La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

01/10/2019 | FRANCE | N°17NC03128

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 01 octobre 2019, 17NC03128


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner la commune de Mulhouse à lui verser la somme de 20 000 euros en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait des agissements de harcèlement moral imputables à son employeur et d'enjoindre à la commune de Mulhouse de reconstituer ses droits à carrière, avancement, grade et échelon.

Par un jugement n° 1502385 du 26 octobre 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devan

t la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 27 décembre 2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner la commune de Mulhouse à lui verser la somme de 20 000 euros en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait des agissements de harcèlement moral imputables à son employeur et d'enjoindre à la commune de Mulhouse de reconstituer ses droits à carrière, avancement, grade et échelon.

Par un jugement n° 1502385 du 26 octobre 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 27 décembre 2017 et le 6 septembre 2019, M. C... A..., représenté par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 26 octobre 2017 ;

2°) de condamner la commune de Mulhouse à lui verser la somme totale de 35 000 euros en réparation du préjudice subi au titre des troubles dans les conditions d'existence et du préjudice moral résultant des agissements constitutifs de harcèlement moral à son égard depuis 2010 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Mulhouse la somme de 4 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il est victime d'agissements de harcèlement moral de la part de son employeur, qui trouvent leur origine dans une critique émise en 2010 à l'encontre de sa hiérarchie au sujet de l'acquisition d'une cuve à émulsion et dans la contestation de son évaluation au titre de l'année 2010 ;

- ces agissements ont eu pour effet une dégradation manifeste de ses conditions de travail, ainsi qu'une altération de son état de santé ;

- le syndrome dépressif, dont il souffre depuis sept ans, a eu des répercussions sur sa vie privée et familiale ;

- il est fondé à solliciter une indemnisation au titre du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence à hauteur de 35 000 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 février 2018, la commune de Mulhouse, représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de M. A... d'une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les conclusions d'appel de M. A..., qui reprennent les mêmes moyens que ceux développés en première instance, sans formuler la moindre critique à l'encontre du jugement rendu par le tribunal, sont irrecevables ;

- les moyens invoqués par M. A... au soutien de ses conclusions d'appel ne sont pas fondés ;

- l'augmentation des prétentions indemnitaires de M. A... en appel n'est pas fondée ;

- le montant des prétentions indemnitaires de M. A... est disproportionné.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. D...,

- les conclusions de Mme Seibt, rapporteur public,

- et les observations de Me E... pour M. A... et de Me B... pour la commune de Mulhouse.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... A... a été recruté, par voie de mutation, par la commune de Mulhouse, à compter du 23 février 2010, en qualité de technicien supérieur territorial, et a été affecté au service des travaux publics. Le 1er décembre 2010, il a atteint le grade de technicien principal de deuxième classe. Après la fusion de son service, le 1er juillet 2011, avec celui des espaces verts pour former le service unique des espaces verts et des travaux publics, le requérant a intégré, à sa demande, le 1er août 2014, la mission " Pistes cyclables " du pôle " Voirie et conception urbaine " en vue d'y exercer les fonctions de chargé d'études en aménagements cyclables. Depuis le 1er janvier 2016, il occupe, au sein de ce pôle, un poste de chef de projet au bureau d'études et d'aménagement de la collectivité. Par un courrier du 25 novembre 2014, l'intéressé a sollicité du maire de Mulhouse l'adoption de mesures en vue de faire cesser la situation de harcèlement moral dont il s'estime victime, et de rétablir à son profit des conditions normales d'exercice de ses fonctions. Le 9 février 2015, le maire a refusé de faire droit à cette demande et a informé l'intéressé qu'il rejetterait toute demande indemnitaire de sa part. Par une requête enregistrée le 4 mai 2015, M. A... a saisi le tribunal administratif de Strasbourg d'un recours tendant à ce que la commune de Mulhouse soit condamnée à lui verser la somme de 20 000 euros en réparation du préjudice subi et à ce qu'il lui soit enjoint de reconstituer ses droits à carrière, avancement, grade et échelon. Il relève appel du jugement n° 1502385 du 26 octobre 2017 qui rejette cette demande.

Sur les conclusions à fin d'indemnisation et sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées en défense par la commune de Mulhouse :

2. Aux termes du premier alinéa de l'article 6 quinquiès de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, portant droits et obligations des fonctionnaires : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. ".

3. D'une part, il appartient à un agent public, qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

4. D'autre part, pour apprécier si des agissements, dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral, revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent, auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements, et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. En revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui. Le préjudice résultant de ces agissements pour l'agent victime doit alors être intégralement réparé.

5. Enfin, pour être qualifiés de harcèlement moral, de tels faits répétés doivent excéder les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. Dès lors qu'elle n'excède pas ces limites, une simple diminution des attributions justifiée par l'intérêt du service, en raison d'une manière de servir inadéquate ou de difficultés relationnelles, n'est pas constitutive de harcèlement moral.

6. En premier lieu, si M. A... soutient qu'il est victime de la part de sa hiérarchie d'agissements répétés de harcèlement moral, qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail et une altération de son état de santé, il ne résulte pas de l'instruction, contrairement aux allégations de l'intéressé, que ses difficultés professionnelles trouveraient leur origine directe et immédiate dans les critiques adressées à ses supérieurs en décembre 2010 au sujet de l'acquisition et de l'utilisation, par la collectivité, d'une cuve à bitume, ainsi que dans sa demande de révision de sa notation au titre de l'année 2010.

7. En deuxième lieu, en admettant que M. A... ait exercé initialement les fonctions de directeur du service des travaux publics et que ses changements d'affectation au sein de la collectivité se soient traduits par une diminution significative de ses responsabilités, il ne résulte pas de l'instruction que les changements en cause auraient été motivés par des considérations étrangères à l'intérêt du service, ni qu'ils auraient excédé les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. Au contraire, il résulte de l'instruction que sa manière de servir insuffisante et ses difficultés relationnelles sont la cause principale de ses affectations successives. De même, il ne résulte pas davantage de l'instruction que les fonctions dévolues au requérant dans ses différents postes seraient en deçà de celles correspondant à son grade de technicien supérieur de deuxième classe. En outre, la seule production de deux courriels, rédigés par M. A... lui-même en juillet 2014, ne suffit pas à étayer l'affirmation de l'intéressé selon laquelle la nouvelle directrice du service unique des espaces verts et des travaux publics se serait employée à lui retirer toute attribution et à saper systématiquement son autorité. Enfin, la commune de Mulhouse fait valoir, sans être contredite, que le poste de chargé d'études en aménagements cyclables a été attribué au requérant, à compter du 1er août 2014, à la suite de sa demande de protection fonctionnelle du 22 janvier 2014 et avec son acceptation expresse.

8. En troisième lieu, si M. A... prétend qu'il a été humilié par sa hiérarchie devant le reste du personnel et décrédibilisé par la circulation d'un rapport diffamatoire, aucune pièce du dossier ne vient étayer de telles allégations et notamment pas les deux courriels de juillet 2014 précédemment évoqués.

9. En quatrième lieu, il ne résulte pas de l'instruction que le requérant aurait été évalué de façon injuste au cours de sa carrière au sein de la collectivité. Si l'intéressé dénonce plus particulièrement son évaluation au titre de l'année 2010, qu'il qualifie de " partiale ", de " fictive ", de " vexatoire " et de " sanction déguisée ", il est constant que sa demande de révision du 4 mars 2011 a reçu un avis défavorable de la commission administrative paritaire compétente le 17 juin 2011 et qu'il n'a pas contesté, par la voie du recours pour excès de pouvoir, le refus du maire du 20 juin 2011 de faire droit à cette demande. De même, M. A..., qui a été recruté le 23 février 2010 et dont l'entretien d'évaluation s'est déroulé le 28 janvier 2011, ne peut sérieusement soutenir que, eu égard à la proximité entre ces deux dates, son employeur était dans l'impossibilité d'évaluer fidèlement ses compétences. En outre, la circonstance que l'intéressé a bénéficié d'évaluations positives dans le cadre des fonctions qu'il exerçait antérieurement à son recrutement par la commune de Mulhouse n'est pas de nature à remettre en cause la pertinence de son évaluation au titre de l'année 2010. Enfin, il résulte du compte-rendu de l'entretien d'évaluation que le notateur de premier degré, loin d'avoir eu une attitude partiale et vexatoire à son égard, a simplement considéré que M. A..., dont l'objectif était de redynamiser le service des travaux publics, avait obtenu des résultats insuffisants par rapport aux attentes et qu'il devait améliorer l'animation des équipes du service pour le rendre plus performant. Il a également estimé que, à l'exception du " suivi contrôle ", les compétences attendues devaient être développées et lui a attribué, sur une échelle décroissante de A à E, la note C, qui correspond à une " maîtrise normale de l'activité avec nécessité d'un soutien ponctuel ".

10. En cinquième lieu, contrairement aux allégations de M. A..., il résulte de l'instruction, spécialement de la liste de ses formations au 30 octobre 2017, produite en défense par la commune de Mulhouse, que l'intéressé a bénéficié, depuis son recrutement, de 62,5 jours de formation et qu'il a pu, en 2015 et 2016, suivre l'intégralité de la préparation à l'examen professionnel d'ingénieur. La seule circonstance que le directeur des ressources humaines de la collectivité, par un courrier du 18 avril 2017, ait refusé de l'inscrire de nouveau à cette préparation pour raison de service n'est pas de nature à faire présumer l'existence d'un harcèlement moral.

11. En sixième et dernier lieu, s'il est constant que M. A... souffre d'un état anxio-dépressif, en lien avec ses difficultés professionnelles, pour lequel il est suivi médicalement depuis le 11 octobre 2011 et qui donné lieu à une alerte du médecin de prévention le 24 juillet 2013, aucun élément du dossier ne permet de considérer que ces troubles psychologiques, qui sont la conséquence de la manière dont l'agent a ressenti sa situation, seraient liés à des faits de harcèlement.

12. Il résulte de tout ce qui précède que les allégations de M. A..., ainsi que les éléments qu'il verse au dossier, ne permettent pas de faire présumer l'existence d'une situation de harcèlement moral dont il serait victime. Par suite, les conclusions à fin d'indemnisation présentées par l'intéressé ne peuvent qu'être rejetées, ainsi que, par voie de conséquence et en tout état de cause, ses conclusions à fin d'injonction.

13. Ainsi, le requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de la commune de Mulhouse, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme réclamée par M. A... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu non plus, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la commune en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Mulhouse, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et à la commune de Mulhouse.

2

N° 17NC03128


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 17NC03128
Date de la décision : 01/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Statuts - droits - obligations et garanties - Garanties et avantages divers - Protection contre les attaques.

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: M. Eric MEISSE
Rapporteur public ?: Mme SEIBT
Avocat(s) : LOMBARD

Origine de la décision
Date de l'import : 11/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-10-01;17nc03128 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award