La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

01/10/2019 | FRANCE | N°17NC02577

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 01 octobre 2019, 17NC02577


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 13 février 2015 par lequel le préfet du Jura l'a placée en disponibilité d'office pour raison de santé, du 1er janvier au 31 décembre 2015.

Par un jugement n° 1500951 du 13 juin 2017, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 27 octobre 2017, Mme B... C..., représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'an

nuler le jugement du tribunal administratif de Besançon du 13 juin 2017 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfe...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 13 février 2015 par lequel le préfet du Jura l'a placée en disponibilité d'office pour raison de santé, du 1er janvier au 31 décembre 2015.

Par un jugement n° 1500951 du 13 juin 2017, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 27 octobre 2017, Mme B... C..., représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Besançon du 13 juin 2017 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Jura du 13 février 2015 ;

3°) à titre subsidiaire, d'ordonner avant dire droit une expertise médicale aux fins de déterminer si elle est ou non inapte à tout poste et si elle peut ou non être reclassée sur un autre poste ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

- l'arrêté en litige du 13 février 2015 méconnaît le principe général du droit au reclassement, dès lors qu'elle n'a jamais été invitée par l'administration à présenter une demande de reclassement, alors même que, contrairement à ce qu'a estimé à tort le comité médical départemental du Jura dans son avis du 22 janvier 2015, elle n'est pas inapte à tout poste, mais uniquement à ceux en lien avec son agression ;

- l'arrêté en litige est également entaché d'une erreur de droit, dès lors que l'administration n'a pas tenu compte du rapport d'expertise médicale et n'a nullement cherché à la reclasser ;

- le tribunal a commis une erreur d'appréciation et dénaturé les pièces du dossier en jugeant qu'elle était inapte à tout poste ;

- le tribunal a commis une erreur de droit en considérant que, faute pour l'intéressée d'avoir saisi le comité médical supérieur, l'avis du 22 janvier 2015 du comité médical départemental du Jura est incontestable.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 août 2019, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par Mme C... ne sont pas fondés.

Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 août 2017, modifiée le 28 novembre 2017.

Vu les autres pièces du dosser.

Vu :

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 84-1051 du 30 novembre 1984 ;

- le décret n° 85-986 du 16 septembre 1985 ;

- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Meisse, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Seibt, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., pour Mme C....

Considérant ce qui suit :

1. A la suite de sa réussite au concours, le 22 mars 2001, Mme B... C... a été nommée, le 10 avril 2001, agent des services techniques de deuxième classe du cadre national des préfectures et affectée en qualité de concierge à la préfecture du Jura à compter du 17 avril 2001. Souffrant, depuis plusieurs années, d'un état dépressif et anxieux, qui serait lié à une agression subie sur son lieu de travail le 27 août 2001, la requérante a été placée à plusieurs reprises en congé de maladie entre le 4 septembre 2001 et le 31 décembre 2006. Par un arrêté du 20 décembre 2006, le préfet du Jura a réintégré l'intéressée, à temps plein, à compter du 1er janvier 2007 et l'a reclassée, au sein de la préfecture, sur un emploi administratif. Le 4 février 2008, Mme C... a été titularisée dans le grade d'adjointe administrative de deuxième classe de l'intérieur et de l'outre-mer. A la suite de son échec aux examens du BTS " Economie sociale et familiale ", pour la préparation desquels elle avait bénéficié d'un congé de formation professionnelle, la requérante a été placée en congé de longue durée du 1er août 2011 au 31 décembre 2014. L'avis du comité médical départemental du Jura du 22 janvier 2015 ayant conclu à l' " inaptitude totale et définitive à toutes fonctions " de l'agent et à sa mise en disponibilité " pour raison de santé dans l'attente de la retraite pour invalidité ", le préfet du Jura, par un arrêté du 13 février 2015, l'a placée en disponibilité d'office pour raison de santé, du 1er janvier au 31 décembre 2015, dans l'attente de l'avis de la commission de réforme sur sa mise à la retraite d'office pour invalidité. Par une requête enregistrée le 19 juin 2015, Mme C... a saisi le tribunal administratif de Besançon d'un recours tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 13 février 2015. Elle relève appel du jugement n° 1500951 du 13 juin 2017 qui rejette cette demande.

Sur la régularité du jugement :

2. En se bornant à relever que l'avis du comité médical départemental du Jura du 22 janvier 2015 n'avait fait l'objet d'aucune contestation devant le comité médical supérieur, le tribunal administratif de Besançon, contrairement à ce que soutient Mme C..., n'a pas entaché son jugement d'irrégularité.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. Aux termes de l'article 51 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, dans sa rédaction alors applicable : " La disponibilité est la position du fonctionnaire qui, placé hors de son administration ou service d'origine, cesse de bénéficier, dans cette position, de ses droits à l'avancement et à la retraite. / La disponibilité est prononcée, soit à la demande de l'intéressé, soit d'office à l'expiration des congés prévus aux 2°, 3° et 4° de l'article 34 ci-dessus ou dans le cas prévu au second alinéa de l'article 44 quater. (...) ". Aux termes de l'article 63 de cette même loi, dans sa rédaction alors applicable : " Lorsque les fonctionnaires sont reconnus, par suite d'altération de leur état physique, inaptes à l'exercice de leurs fonctions, le poste de travail auquel ils sont affectés est adapté à leur état physique. Lorsque l'adaptation du poste de travail n'est pas possible, ces fonctionnaires peuvent être reclassés dans des emplois d'un autre corps s'ils ont été déclarés en mesure de remplir les fonctions correspondantes. / (...) Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions dans lesquelles le reclassement, qui est subordonné à la présentation d'une demande par l'intéressé, peut intervenir. / Il peut être procédé au reclassement des fonctionnaires mentionnés à l'alinéa premier du présent article par la voie du détachement dans un corps de niveau équivalent ou inférieur. Dès qu'il s'est écoulé une période d'un an, les fonctionnaires détachés dans ces conditions peuvent demander leur intégration dans le corps de détachement. ". Aux termes de l'article 2 du décret n° 84-1051 du 30 novembre 1984, pris en application de l'article 63 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 en vue de faciliter le reclassement des fonctionnaires de l'Etat reconnus inaptes à l'exercice de leurs fonctions, dans sa rédaction alors applicable : " Dans le cas où l'état physique d'un fonctionnaire, sans lui interdire d'exercer toute activité, ne lui permet pas de remplir les fonctions correspondant aux emplois de son grade, l'administration, après avis du comité médical, invite l'intéressé à présenter une demande de reclassement dans un emploi d'un autre corps. ". Aux termes de l'article 43 du décret n° 85-986 du 16 septembre 1985, relatif au régime particulier de certaines positions des fonctionnaires de l'État et à certaines modalités de cessation définitive de fonctions : " La mise en disponibilité ne peut être prononcée d'office qu'à l'expiration des droits statutaires à congés de maladie prévus au premier alinéa du 2°, au premier alinéa du 3° et au 4° de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée et s'il ne peut, dans l'immédiat, être procédé au reclassement du fonctionnaire dans les conditions prévues à l'article 63 du la loi du 11 janvier 1984 susvisée. ". Aux termes du deuxième alinéa de l'article 27 du décret n° 86-442 du 14 mars 1986, relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires, dans sa rédaction alors applicable : " Lorsqu'un fonctionnaire a obtenu pendant une période de douze mois consécutifs des congés de maladie d'une durée totale de douze mois, il ne peut, à l'expiration de sa dernière période de congé, reprendre son service sans l'avis favorable du comité médical : en cas d'avis défavorable, il est soit mis en disponibilité, soit reclassé dans un autre emploi, soit, s'il est reconnu définitivement inapte à l'exercice de tout emploi, admis à la retraite après avis de la commission de réforme. (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article 47 du même décret : " Le fonctionnaire ne pouvant, à l'expiration de la dernière période de congé de longue maladie ou de longue durée, reprendre son service est soit reclassé dans un autre emploi, en application du décret

n° 84-1051 du 30 novembre 1984 en application de l'article 63 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat en vue de faciliter le reclassement des fonctionnaires de l'Etat reconnus inaptes à l'exercice de leurs fonctions, soit mis en disponibilité, soit admis à la retraite après avis de la commission de réforme. ". Enfin, aux termes du premier alinéa de l'article 48 du même décret : " La mise en disponibilité prévue aux articles 27 et 47 du présent décret est prononcée après avis du comité médical ou de la commission de réforme sur l'inaptitude du fonctionnaire à reprendre ses fonctions. ".

4. Il résulte de la combinaison de ces dispositions législatives et réglementaires que, lorsqu'un agent a été, à l'issue de ses droits statutaires à congé de maladie, reconnu inapte à la reprise des fonctions qu'il occupait antérieurement et alors que le comité médical ne s'est pas prononcé sur sa capacité à occuper, par voie de réaffectation, de détachement ou de reclassement, un autre emploi, éventuellement dans un autre corps ou un autre grade, l'autorité hiérarchique ne peut placer cet agent en disponibilité d'office sans l'avoir préalablement invité à présenter, s'il le souhaite, une demande de reclassement. La mise en disponibilité d'office peut ensuite être prononcée, soit en l'absence d'une telle demande, soit si cette dernière ne peut être immédiatement satisfaite. Les dispositions législatives et réglementaires en cause, en subordonnant le reclassement à la présentation d'une demande par l'intéressé, ont pour objet d'interdire à l'employeur d'imposer un reclassement qui ne correspondrait pas à la demande formulée par le salarié, mais ne le dispensent pas de l'obligation de chercher à reclasser celui-ci, et n'imposent nullement que la demande qu'il présente ait à préciser la nature des emplois sur lesquels il sollicite son reclassement. Toutefois, l'administration n'est pas tenue de rechercher un poste de reclassement lorsque, en raison de l'altération de son état de santé, l'agent ne peut plus exercer d'activité et ne peut ainsi faire l'objet d'aucune mesure de reclassement.

5. Il ressort des pièces du dossier que le comité médical départemental du Jura, après avoir déclaré Mme C... " inapte à ses fonctions ", le 18 décembre 2014, a rendu un second avis, à la demande de l'administration, le 22 janvier 2015, dans lequel il a précisé que l'intéressée présentait une " inaptitude totale et définitive à toutes fonctions " et a préconisé sa mise en " disponibilité pour raison de santé dans l'attente de la retraite pour invalidité ". Le comité médical a donc estimé que la requérante ne pouvait plus exercer d'activité dans la fonction publique et, partant, qu'elle ne pouvait faire l'objet d'aucune mesure de reclassement. Mme C... verse aux débats deux certificats médicaux de son médecin traitant, datés des 5 mars 2015 et 23 août 2016, qui soulignent, sans autre précision, son aptitude au travail, à l'exception du poste précédemment occupé. Elle produit également le rapport d'expertise médicale du 17 novembre 2014, établi par un médecin psychiatre et soumis au comité départemental médical du Jura, dont il résulte que, si " toute reprise, dans les conditions actuelles, dans son emploi en préfecture est vouée à l'échec et à considérer comme impossible ", " un reclassement professionnel pourrait peut-être par contre être envisagée pour éviter d'aboutir à l'invalidité ". Toutefois, de tels documents, eu égard notamment aux termes dans lesquels ils sont rédigés, ne sont pas de nature à remettre en cause l'avis du 22 janvier 2015. Et, s'il est vrai que le rapport d'expertise médical du 18 mai 2015, également établi par un médecin psychiatre dans le cadre de la procédure concernant la mise à la retraite d'office de l'agent pour invalidité, indique que l'état de santé de l'intéressée justifie sa demande de mutation et de détachement, sachant que son incapacité de travail n'existe que dans le cadre précis des lieux qui lui rappellent l'agression physique dont elle a été victime en 2001, il ressort des pièces du dossier, ainsi que le fait valoir l'administration en défense, que, outre deux tentatives de reclassement dans d'autres fonctions à la préfecture du Jura en 2008 et 2010, Mme C... a déjà bénéficié, à sa demande, à compter du 12 janvier 2004 et dans le cadre d'une réintégration à mi-temps thérapeutique, d'une tentative de reclassement à la sous-préfecture de Saint-Claude sur un poste administratif de délivrance de titres et de secrétariat, et que cette mesure n'a pas évité un nouveau placement en congé de maladie ordinaire, du 16 juin 2004 au 15 mai 2005, en raison de la pathologie anxio-dépressive de l'intéressée. Par suite, et alors qu'il n'est pas établi, ni même allégué, que cette pathologie aurait évolué depuis cette période, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que le préfet du Jura aurait commis une erreur d'appréciation en considérant, à la suite du comité médical départemental, qu'elle était inapte totalement et définitivement à l'exercice de toutes fonctions.

6. Compte tenu de ce qui vient d'être dit, la requérante ne saurait utilement soutenir que son employeur aurait dû, avant de prononcer sa mise en disponibilité d'office pour raison de santé, chercher à la reclasser ou, à tout le moins, l'inviter à présenter une demande en ce sens.

7. Par suite, sans qu'il soit besoin d'ordonner avant dire droit une expertise médicale, les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté préfectoral du 13 juin 2015 ne peuvent qu'être rejetées, ainsi que, par voie de conséquence, les conclusions à fin d'application des articles

L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique.

8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 13 juin 2017, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera transmise pour information au préfet du Jura.

2

N° 17NC02577


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 17NC02577
Date de la décision : 01/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Positions - Disponibilité.

Fonctionnaires et agents publics - Statuts - droits - obligations et garanties - Comités médicaux - Procédure.


Composition du Tribunal
Président : M. WURTZ
Rapporteur ?: M. Eric MEISSE
Rapporteur public ?: Mme SEIBT
Avocat(s) : BREY CELINE

Origine de la décision
Date de l'import : 11/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-10-01;17nc02577 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award