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01/10/2019 | FRANCE | N°17NC02959

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 01 octobre 2019, 17NC02959


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Ahmed et Fils a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 23 octobre 2014 par laquelle l'Office français de l'immigration et de l'intégration a mis à sa charge la somme de 17 450 euros au titre de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail et la somme de 2 309 euros au titre de la contribution forfaitaire prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que le rejet implicite de son

recours gracieux.

Par un jugement no 1501079 du 18 octobre 2017, le tribu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Ahmed et Fils a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 23 octobre 2014 par laquelle l'Office français de l'immigration et de l'intégration a mis à sa charge la somme de 17 450 euros au titre de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail et la somme de 2 309 euros au titre de la contribution forfaitaire prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que le rejet implicite de son recours gracieux.

Par un jugement no 1501079 du 18 octobre 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 8 décembre 2017, la SARL Ahmed et Fils, représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'infirmer ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 18 octobre 2017 en tant qu'il a rejeté la demande d'annulation de la décision du 23 octobre 2014 par laquelle le directeur de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a mis à sa charge la somme de 17 450 euros au titre de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail ;

2°) d'annuler la décision du 23 octobre 2014 par laquelle le directeur de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a mis à sa charge la somme de 17 450 euros au titre de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail ;

3°) de mettre à la charge de l'Office français de l'immigration et de l'intégration la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens.

Elle soutient que :

- la décision contestée est insuffisamment motivée en fait ;

- la décision contestée en tant qu'elle prononce la contribution forfaitaire de réacheminement est entachée d'incompétence ;

- la contribution spéciale n'est pas justifiée dès lors qu'elle n'a pas embauché un salarié étranger sans titre de séjour assorti d'une autorisation de travailler ;

- la contribution forfaitaire de réacheminement n'est pas justifiée dès lors qu'il a une carte de séjour délivrée par l'Italie qui lui permet de circuler dans l'espace Schengen.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 juin 2018, l'Office français de l'immigration et de l'intégration, représenté par Me B..., conclut au rejet de la requête et demande que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la SARL Ahmed et fils en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le signataire de la décision contestée disposait d'une délégation de signature ;

- la décision contestée est suffisamment motivée ;

- la matérialité des faits est établie par les procès-verbaux ; la durée d'emploi est indifférente à la caractérisation de l'infraction aux dispositions de l'article L. 8251-1 du code du travail ;

- le tribunal a fait droit à la demande relative à la contribution forfaitaire de réacheminement qui n'est plus en litige.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- et les conclusions de Mme Seibt, rapporteur public.

1. Lors d'un contrôle le 9 octobre 2013 du restaurant à l'enseigne " Shalimar 2 ", exploité par la société Ahmed et fils, les services de police ont constaté la présence d'un ressortissant étranger démuni de titre de séjour l'autorisant à travailler en France. Par une décision du 23 octobre 2014, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à la charge de la société Ahmed et fils, d'une part, la somme de 17 450 euros au titre de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail et, d'autre part, celle de 2 309 euros au titre de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le recours gracieux présenté le 12 décembre 2014 par la société Ahmed et fils a été implicitement rejeté par le directeur général de l'OFII. Le tribunal administratif de Strasbourg a déchargé cette société de la contribution forfaitaire de réacheminement et rejeté le surplus des conclusions de la demande par un jugement du 18 octobre 2017. La société Ahmed et fils demande l'annulation de ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 23 octobre 2014 mettant à sa charge la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 alors applicable : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...)/ -infligent une sanction ; (...) ". Aux termes de l'article 3 de la même loi : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

3. La décision du 23 octobre 2014 mentionne les articles L. 8251-1 et L. 8253-1 du code du travail, l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le procès-verbal d'infraction du 9 octobre 2013 dressé à l'encontre de la société Ahmed et fils ainsi que la lettre du 20 mai 2014 informant cette dernière des faits qui lui sont reprochés et l'invitant à fournir ses observations. Elle précise également les modalités de calcul et le montant de la contribution spéciale due par cette société pour l'emploi irrégulier d'un travailleur dont l'identité est mentionnée dans une annexe jointe. De plus, la lettre du 20 mai 2014, précédemment envoyée à la société dans le cadre de la procédure contradictoire et à la suite de laquelle elle a fourni ses observations, mentionnait précisément les éléments de fait de nature à justifier le prononcé de la contribution spéciale. Dans ces conditions, la requérante a été mise à même de connaître les considérations de fait et de droit qui constituent le fondement de la décision du 23 octobre 2014. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision en litige doit dès lors être écarté.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 8251-1 du code du travail : " Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France. (...) ". Aux termes de l'article L. 8253-1 du même code : " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte, pour chaque travailleur étranger non autorisé à travailler, une contribution spéciale. Le montant de cette contribution spéciale est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Il est, au plus, égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. Ce montant peut être minoré en cas de non-cumul d'infractions ou en cas de paiement spontané par l'employeur des salaires et indemnités dus au salarié étranger non autorisé à travailler mentionné à l'article R. 8252-6. Il est alors, au plus, égal à 2 000 fois ce même taux. Il peut être majoré en cas de réitération et est alors, au plus, égal à 15 000 fois ce même taux. (...) ". Aux termes de l'article R. 8253-1 du même code : " (...) / Cette contribution est à la charge de l'employeur qui a embauché ou employé un travailleur étranger non muni d'une autorisation de travail ".

5. Lorsque le juge administratif est saisi de conclusions dirigées contre une décision mettant à la charge d'un contrevenant la contribution spéciale sur le fondement des dispositions de l'article L. 8253-1 du code du travail, il lui appartient, après avoir contrôlé les faits invoqués et la qualification retenue par l'administration, de décider, selon le résultat de ce contrôle, soit de maintenir le taux retenu, soit de lui substituer celui des deux autres taux qu'il estime légalement justifié, soit, s'il n'est pas établi que l'employeur se serait rendu coupable des faits visés au premier alinéa de l'article L. 8251-1 précité du code du travail, de le décharger de la contribution spéciale.

6. La société Ahmed et fils fait valoir que M. A..., qui était le cousin de son gérant, n'a pas été embauché mais a seulement remplacé momentanément ce dernier, le jour du contrôle. Il résulte toutefois des mentions des procès-verbaux, qui font foi jusqu'à preuve contraire, qu'au moment de son interpellation M. A... était en train de s'occuper de la viande en cuisine. Entendu, ce dernier a reconnu travailler pour le restaurant " Shalimar 2 " depuis le 15 septembre 2013 et avoir reçu de la part du gérant de la société, qui est un ami de son frère, une rémunération globale d'environ deux-cents euros en espèces. Le gérant de la société a également admis avoir eu recours aux services de M. A..., alors même qu'il n'ignorait pas que ce dernier était dépourvu de titre l'autorisant à travailler en France. S'il a contesté lui avoir versé une rémunération, il a reconnu lui donner, lorsqu'il le demandait, de l'argent. Un salarié présent lors du contrôle de police a corroboré ces faits. L'ensemble de ces éléments établissent l'existence d'une relation de travail entre la société Ahmed et fils et M. A.... Si la requérante se prévaut de l'existence d'un lien de parenté entre son gérant et M. A..., elle n'apporte aucun élément pour l'établir. Au demeurant, cette circonstance à la supposer même établie est sans incidence sur l'existence d'une relation de travail. Enfin, ni la délivrance le 16 juillet 2014 d'un récépissé de demande de titre de séjour à M. A..., ni encore la circonstance que ce dernier disposait d'un titre de séjour italien en cours de validité à la date des faits, lequel ne l'autorisait pas à travailler en France, ne sont de nature à contredire la réalité des faits constatés par les services de police dans le procès-verbal du 9 octobre 2013. Ces faits sont de nature à justifier la mise à la charge de la société Ahmed et fils de la contribution spéciale prévue par l'article L. 8253-1 du code du travail d'un montant de 17 450 euros.

7. Il résulte de tout ce qui précède que la société Ahmed et fils n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg n'a pas annulé la décision du 23 octobre 2014 en tant qu'elle met à sa charge la contribution spéciale.

Sur les frais liés à l'instance :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Ahmed et fils demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Ahmed et fils une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par l'Office français de l'immigration et de l'intégration et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société Ahmed et fils est rejetée.

Article 2 : La société Ahmed et fils versera à l'Office français de l'immigration et de l'intégration la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Ahmed et fils et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

N° 17NC02959 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 17NC02959
Date de la décision : 01/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-06 Étrangers. Emploi des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: M. Stéphane BARTEAUX
Rapporteur public ?: Mme SEIBT
Avocat(s) : KOLATA-MERCIER MARIE-LUCE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-10-01;17nc02959 ?
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