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01/10/2019 | FRANCE | N°19NC00555-19NC00557

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 01 octobre 2019, 19NC00555-19NC00557


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... B... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 23 mai 2018 par lequel le préfet du Doubs lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Mme D... B... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 23 mai 2018 par lequel le préfet du Doubs lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
>Par deux jugements nos 1801900 et n° 1801902 du 13 décembre 2018, le tribunal administrat...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... B... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 23 mai 2018 par lequel le préfet du Doubs lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Mme D... B... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 23 mai 2018 par lequel le préfet du Doubs lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par deux jugements nos 1801900 et n° 1801902 du 13 décembre 2018, le tribunal administratif de Besançon a rejeté ces demandes.

Procédure devant la cour :

I.- Par une requête, enregistrée sous le n° 19NC00555, le 22 février 2019, M. E... B..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement no 1801900 du tribunal administratif de Besançon du 13 décembre 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 23 mai 2018 par lequel le préfet du Doubs lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

3°) d'enjoindre au préfet du Doubs de réexaminer sa situation, dans un délai de 15 jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- sa fille est atteinte de lourdes pathologies qui impliquent sa présence à ses côtés ;

- le préfet a commis une erreur de droit en prononçant une mesure d'éloignement à son encontre alors qu'il justifie d'un droit au séjour de plein droit sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision contestée méconnaît les dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire, enregistré le 1er avril 2019, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

II.- Par une requête, enregistrée sous le n° 19NC00557, le 22 février 2019, Mme D... B..., représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement no 1801902 du tribunal administratif de Besançon du 13 décembre 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 23 mai 2018 par lequel le préfet du Doubs lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

3°) d'enjoindre au préfet du Doubs de réexaminer sa situation, dans un délai de 15 jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soulève les mêmes moyens que ceux exposés par M. B... à l'appui de sa requête n° 19NC00555.

M. et Mme B... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 décembre 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme B..., de nationalité kosovare, sont entrés irrégulièrement en France, selon leurs déclarations, en 2013, accompagnés de leur fille majeure Ganimète, en vue de solliciter l'asile. Leurs demandes d'asile ont été rejetées par des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 26 novembre 2013, confirmées par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 30 mars 2016. A la suite de ces décisions, le préfet du Doubs a pris à l'encontre de chacun des requérants un arrêté du 21 juin 2016 refusant leur admission au séjour et leur faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Le recours en annulation contre ces arrêtés a été rejeté en dernier lieu par un arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 29 mars 2018. En raison du maintien des intéressés sur le territoire, par des arrêtés du 23 mai 2018, le préfet du Doubs a prononcé à leur encontre une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourront être reconduits. Par deux jugements du 13 décembre 2018, dont M. et Mme B... font appel, le tribunal administratif de Besançon a rejeté leur demande tendant à l'annulation de ces arrêtés.

2. Les requêtes n° 19NC00555 et n° 19NC00557 concernent les deux membres d'un même couple et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne les décisions portant obligations de quitter le territoire français :

3. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, où à la protection des droits et libertés d'autrui ".

4. M. et Mme B... font valoir qu'ils résident sur le territoire français depuis plus de cinq ans à la date des arrêtés contestés, qu'ils se sont intégrés, notamment par l'apprentissage de la langue française, et bénéficient d'un soutien des habitants de leur commune. Ils insistent également sur l'aide qu'ils apportent à leur fille, majeure, souffrant de nombreux handicaps, qui a vocation à demeurer en France. Toutefois, s'il est vrai que, selon des certificats médicaux de 2016 et 2017, leur fille, souffrant d'une ankylose temporo-mandibulaire et des deux hanches, avait une autonomie réduite à la fois pour la marche et les actes de la vie quotidienne qui nécessitaient une aide de ses parents, il ressort de certificats médicaux qu'elle a été opérée des hanches en 2018, en vue d'obtenir plus d'autonomie, dont elle n'était d'ailleurs pas totalement dépourvue auparavant. Il ne ressort d'aucune pièce des dossiers que depuis ces interventions, leur fille aurait perdu en autonomie. En tout état de cause, les certificats médicaux qui évoquent l'assistance qu'ils apportent à leur fille pour les actes du quotidien ne suffisent pas, en l'absence d'éléments circonstanciés, à justifier du caractère indispensable de leur présence à ses côtés, ni, comme les requérants l'allèguent, de la nécessité d'une présence continue, de jour comme de nuit. Par ailleurs, le préfet n'a délivré un titre de séjour en qualité d'étranger malade à leur fille qu'à titre temporaire pour lui permettre de bénéficier des traitements nécessaires à son état de santé. Cette dernière n'a donc pas vocation à demeurer à long terme sur le territoire. Enfin, les requérants, qui ont vécu l'essentiel de leur vie au Kosovo, n'établissent pas avoir tissé de nombreux liens en France. Dans ces conditions, et alors même que M. et Mme B... se sont toujours occupés de leur fille depuis sa naissance, les décisions en litige n'ont pas porté au droit des requérants au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elles ont été prises. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.

5. En deuxième lieu, indépendamment de l'énumération faite par l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, l'autorité administrative ne saurait légalement prendre une telle mesure à l'encontre d'un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour. Lorsque la loi prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français.

6. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) ".

7. Pour les mêmes motifs que ceux indiqués au point 4, M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir qu'un titre de séjour devait leur être délivré de plein droit sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et que cette circonstance ferait obstacle à l'édiction d'une mesure d'éloignement à leur encontre.

8. En dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de ses décisions sur la situation de M. et Mme B....

En ce qui concerne les décisions fixant le pays de destination :

9. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que les requérants n'ont pas établi l'illégalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français. Par suite, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de ces décisions doit être écarté.

10. En deuxième lieu, il résulte de ce qui a été indiqué au point 4 que la fille de M. et Mme B... n'a pas vocation à rester à long terme sur le territoire français. Par ailleurs, les requérants n'invoquent aucun élément qui s'opposerait à ce que celle-ci les rejoigne dans leur pays d'origine. Dans ces conditions, et en tout état de cause, les décisions fixant le pays de destination ne peuvent pas être regardées comme portant à leur droit au respect de leur vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elles ont été prises et, par suite, comme méconnaissant les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

11. En dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en fixant le Kosovo comme pays à destination duquel les requérants pourront être reconduits, le préfet aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation des requérants.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté leurs demandes. Par voie de conséquence, leurs conclusions présentées à fin d'injonction, ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : Les requêtes de M. et Mme B... sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... B..., à Mme D... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée pour information au préfet du Doubs.

N° 19NC00555, 19NC00557 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 19NC00555-19NC00557
Date de la décision : 01/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: M. Stéphane BARTEAUX
Rapporteur public ?: Mme SEIBT
Avocat(s) : COLLE

Origine de la décision
Date de l'import : 11/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-10-01;19nc00555.19nc00557 ?
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