le 28 juin 2018. L'arrêté de transfert ayant ainsi été définitivement abrogé sans avoir reçu aucune exécution pendant la période où il était en vigueur, les conclusions de la requête tendant à l'annulation du jugement du 13 avril 2018 rejetant les conclusions aux fins d'annulation de la décision de transfert de M. A... B... vers l'Italie sont devenues sans objet. Il n'y a, dès lors, plus lieu d'y statuer.

Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté portant assignation à résidence :

3. Il n'est pas contesté que l'arrêté portant assignation à résidence de M. A... B... a été exécuté, antérieurement à l'abrogation implicite de la décision de transfert, pendant la durée de quarante-cinq jours prévue par cet arrêté. Il s'ensuit que les conclusions dirigées contre cet arrêté ne sont pas dépourvues d'objet et que l'exception de non-lieu opposée par le préfet doit être écartée.

En ce qui concerne le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision de transfert :

4. En premier lieu, aux termes du 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Lorsque aucun État membre responsable ne peut être désigné sur la base des critères énumérés dans le présent règlement, le premier État membre auprès duquel la demande de protection internationale a été introduite est responsable de l'examen. / Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. / Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un État membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier État membre auprès duquel la demande a été introduite, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable devient l'État membre responsable ". En outre, en vertu du 1 de l'article 17 du même texte : " Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. (...) ". Aux termes de l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Le présent article ne fait pas obstacle au droit souverain de l'Etat d'accorder l'asile à toute personne dont l'examen de la demande relève de la compétence d'un autre Etat. ".

5. Si les dispositions citées au point précédent, d'une part, rendent l'Etat français responsable de l'examen de la demande d'asile d'un étranger si l'Etat membre responsable connaît des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, et d'autre part, réservent le droit souverain de l'Etat français d'accorder l'asile à toute personne étrangère alors même que l'examen de sa demande d'asile relèverait de la compétence d'un autre Etat, elles ne sauraient par elles-mêmes s'opposer à l'application de dispositions mettant en oeuvre les accords, conclus avec des Etats européens, en vertu desquels l'examen de demandes d'asile peut relever de la compétence d'un autre Etat que la France. L'Italie, Etat responsable de la demande d'asile de M. A... B..., est un Etat membre de l'Union européenne, partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il doit dès lors être présumé que le traitement réservé aux demandeurs d'asile dans cet Etat membre est conforme à ces textes.

6. Si M. A... B... soutient qu'il existe actuellement en Italie, du fait d'un afflux de migrants, des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et des conditions d'accueil des demandeurs qui ne permettraient plus de garantir le respect du droit d'asile, ce dont il aurait été personnellement victime faute d'avoir pu bénéficier d'un hébergement pendant la durée de son séjour en Italie, il ne ressort pas des pièces produites, et notamment du rapport d'août 2016 de l'Organisation suisse d'aide aux réfugiés et de l'extrait du rapport de l'organisation Amnesty international pour l'année 2017/2018, qui se bornent à décrire de manière générale les conditions d'accueil des demandeurs d'asile et d'enregistrement des demandes sans formuler d'observation claire et circonstanciée, que l'Italie rencontrerait de telles défaillances ni que l'intéressé y serait exposé à un risque personnel de traitement inhumain ou dégradant.

7. En soutenant que l'Italie a déjà accepté de renvoyer des demandeurs d'asile vers le Soudan et en produisant en particulier, des décisions en ce sens, des 5 juillet et 19 août 2017 ainsi que le témoignage d'un accompagnant, le requérant, n'établit ni que sa demande d'asile aurait déjà été rejetée ni même qu'il ferait l'objet d'une mesure d'éloignement du territoire italien, alors que ni ces décisions ni ce témoignage ne le concernent personnellement et qu'il n'est pas démontré que la situation de M. A... B... ne serait pas réexaminée par les autorités italiennes avant un éventuel éloignement dans les conditions prévues par les textes rappelés au point 4 ci-dessus. L'arrêté de transfert n'ayant ainsi, par lui-même, ni pour objet ni pour effet d'éloigner M. A... B... vers le Soudan, ce dernier n'est pas fondé à soutenir qu'il l'exposerait à subir un traitement inhumain ou dégradant.

8. Par suite, le préfet de Haute-Saône n'a commis ni erreur de droit ni erreur manifeste d'appréciation dans l'application des articles 3 et 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et de l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en décidant de transférer M. A... B... vers l'Italie.

9. En deuxième lieu, M. A... B... n'établit, par la seule production du récit de son séjour en Italie, y être exposé à des traitements inhumains et dégradants contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

10. En troisième lieu, il ne résulte ni des dispositions du règlement (UE) n° 604/2013 ni d'aucun autre texte que le préfet de Haute-Saône était tenu de considérer que la France était responsable de l'examen de la demande d'asile de M. A... B... dans l'attente de l'instruction de la plainte simple présentée par ce dernier à l'encontre de l'Etat italien auprès du procureur de la République près le tribunal de grande instance de Vesoul. M. A... B..., qui n'allègue pas avoir déposé de demande de visa de court séjour à ce titre, n'est ainsi pas fondé à soutenir que le préfet de Haute-Saône aurait commis une erreur de droit.

11. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que l'arrêté portant assignation à résidence devrait être annulé, par voie de conséquence de l'illégalité de l'arrêté portant transfert auprès des autorités italiennes, ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne les autres moyens :

12. Aux termes du I de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : (...) 1° bis Fait l'objet d'une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 ou d'une requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride (...) ".

13. En l'espèce, le préfet de Haute-Saône a assigné M. A... B... pour une durée de quarante-cinq jours, lui a fait à ce titre interdiction de sortir du département de Haute-Saône, à l'adresse de l'assignation, et lui a prescrit de se présenter tous les jours ouvrables de la semaine à 17 heures au commissariat de police de Vesoul. M. A... B..., qui réside à Vesoul, ne fait valoir aucune circonstance personnelle qui serait de nature à l'empêcher de respecter ces obligations dont il n'établit pas qu'elles seraient disproportionnées par rapport au but poursuivi.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Besançon a rejeté ses conclusions aux fins d'annulation de l'arrêté du 5 avril 2018 portant assignation à résidence.

Sur les frais de l'instance :

15. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par M. A... B... sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. A... B... tendant à l'annulation du jugement du 13 avril 2018 en tant qu'il rejette ses conclusions tendant à l'annulation de la décision de transfert prise par le préfet du Bas-Rhin le 5 avril 2018 ainsi que sur ses conclusions tendant à l'annulation de cette décision du 5 avril 2018.

Article 2 : Le surplus de la requête de M. A... B... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de Haute-Saône.

2

N° 18NC01435


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18NC01435
Date de la décision : 03/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. KOLBERT
Rapporteur ?: M. Jérôme DIETENHOEFFER
Rapporteur public ?: Mme KOHLER
Avocat(s) : MAILLARD-SALIN

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-10-03;18nc01435 ?
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