Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C...B...a demandé au tribunal administratif de Nancy de condamner l'Etat à lui verser la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice moral subi du fait de la sanction de vingt jours de quartier disciplinaire, prononcée à son encontre le 3 juin 2015, puis annulée par la directrice interrégionale des services pénitentiaires Est-Strasbourg.
Par un jugement n° 1601063 du 19 décembre 2017, le tribunal administratif a rejeté la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 21 février 2018, Mme C...B..., représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 10 000 euros au titre des préjudices subis du fait de la sanction du 3 juin 2015 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à Me A...en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que le sens des conclusions du rapporteur public n'a pas été communiqué de façon suffisamment précise au regard de l'article R. 711-3 du code de justice administrative et qu'il n'est pas signé conformément à l'article R. 741-7 du même code :
- l'illégalité externe commise est de nature à lui ouvrir droit à réparation, dès lors qu'elle a été privée des garanties de la procédure disciplinaire ;
- la sanction prononcée par la commission de discipline n'était pas motivée ;
- cette sanction était entachée d'inexactitude matérielle des faits ;
- eu égard aux conséquences d'un placement en quartier disciplinaire, le préjudice subi du fait de cette sanction est évalué à la somme de 10 000 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 janvier 2019, le ministre de la justice conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Mme B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 janvier 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de procédure pénale ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 alors en vigueur ;
- loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Stefanski, président,
- les conclusions de M. Favret, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. MmeB..., alors détenue à la maison d'arrêt d'Epinal, a été sanctionnée, le 3 juin 2015, par la commission de discipline de vingt jours de quartier disciplinaire. Alors qu'elle avait été entièrement exécutée, cette décision a été annulée par une décision du 9 juillet 2015 de la directrice interrégionale des services pénitentiaires Est-Strasbourg, en raison de l'irrégularité de la procédure suivie devant la commission de discipline. Mme B... forme appel du jugement du 19 décembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 10 000 euros en réparation du préjudice moral subi du fait de l'illégalité de la sanction prononcée le 3 juin 2015.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 711-3 du code de justice administrative : " Si le jugement de l'affaire doit intervenir après le prononcé de conclusions du rapporteur public, les parties ou leurs mandataires sont mis en mesure de connaître, avant la tenue de l'audience, le sens de ces conclusions sur l'affaire qui les concerne.".
3. Pour l'application de l'article R. 711-3 du code de justice administrative, il appartient au rapporteur public de préciser, en fonction de l'appréciation qu'il porte sur les caractéristiques de chaque dossier, les raisons qui déterminent la solution qu'appelle, selon lui, le litige, et notamment d'indiquer, lorsqu'il propose le rejet de la requête, s'il se fonde sur un motif de recevabilité ou sur une raison de fond, et, de mentionner, lorsqu'il conclut à l'annulation d'une décision, les moyens qu'il propose d'accueillir. La communication de ces informations n'est toutefois pas prescrite à peine d'irrégularité de la décision.
4. Par suite, en mentionnant sur le site Sagace avant l'audience devant le tribunal administratif que le sens de ses conclusions était "rejet au fond", le rapporteur public n'a pas méconnu les exigences de l'article R. 711-3 du code de justice administrative et a informé les parties de façon suffisamment précise.
5. En second lieu, il résulte de la minute du jugement attaqué que celui-ci est régulièrement signé en application de l'article R. 741-7 du code de justice administrative aux termes duquel : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. ".
Sur les conclusions indemnitaires :
En ce qui concerne la légalité de la décision du 3 juin 2015 de la commission de discipline et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :
6. Aux termes de l'article R. 57-7-16 du code de procédure pénale, dans sa version alors en vigueur : " En cas d'engagement des poursuites disciplinaires, les faits reprochés ainsi que leur qualification juridique sont portés à la connaissance de la personne détenue. Le dossier de la procédure disciplinaire est mis à sa disposition. La personne détenue est informée de la date et de l'heure de sa comparution devant la commission de discipline ainsi que du délai dont elle dispose pour préparer sa défense. Ce délai ne peut être inférieur à vingt-quatre heures. Elle dispose de la faculté de se faire assister par un avocat de son choix ou par un avocat désigné par le bâtonnier de l'ordre des avocats et peut bénéficier à cet effet de l'aide juridique. ".
7. Il est constant que Mme B...n'a pas bénéficié d'un délai d'au moins vingt-quatre heures pour préparer sa défense à partir du moment où elle et son avocat ont été informés de la date et de l'heure de sa comparution devant la commission de discipline. Par suite, la sanction prononcée le 3 juin 2015 est intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière.
En ce qui concerne le droit à réparation :
8. Lorsqu'une personne sollicite le versement d'une indemnité en réparation du préjudice subi du fait de l'illégalité, pour un vice de procédure, de la décision lui infligeant une sanction, il appartient au juge de plein contentieux, saisi de moyens en ce sens, de déterminer, en premier lieu, la nature de cette irrégularité procédurale puis, en second lieu, de rechercher, en forgeant sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties, si, compte tenu de la nature et de la gravité de cette irrégularité procédurale, la même décision aurait pu être légalement prise, s'agissant tant du principe même de la sanction que de son quantum, dans le cadre d'une procédure régulière.
9. Mme B...fait valoir qu'elle a été privée des garanties tenant aux droits de la défense et que si son avocat avait disposé du délai prévu par les textes, elle aurait pu échapper à toute sanction et au préjudice moral en résultant dont elle demande réparation. Toutefois, son avocat a été convoqué le 2 juin 2015 à 10 heures 04 pour la réunion de la commission de discipline le lendemain à 9 heures 30. Les faits reprochés à MmeB..., consistant en des violences verbales et physiques commises le 1er juin 2015 à l'égard d'une surveillante, qui ont nécessité l'intervention d'une autre surveillante pour la maîtriser, étaient clairement exposés dans le compte rendu établi immédiatement après l'incident par la victime de ces agissements et par un rapport d'enquête assorti de témoignages. La requérante n'apporte aucun élément de nature à démontrer qu'en disposant d'un délai réduit de seulement 34 minutes par rapport au délai de 24 heures prévu par les textes, son conseil n'a pas été en mesure de préparer utilement et complètement sa défense au vu des documents dont il pouvait disposer. Par suite, la sanction aurait pu être légalement prise à l'encontre de Mme B...et le vice de procédure commis par l'administration n'a pas de lien de causalité direct avec le préjudice allégué par la requérante, qui ne peut, dès lors, prétendre à une indemnisation à ce titre.
10. Il résulte de ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ne peuvent, en conséquence, qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête présentée par Mme B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...B...et à la garde des sceaux, ministre de la justice.
Copie en sera adressée au préfet des Vosges.
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N° 18NC00439