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27/06/2019 | FRANCE | N°18NC01905

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 27 juin 2019, 18NC01905


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 19 février 2018 par lequel le préfet de la Marne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 1800632 du 7 juin 2018, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Pro

cédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 5 juillet, 26 novembr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 19 février 2018 par lequel le préfet de la Marne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 1800632 du 7 juin 2018, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 5 juillet, 26 novembre et 3 décembre 2018, Mme C..., représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 7 juin 2018 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet de la Marne du 19 février 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Marne de lui délivrer une carte de séjour temporaire;

Mme C... soutient que :

- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé ;

- il est entaché d'erreurs de fait ;

- l'arrêté contesté porte à son droit au respect dû à sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée et méconnaît, par suite, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 24 octobre 2018 et 29 janvier 2019, le préfet de la Marne conclut au rejet de la requête.

Le préfet de la Marne soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 1er février 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 22 février 2019.

Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 10 juillet 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Laubriat, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., ressortissante arménienne, fait appel du jugement du 7 juin 2018 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 février 2018 par lequel le préfet de la Marne lui a refusé le renouvellement de sa carte de séjour temporaire " étranger malade ", lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office à l'expiration de ce délai.

2. En premier lieu, l'arrêté attaqué vise le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment l'article L. 313-11 11°, et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment les articles 3 et 8, rappelle les éléments de la situation personnelle de Mme C..., indique que dans son avis émis le 5 février 2018, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a estimé que l'état de santé de Mme C... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'elle peut voyager sans risque vers l'Arménie, enfin qu'elle ne justifie pas de liens privés et familiaux anciens, stables et intenses sur le territoire français. L'arrêté attaqué comporte ainsi l'énoncé des circonstances de droit et de fait qui le fondent et est, par suite, suffisamment motivé au regard des dispositions des articles L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration se substituant à celles désormais abrogées de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. Chaque année, un rapport présente au Parlement l'activité réalisée au titre du présent 11° par le service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ainsi que les données générales en matière de santé publique recueillies dans ce cadre ". L'article R. 313-22 du même code dispose : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de ''intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays ''origine de l'intéressé. (...) ". Aux termes de l'article R. 313-23 de ce même code : " Le rapport médical visé à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22. (...) / Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. (...) ". Enfin, en vertu de l'article 6 de l'arrêté susvisé du 27 décembre 2016, le collège de médecins du service médical de l'OFII désigné afin d'émettre un avis doit préciser : " a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié; d) la durée prévisible du traitement. Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays (...) ".

4. Pour refuser à Mme C... le renouvellement de la carte de séjour temporaire dont elle bénéficiait depuis 2014, le préfet de la Marne s'est approprié l'avis émis le 5 février 2018 par le collège des médecins de l'OFII selon lequel si l'état de santé de Mme C... nécessite une prise en charge médicale, le défaut de prise en charge ne devrait toutefois pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'elle peut voyager sans risque vers son pays d'origine. Pour contester cet avis, Mme C... fait valoir qu'elle est atteinte d'un cancer du sein, qu'elle est dépressive et qu'elle présente des troubles cognitifs et des difficultés pour se repérer dans l'espace. Il résulte toutefois des propres déclarations de Mme C... que son cancer est en rémission. Par ailleurs, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que le traitement de ce cancer nécessiterait encore un suivi médical. Par ailleurs, s'il résulte des certificats médicaux produits par Mme C... émanant de différents psychiatres qu'elle présente des troubles anxio-dépressifs nécessitant un traitement médicamenteux et une pyschothérapie, ces certificats ne suffisent pas à contredire l'avis émis par le collège de médecins de l'OFII selon lequel le défaut de prise en charge ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité. Par suite, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que la décision du préfet de la Marne lui refusant le renouvellement de sa carte de séjour temporaire " vie privée et familiale " méconnaitrait les dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale. 2. Il ne peut y avoir d'ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

6. Mme C... se prévaut de sa durée de séjour en France, de la présence à ses côtés de son mari, de sa fille et de son fils, de son état de santé et de son insertion sociale et professionnelle.

7. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... est entrée sur le territoire français le 29 juillet 2011. Après le rejet de sa demande d'admission au bénéfice de la qualité de réfugié par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 16 août 2012 confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 19 mars 2013, elle a fait l'objet le 18 avril 2013 d'un arrêté de refus de séjour assorti d'une décision lui faisant obligation de quitter le territoire français. En dépit de cette décision, elle s'est maintenue sur le territoire français et n'a sollicité la délivrance d'une carte de séjour temporaire en se prévalant de son état de santé que le 29 avril 2014, soit plus d'un an après la décision du 18 avril 2013. Ainsi si Mme C... justifiait, à la date de l'arrêté contesté, de plus de 7 ans de séjour sur le territoire français, sa durée de présence régulière se limitait à six ans. Il ressort également des pièces du dossier que son mari, M. D... C..., disposait, à la date de l'arrêté contesté, d'une autorisation provisoire de séjour valable du 27 décembre 2017 au 26 mars 2018, qui lui avait été délivrée uniquement pour rester aux côtés de son épouse le temps que les soins qui lui étaient nécessaires lui soient prodigués. Toujours à la date de l'arrêté contesté, le fils de Mme C... faisait quant à lui l'objet d'un arrêté portant obligation de quitter le territoire français. La présence en France du mari et du fils de Mme C... n'ayant ainsi qu'un caractère précaire, la cellule conjugale et familiale pouvait se reconstituer en Arménie. La circonstance que la fille de Mme C..., âgée de 29 ans, détienne une carte de séjour temporaire en France est sans incidence, dès lors que la requérante n'établit pas ni même n'allègue que sa présence aux côtés de sa fille serait indispensable. Enfin si Mme C... fait valoir qu'elle a été embauchée le 2 mars 2018 par une société hôtelière en qualité d'agent de service à temps partiel à raison de 43,33 heures par mois, il ressort des pièces du dossier que ce contrat a été rompu par l'employeur le 25 septembre 2018 du fait des absences injustifiées de Mme C... depuis le 26 mars 2018. Dans ces conditions, l'arrêté du 19 février 2018 par lequel le préfet de la Marne a refusé à Mme C... le renouvellement de son titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours n'a pas portée au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a été pris et n'a, par suite, pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

8. En quatrième lieu, comme il a déjà été dit, Mme C... n'établit pas par les seules pièces produites que son état de santé nécessiterait une prise en charge médicale dont le défaut entraînerait des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Elle n'établit pas non plus disposer de liens anciens, stables et intenses en France. Dans ces conditions, elle n'est pas fondée à soutenir que le préfet de la Marne aurait entaché son arrêté d'erreurs de fait.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Marne.

2

N° 18NC01905


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18NC01905
Date de la décision : 27/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. MESLAY
Rapporteur ?: M. Alain LAUBRIAT
Rapporteur public ?: M. FAVRET
Avocat(s) : GERVAIS

Origine de la décision
Date de l'import : 26/09/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-06-27;18nc01905 ?
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