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27/06/2019 | FRANCE | N°18NC02159

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 27 juin 2019, 18NC02159


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de condamner l'Etat à lui verser la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice que lui a causé l'impossibilité de travailler à la maison centrale de Clairvaux.

Par un jugement n° 1700316 du 22 février 2018, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 31 juillet 2018, M. C... B..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'an

nuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;

2°) de condamner l'Etat à lui ver...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de condamner l'Etat à lui verser la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice que lui a causé l'impossibilité de travailler à la maison centrale de Clairvaux.

Par un jugement n° 1700316 du 22 février 2018, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 31 juillet 2018, M. C... B..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 15 000 euros au titre du préjudice subi ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son conseil, en application des articles L.761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'article R. 711-3 du code de justice administrative a été méconnu, le sens des conclusions du rapporteur public n'étant pas suffisamment précisé ;

- le jugement attaqué n'est pas signé conformément à l'article R. 741-1 du code de justice administrative ;

- son droit à la réinsertion sociale tiré de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales a été méconnu ;

- son droit d'accès à un tribunal tiré de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales a été méconnu en ce que le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a estimé que les refus qui lui avaient été opposés constituaient des mesures d'ordre intérieur ;

- une mesure d'ordre intérieur est susceptible d'engager la responsabilité de la puissance publique ;

- l'administration a commis des fautes ;

- il démontre ses préjudices.

Un mémoire produit par le ministre de la justice a été enregistré le 31 mai 2019 et n'a pas été communiqué.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 juin 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de procédure pénale ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Stefanski, président,

- les conclusions de M. Favret, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Le 16 septembre 2016, M. B... a présenté au ministre de la justice une demande d'indemnisation au motif que les refus opposés à ses demandes de travail en 2016 par la commission pluridisciplinaire unique de la maison centrale de Clairvaux, lui avait causé un préjudice tenant à ce que cette situation d'inactivité le pénalisait dans son parcours d'exécution de peine. L'intéressé forme appel du jugement du 22 février 2018 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet qui lui a été opposée et à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 10 000 euros.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 711-3 du code de justice administrative : " Si le jugement de l'affaire doit intervenir après le prononcé de conclusions du rapporteur public, les parties ou leurs mandataires sont mis en mesure de connaître, avant la tenue de l'audience, le sens de ces conclusions sur l'affaire qui les concerne. ".

3. Pour l'application de l'article R. 711-3 du code de justice administrative, il appartient au rapporteur public de préciser, en fonction de l'appréciation qu'il porte sur les caractéristiques de chaque dossier, les raisons qui déterminent la solution qu'appelle, selon lui, le litige, et notamment d'indiquer, lorsqu'il propose le rejet de la requête, s'il se fonde sur un motif de recevabilité ou sur une raison de fond, et, de mentionner, lorsqu'il conclut à l'annulation d'une décision, les moyens qu'il propose l'accueillir. La communication de ces informations n'est toutefois pas prescrite à peine l'irrégularité de la décision.

4. Par suite, en mentionnant sur le site Sagace avant l'audience devant le tribunal administratif que le sens de ses conclusions était "rejet au fond", le rapporteur public n'a pas méconnu les exigences de l'article R. 711-3 du code de justice administrative et a informé les parties de façon suffisamment précise.

5. En second lieu, il résulte de la minute du jugement attaqué que celui-ci est régulièrement signé en application de l'article R. 741-7 du code de justice administrative aux termes duquel : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. ".

Sur les conclusions à fin d'indemnisation :

6. Aux termes de l'article 717-3 du code de procédure pénale : " Les activités de travail et de formation professionnelle ou générale sont prises en compte pour l'appréciation des gages de réinsertion et de bonne conduite des condamnés. / Au sein des établissements pénitentiaires, toutes dispositions sont prises pour assurer une activité professionnelle, une formation professionnelle ou générale aux personnes incarcérées qui en font la demande. (...) ".

7. Aux termes de l'article D. 432-2 du même code : " Les dispositions nécessaires doivent être prises pour qu'un travail productif et suffisant pour occuper la durée normale d'une journée de travail soit fourni aux personnes détenues. ".

8. Aux termes de l'article D. 432-3 du même code : " Le travail est procuré aux personnes détenues compte tenu du régime pénitentiaire auquel ceux-ci sont soumis, des nécessités de bon fonctionnement des établissements ainsi que des possibilités locales d'emploi. / Dans la mesure du possible, le travail de chaque détenu est choisi en fonction non seulement de ses capacités physiques et intellectuelles, mais encore de l'influence que ce travail peut exercer sur les perspectives de sa réinsertion. Il est aussi tenu compte de sa situation familiale et de l'existence de parties civiles à indemniser ".

9. Il résulte de ces dispositions que le travail auquel les détenus peuvent prétendre constitue pour eux non seulement une source de revenus, si besoin aux fins de rembourser les parties civiles, mais encore un mode de meilleure insertion dans la vie collective de l'établissement, tout en leur permettant de faire valoir des capacités de réinsertion.

10. Entre le 8 février et le 30 mai 2016, M. B... a présenté sa candidature pour des postes d'auxiliaire d'étage, de repas ou de bibliothèque qui ont fait l'objet de refus de la part de la commission pluridisciplinaire unique, soit parce qu'aucun poste n'était disponible, soit le plus souvent parce qu'une autre candidature était retenue.

11. Il résulte de l'instruction que M. B... avait obtenu le 1er juillet 2015 un poste d'auxiliaire d'étage pour lequel il a fait l'objet d'une suspension de cinq jours le 10 juillet suivant, puis d'une sanction d'avertissement et de déclassement d'emploi assortie d'un sursis de six mois, en raison de son refus d'obtempérer immédiatement et de manière virulente aux ordres du personnel de l'établissement durant le blocage d'un bâtiment, ce qui était de nature à mettre en cause l'efficacité des mesures nécessaires. En outre, après que M. B... ait repris son travail le 15 juillet 2015, l'autorité administrative a prononcé à son encontre le 21 octobre suivant un déclassement de son emploi pour insuffisance professionnelle, les tâches qui lui étaient confiées étant fréquemment mal réalisées ou non exécutées, les consignes données par le personnel n'étant pas toujours respectées et l'intéressé montrant un manque de motivation et d'implication dans l'exercice de ses missions. Si M. B... allègue, sans apporter aucun élément, que les motifs de cette décision n'étaient pas fondés, les griefs retenus contre lui sont établis par un rapport et des attestations circonstanciées de surveillants.

12. Pour refuser l'une des candidature du requérant, la commission mentionnait le 21 avril 2016 que l'attitude du requérant était incompatible avec le poste d'auxiliaire d'étage qui exigeait le nettoyage du bureau du chef de bâtiment dans lequel M. B..., qui ne voulait pas avoir de contact avec cet agent, refusait de se rendre. En outre, le 3 mars et le 7 juillet, la commission a proposé au requérant des postes dans des ateliers qu'il a refusés.

13. Par suite, compte tenu de son comportement dans l'exercice de son poste d'auxiliaire d'étage, de l'attitude de M. B... à l'égard de certains agents, de ses refus d'occuper un autre type de poste qui lui était proposé, en mentionnant que le travail en atelier n'était pas effectué dans des conditions de sécurité suffisantes et comportait des cadences trop exigeantes, l'administration n'a pas commis de faute en refusant à l'appelant les postes d'auxiliaires pour lesquels il avait présenté sa candidature.

14. Il ne résulte d'aucun élément de l'instruction que les refus de l'administration auraient été motivés par le caractère "procédurier" de M. B... et non par les nécessités de service.

15. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, qui a jugé que les refus n'étaient pas illégaux et ne constituaient pas des fautes, même s'il a relevé à tort que les décisions litigieuses constituaient des mesures d'ordre intérieur insusceptibles d'engager la responsabilité de l'Etat, a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions à fin d'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent être accueillies.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et à la garde des sceaux, ministre de la justice.

2

N° 18NC02159


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18NC02159
Date de la décision : 27/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

37-05-02-01 Juridictions administratives et judiciaires. Exécution des jugements. Exécution des peines. Service public pénitentiaire.


Composition du Tribunal
Président : M. MESLAY
Rapporteur ?: Mme Colette STEFANSKI
Rapporteur public ?: M. FAVRET
Avocat(s) : DAVID

Origine de la décision
Date de l'import : 26/09/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-06-27;18nc02159 ?
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