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23/07/2019 | FRANCE | N°18NC03132-18NC03133

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 23 juillet 2019, 18NC03132-18NC03133


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...A...et M. D...A...ont demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler les arrêtés du 17 avril 2018 par lesquels le préfet du Doubs a prononcé le retrait de leurs attestations de demande d'asile, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel ils pourront être éloignés à l'expiration de ce délai et leur a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans.

Par un jugement n°

1800731 du 5 juillet 2018, le tribunal administratif de Besançon a rejeté la demande de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...A...et M. D...A...ont demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler les arrêtés du 17 avril 2018 par lesquels le préfet du Doubs a prononcé le retrait de leurs attestations de demande d'asile, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel ils pourront être éloignés à l'expiration de ce délai et leur a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans.

Par un jugement n° 1800731 du 5 juillet 2018, le tribunal administratif de Besançon a rejeté la demande de M. D...A.... Par un jugement n° 1800732 du même jour, il a également rejeté celle de Mme C...A....

Procédure devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 19 novembre 2018 sous le n° 18NC03132, Mme C...A..., représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1800732 du 5 juillet 2018 du tribunal administratif de Besançon ;

2°) d'annuler l'arrêté contesté ;

3°) d'enjoindre au préfet du Doubs de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de deux mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son avocate au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Mme A...soutient que :

- l'obligation de quitter le territoire français a été prise en méconnaissance de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'à la date de son édiction, le délai de recours dont elle disposait pour contester la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 24 janvier 2018 devant la Cour nationale du droit d'asile n'avait pas expiré ;

- la substitution de motif sollicitée par le préfet ne peut pas être admise dès lors que la motivation de l'arrêté contesté ne fait pas état du nouveau motif et que la volonté de faire échec à une mesure d'éloignement, prévue par le 4° de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'est pas caractérisée ;

- en raison de la procédure pénale ouverte à la suite de l'accident mortel dont a été victime son fils, le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en l'obligeant à quitter le territoire français et en lui interdisant d'y retourner ;

- l'interdiction de retour sur le territoire français est illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- le préfet a méconnu l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en décidant qu'elle pourra être éloignée d'office à destination du Kosovo.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 janvier 2019, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par la requérante n'est fondé.

II. Par une requête enregistrée le 19 novembre 2018 sous le n° 18NC03133, M. D... A..., représenté par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1800731 du 5 juillet 2018 du tribunal administratif de Besançon ;

2°) d'annuler l'arrêté contesté ;

3°) d'enjoindre au préfet du Doubs de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de deux mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son avocate au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

M. A...soutient que :

- l'obligation de quitter le territoire français a été prise en méconnaissance de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'à la date de son édiction, le délai de recours dont il disposait pour contester la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 19 janvier 2018 devant la Cour nationale du droit d'asile n'avait pas expiré ;

- la substitution de motif sollicitée par le préfet ne peut pas être admise dès lors que la motivation de l'arrêté contesté ne fait pas état du nouveau motif et que la volonté de faire échec à une mesure d'éloignement, prévue par le 4° de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'est pas caractérisée ;

- en raison de la procédure pénale ouverte à la suite de l'accident mortel dont a été victime son fils, le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en l'obligeant à quitter le territoire français et en lui interdisant d'y retourner ;

- l'interdiction de retour sur le territoire français est illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- le préfet a méconnu l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en décidant qu'il pourra être éloigné d'office à destination du Kosovo.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 janvier 2019, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par le requérant n'est fondé.

M. et Mme A...ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par des décisions en date du 18 octobre 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Rees, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C...A...et M. D...A..., de nationalité kosovare, sont entrés irrégulièrement en France le 26 novembre 2014, selon leurs déclarations. Ils ont présenté des demandes d'asile, qui ont été définitivement rejetées par la Cour nationale du droit d'asile le 21 juin 2016. Le 16 janvier 2018, ils ont sollicité le réexamen de leurs demandes d'asile. Par des décisions des 19 et 24 janvier 2018 l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté ces demandes comme irrecevables. Par des arrêtés du 17 avril 2018, le préfet du Doubs a prononcé le retrait de leurs attestations de demande d'asile, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourront être éloignés à l'expiration de ce délai, et leur a interdit le retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans.

2. M. et Mme A...relèvent appel des jugements du 5 juillet 2018 par lesquels le tribunal administratif de Besançon a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés.

3. Les requêtes susvisées, nos 18NC03132 et 18NC03133, portent sur des litiges de même nature relatifs à la situation d'un couple, présentent à juger de questions similaires et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un même arrêt.

Sur la légalité des arrêtés contestés :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile. L'attestation délivrée en application de l'article L. 741-1, dès lors que la demande d'asile a été introduite auprès de l'office, vaut autorisation provisoire de séjour et est renouvelable jusqu'à ce que l'office et, le cas échéant, la cour statuent ".

5. Aux termes de l'article L. 743-2 du même code, alors applicable : " Par dérogation à l'article L. 743-1, (...) le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin et l'attestation de demande d'asile peut être refusée, retirée ou son renouvellement refusé lorsque : (...) / 4° L'étranger n'a introduit une première demande de réexamen, qui a fait l'objet d'une décision d'irrecevabilité par l'office en application du 3° de l'article L. 723-11, qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement ; (...) ".

6. Enfin, aux termes de l'article L. 511-1 de ce code, alors applicable : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) / 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) ".

7. Le préfet a prononcé le retrait des attestations de demande d'asile, valant autorisations provisoires de séjour, délivrées à M. et MmeA..., au motif que ces derniers ne bénéficiaient plus du droit de se maintenir sur le territoire français pour n'avoir pas, dans le délai de recours, contesté devant la Cour nationale du droit d'asile les décisions des 19 et 24 janvier 2018 par lesquelles l'Office français de protection des réfugiés et apatrides avait rejeté comme irrecevables leurs demandes de réexamen. Or, il est constant que les intéressés ont présenté, le 5 février 2018, des demandes d'aide juridictionnelle qui ont interrompu les délais de recours, et que leurs recours ont ensuite été enregistrés, le 7 mars 2018, par la Cour nationale du droit d'asile. Le préfet s'est donc fondé sur des faits matériellement inexacts. Sa décision est, dès lors, entachée d'illégalité.

8. Toutefois, il ressort des pièces du dossier qu'à la suite du rejet de leur demande d'asile initiale, les requérants ont fait l'objet, le 13 septembre 2016, d'arrêtés par lesquels le préfet du Doubs a refusé de les admettre au séjour et les a obligés à quitter le territoire français. La légalité de ces arrêtés a été confirmée par des jugements du tribunal administratif de Besançon du 28 mars 2017, puis par un arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 17 mai 2018. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que les requérants n'ont, à l'appui de leurs demandes, présenté aucun élément sérieux de nature à justifier le réexamen de leurs situations par les instances chargées de l'asile. Dans ces conditions, leurs premières demandes de réexamen, que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejetées comme irrecevables en application du 3° de l'article L. 723-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, doivent être regardées comme ayant été présentées en vue de faire échec aux mesures d'éloignement dont ils faisaient l'objet et qui, à la suite des jugements du tribunal administratif de Besançon du 28 mars 2017, pouvaient à tout moment être mises en exécution.

9. Il ressort des pièces du dossier que le préfet aurait pris les mêmes décisions de retrait des attestations de demande d'asile s'il s'était fondé initialement sur ce motif, en application du 4° de l'article L. 743-2 précité. Par définition, la circonstance que l'arrêté contesté ne fasse pas état de ce motif ne saurait empêcher qu'il soit substitué à celui qui y est énoncé. Par ailleurs, cette substitution ne prive les intéressés d'aucune garantie procédurale liée au motif substitué, dès lors qu'ils ont pu en discuter contradictoirement le bien-fondé tant devant le tribunal que devant la cour. Dès lors, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, à la demande du préfet, le tribunal a procédé à cette substitution, qui rend légale les décisions de retrait des attestations de demande d'asile.

10. Les requérants n'étant ainsi plus titulaires d'un titre de séjour en cours de validité, le préfet a pu légalement les obliger à quitter le territoire français en application des dispositions du 6° du I de l'article L. 511-1 précité.

11. En deuxième lieu, les requérants n'apportent aucun élément de nature à établir la nécessité de leur présence en France pour les besoins de la procédure pénale ouverte à la suite de l'accident mortel dont a été victime leur fils le 26 août 2017. En outre, ils ne démontrent pas qu'ils ne peuvent pas s'y faire représenter par un avocat. Dans ces conditions, l'erreur manifeste d'appréciation alléguée n'est pas établie.

12. En troisième lieu, faute d'établir l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français, les requérants ne sont pas fondés à en exciper à l'encontre de l'interdiction de retour sur le territoire français.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Besançon a rejeté leurs demandes. Leurs conclusions à fin d'annulation ainsi que, par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction et d'astreinte, et d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Les requêtes de Mme C...A...et M. D...A...sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...A...et M. D...A..., et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Doubs.

N° 18NC03132-18NC03133 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18NC03132-18NC03133
Date de la décision : 23/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. MESLAY
Rapporteur ?: M. Philippe REES
Rapporteur public ?: M. FAVRET
Avocat(s) : BERTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 30/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-07-23;18nc03132.18nc03133 ?
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