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23/07/2019 | FRANCE | N°18NC01455

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 23 juillet 2019, 18NC01455


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association agréée pour la pêche et la protection du milieu aquatique de Seltz (AAPPMA) a demandé au tribunal administratif de Strasbourg, d'une part, d'enjoindre à la commune de Beinheim de remettre en état les buses permettant l'accès à l'îlot du Kohlengraben, d'autre part, de condamner cette commune à lui verser une indemnité de 10 000 euros en réparation du trouble de jouissance qu'elle a subi à la suite des travaux réalisés par cette commune.

Par un jugement n° 1505341 du 15 mars 2018,

le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la c...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association agréée pour la pêche et la protection du milieu aquatique de Seltz (AAPPMA) a demandé au tribunal administratif de Strasbourg, d'une part, d'enjoindre à la commune de Beinheim de remettre en état les buses permettant l'accès à l'îlot du Kohlengraben, d'autre part, de condamner cette commune à lui verser une indemnité de 10 000 euros en réparation du trouble de jouissance qu'elle a subi à la suite des travaux réalisés par cette commune.

Par un jugement n° 1505341 du 15 mars 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 15 mai et 6 décembre 2018, l'Association agréée pour la pêche et la protection du milieu aquatique de Seltz, représentée par le cabinet d'avocats B...et Graff, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 15 mars 2018 ;

2°) de condamner la commune de Beinheim à lui verser la somme de 10 000 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 3 juin 2015 ;

3°) d'enjoindre à la commune de Beinheim de reconstruire les buses déposées et de rétablir l'accès à l'ilôt du Kohlengraben sous peine d'une astreinte de 150 euros par jour de retard suivant l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Beinheim le versement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

L'association agréée pour la pêche et la protection du milieu aquatique de Seltz soutient que :

- dès lors qu'elle dispose d'un droit de pêche dans les eaux du port autonome de Strasbourg, elle justifie d'un intérêt lui donnant qualité à agir pour former des conclusions indemnitaires à l'encontre de la commune de Beinheim qui a réalisé des travaux rendant l'accès à ses zones de pêche impossible ;

- ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à la commune de Beinheim de remettre en état le chemin du Kohlengraben sont recevables ;

- la commune de Beinheim a commis une faute en réalisant les travaux litigieux avant le dépôt auprès du préfet du Bas-Rhin du dossier de déclaration au titre de la police de l'eau ;

- la commune a commis une faute en exécutant les travaux litigieux sur des parcelles ne lui appartenant pas sans avoir préalablement sollicité l'autorisation préfectorale prévue par l'article 3 de la loi du 29 décembre 1892 relative aux dommages causés à la propriété privée par l'exécution des travaux publics ;

- la commune a commis une faute en supprimant le chemin rural du Kohlengraben sans autorisation préalable du conseil municipal ;

- les fautes commises par la commune ont privé ses adhérents de la possibilité d'utiliser le chemin du Kohlengraben pour se rendre sur leurs lieux de pêche ;

- elle a droit au paiement d'une indemnité de 10 000 euros en réparation de son trouble de jouissance ;

- en sa qualité de riveraine du chemin du Kohlengraben, elle a droit en tout état de cause à être indemnisée de la privation d'accès à ce chemin sur le fondement de la responsabilité sans faute.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 septembre 2018, la commune de Beinheim conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'association agréée pour la pêche et la protection du milieu aquatique de Seltz sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La commune de Beinheim soutient que :

- les conclusions de l'association requérante tendant à ce qu'il lui soit enjoint de remettre en état les buses sont irrecevables ;

- l'association requérante n'avait pas d'intérêt lui donnant qualité à agir pour demander à être indemnisée de ce qu'elle ne pouvait plus exercer la pêche dans le bassin nord de la darse du port de Beinheim dès lors qu'elle n'a plus aucun droit à exercer la pêche à cet endroit ;

- les moyens soulevés par l'association requérante ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 19 novembre 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 10 décembre 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- la loi du 29 décembre 1892 sur les dommages causés à la propriété privée par l'exécution des travaux publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Laubriat, premier conseiller,

- les conclusions de M. Favret, rapporteur public,

- et les observations de MeC..., substituant MeB..., pour l'association agréée pour la pêche et la protection du milieu aquatique de Seltz, ainsi que celles de MeA..., pour la commune de Beinheim.

Considérant ce qui suit :

1. Le 8 janvier 2013, la commune de Beinheim a déposé auprès du préfet du Bas-Rhin une déclaration de travaux au titre de l'article R. 214-32 du code de l'environnement, tendant à la suppression de deux buses installées sous le chemin rural du Kohlengraben, en vue de rétablir la continuité hydraulique entre l'ilôt du Kohlengraben situé au milieu d'un bras mort du Rhin et le plan d'eau du port de Beinheim. Par un courrier du 6 février 2013, le préfet a informé la commune de Beinheim de sa décision de ne pas s'opposer aux travaux. Après la réalisation des travaux, l'association agréée pour la pêche et la protection du milieu aquatique de Seltz (AAPPMA de Seltz) a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'enjoindre à la commune de Beinheim de procéder à la remise en état du site en reconstruisant les deux buses et de condamner la commune à lui verser une indemnité de 10 000 euros en réparation du trouble de jouissance qu'elle estime avoir subi du fait de ces travaux. L'AAPPMA de Seltz fait appel du jugement du 15 mars 2018 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Sur les conclusions indemnitaires et les conclusions en injonction :

En ce qui concerne la responsabilité pour faute :

2. En premier lieu, à supposer, comme l'affirme l'AAPPMA de Seltz, que la commune de Beinheim ait commis une faute en réalisant les travaux de dépose des buses fin décembre 2012, soit avant même le dépôt le 8 janvier 2013 du dossier de déclaration au titre de la police de l'eau auprès du préfet du Bas-Rhin, cette faute n'est pas la cause du préjudice allégué par l'association consistant en ce que ses membres ne peuvent plus emprunter le chemin du Kohlengraben pour aller pêcher sur la darse nord du port de Beinheim.

3. En deuxième lieu, la circonstance, à la supposer établie, que la commune de Beinheim aurait réalisé les travaux de dépose des buses sur des parcelles appartenant à l'entreprise Dyckerhoff sans solliciter au préalable l'autorisation préfectorale prévue par l'article 3 de la loi du 29 décembre 1892 est également sans lien avec le trouble de jouissance invoqué par l'AAPPMA de Seltz résultant de ce que ses membres ne peuvent plus emprunter le chemin du Kohlengraben pour accéder aux berges de la darse nord du port de Beinheim.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 161-1 du code rural et de la pêche maritime : " Les chemins ruraux sont les chemins appartenant aux communes, affectés à l'usage du public, qui n'ont pas été classés comme voies communales. Ils font partie du domaine privé de la commune. ". Selon l'article L. 141-1 du code de la voirie routière : " Les voies qui font partie du domaine public routier communal sont dénommées voies communales ". L'article L. 143-1 du même code dispose : " Le classement et le déclassement des voies communales sont prononcés par le conseil municipal. (...) ".

5. Le chemin du Kohlengraben étant un chemin rural et non une voie communale, les dispositions du code de la voirie routière ne lui sont pas applicables. Par suite, le moyen tiré de ce que le maire de la commune de Beinheim aurait commis une faute en procédant à la suppression de ce chemin sans y avoir été autorisé par son conseil municipal en méconnaissance de l'article L. 141-3 du code de la voirie routière est inopérant. Au surplus, il ne résulte pas de l'instruction que la commune de Beinheim aurait procédé à la suppression de ce chemin, qui appartient d'ailleurs à la commune de Seltz, mais s'est bornée à réaliser les travaux de dépose des buses déclarés dans le dossier déposé au titre de la loi sur l'eau auprès du préfet du Bas-Rhin.

En ce qui concerne la responsabilité sans faute :

6. Il est constant que le chemin rural du Kohlengraben, bien qu'affecté à l'usage du public, n'a pas le caractère d'une voie publique communale. Il suit de là que les riverains de ce chemin rural ne sont pas titulaires d'aisances de voirie. Par ailleurs, et en tout état de cause, l'AAPPMA de Seltz n'est pas riveraine du chemin du Kohlengraben, dès lors qu'elle n'est pas la propriétaire ou la locataire de parcelles riveraines de ce chemin ou de bâtiments qui seraient implantés sur ces parcelles. Ne pouvant ainsi se prévaloir d'aucun droit à accéder à ce chemin, elle ne saurait donc demander à être indemnisée de la suppression de son droit d'accès.

7. Il résulte de tout ce qui précède que l'association agréée pour la pêche et la protection du milieu aquatique de Seltz n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté les conclusions indemnitaires de sa demande. Le préjudice de jouissance dont se prévaut l'association agréée pour la pêche et la protection du milieu aquatique de Seltz n'étant pas imputable aux travaux effectués par la commune de Beinheim de suppression des buses installées sous le chemin rural du Kohlengraben, les conclusions de cette association tendant à ce qu'il soit enjoint à la commune de Beinheim de reconstruire les buses déposées et de rétablir l'accès à l'ilôt du Kohlengraben ne peuvent également qu'être rejetées.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Beinheim, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que l'association agréée pour la pêche et la protection du milieu aquatique de Seltz demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de l'association agréée pour la pêche et la protection du milieu aquatique de Seltz une somme de 1 500 euros à verser à la commune de Beinheim sur le fondement des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de l'association agréée pour la pêche et la protection du milieu aquatique de Seltz est rejetée.

Article 2 : L'association agréée pour la pêche et la protection du milieu aquatique de Seltz versera à la commune de Beinheim une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association agréée pour la pêche et la protection du milieu aquatique de Seltz et à la commune de Beinheim.

Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.

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N° 18NC01455


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