La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/06/2019 | FRANCE | N°18NC01858-18NC01859

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre, 27 juin 2019, 18NC01858-18NC01859


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A... et Admira D... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés du 22 janvier 2018 par lesquels le préfet de la Moselle a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1801900 et 1801899 du 19 juin 2018, le tribunal administratif a annulé les deux arrêtés contestés.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 28 jui

n 2018, sous le n° 18NC01858, le préfet de la Moselle demande à la cour :

1°) d'annuler le jugem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A... et Admira D... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler les arrêtés du 22 janvier 2018 par lesquels le préfet de la Moselle a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1801900 et 1801899 du 19 juin 2018, le tribunal administratif a annulé les deux arrêtés contestés.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 28 juin 2018, sous le n° 18NC01858, le préfet de la Moselle demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif ;

2°) de rejeter la demande de première instance de Mme D....

Il soutient que :

- le tribunal administratif a jugé à tort qu'il n'avait produit aucun élément avant la clôture de l'instruction ;

- pour le reste, il s'en remet à ses écritures de première instance ;

- toute demande d'injonction et d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 devra être rejetée en raison du rejet des moyens présentés par M. et Mme D....

Par des mémoires en défense, enregistrés les 19 octobre et 6 novembre 2018, Mme D..., représentée par Me B... conclut :

- au rejet de la requête ;

- à ce qu'il soit enjoint à l'administration de lui délivrer un titre de séjour, subsidiairement de réexaminer sa situation dans un délai déterminé au besoin sous astreinte.

- à ce qu'une somme de 1 500 euros à verser à Me B... soit mise à la charge de l'Etat en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

- l'arrêté contesté ayant disparu de l'ordonnance juridique par l'annulation prononcée par le tribunal administratif, le préfet n'a pas intérêt à faire appel ;

- la régularité de la composition du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration n'étant pas démontré, c'est à bon droit que le tribunal administratif a annulé la décision contestée ;

- le préfet s'est estimé à tort en compétence liée en se retranchant derrière l'avis du collège des médecins ;

- la santé de M. D... et l'impossibilité d'avoir accès aux traitements nécessaires dans son pays d'origine justifiait la délivrance d'un titre de séjour au titre du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et donc un titre de séjour à son épouse au titre du 7° du même article ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen préalable et circonstancié de sa situation ;

- il a mal apprécié sa situation familiale.

II. Par une requête enregistrée le 28 juin 2018, sous le n° 18NC01859, le préfet de la Moselle demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif ;

2°) de rejeter la demande de première instance de M. D....

Il soutient que :

- le tribunal administratif a jugé à tort qu'il n'avait produit aucun élément avant la clôture de l'instruction ;

- pour le reste, il s'en remet à ses écritures de première instance ;

- toute demande d'injonction et d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 devra être rejetée en raison du rejet des moyens présentés par M. et Mme D....

Par des mémoires en défense, enregistrés les 19 octobre et 6 novembre 2018, M. D..., représentée par Me B... conclut :

- au rejet de la requête ;

- à ce qu'il soit enjoint à l'administration de lui délivrer un titre de séjour, subsidiairement de réexaminer sa situation dans un délai déterminé au besoin sous astreinte ;

- à ce qu'une somme de 1 500 euros à verser à Me B... soit mise à la charge de l'Etat en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- l'arrêté contesté ayant disparu de l'ordonnancement juridique par l'annulation prononcée par le tribunal administratif, le préfet n'a pas intérêt à faire appel ;

- la régularité de la composition du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration n'étant pas démontré, c'est à bon droit que le tribunal administratif a annulé la décision contestée ;

- le préfet s'est estimé à tort en compétence liée en se retranchant derrière l'avis du collège des médecins ;

- la santé de M. D... et l'impossibilité d'avoir accès aux traitements nécessaires dans son pays d'origine justifiait la délivrance d'un titre de séjour au titre du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen préalable et circonstancié de sa situation ;

- il a mal apprécié sa situation familiale.

M. et Mme D... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par deux décisions du 27 septembre 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Stefanski, président,

- et les observations de Me B..., pour M. et Mme D....

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme D..., ressortissants bosniaques, sont entrés irrégulièrement en France pour la dernière fois le 15 janvier 2016 selon leurs déclarations. Le 12 avril 2017, M. D... a demandé un titre de séjour en qualité d'étranger malade. Par arrêté du 22 janvier 2018, le préfet de la Moselle a opposé un refus à sa demande et le même jour le préfet a opposé à Mme D... un refus de titre de séjour comme accompagnant de malade. Le préfet de la Moselle forme appel du jugement du 19 juin 2018 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a annulé les deux arrêtés opposés à M. et Mme D....

2. Les deux appels du préfet de la Moselle sont dirigés contre un même jugement concernant les membres d'une même famille, présentent à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité des requêtes :

3. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) " .

4. Aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ". Aux termes de l'article R. 313-23 de ce même code : " Le rapport médical visé à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22. (...)".Aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté (...) ".

5. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'autorité administrative, saisie d'une demande de titre de séjour présentée par un ressortissant étranger en raison de son état de santé, de se prononcer au vu de l'avis émis par un collège de médecins nommés par le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Préalablement à l'avis rendu par ce collège d'experts, un rapport médical, relatif à l'état de santé de l'intéressé et établi par un médecin instructeur, doit lui être transmis. Le médecin instructeur à l'origine de ce rapport médical ne doit pas siéger au sein du collège de médecins qui rend l'avis transmis au préfet.

6. Pour annuler les décisions contestées du préfet de la Moselle le tribunal administratif de Strasbourg a retenu que M. D... soutenait qu'en l'absence de mention du nom du médecin instructeur ayant transmis le rapport médical le concernant au collège du médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, il n'était pas possible de s'assurer qu'il n'avait pas siégé comme membre du collège, qu'il appartenait au préfet, lorsque la composition du collège des médecins de l'office français de l'intégration, qui constitue une garantie pour les intéressés dans l'examen de leur situation individuelle, était mise en cause, d'en établir la régularité et que malgré une mesure d'instruction en ce sens, le préfet de la Moselle n'avait produit aucun élément avant la clôture de l'instruction.

7. Il ressort des pièces du dossier que le 14 mai 2016, le tribunal administratif a demandé au préfet de la Moselle le nom du médecin instructeur et que le préfet ne le lui a jamais communiqué, que ce soit, d'ailleurs, avant ou après la clôture de l'instruction. Si cette clôture avait été initialement prévue le 7 mai 2016 par une ordonnance du 22 mars 2016, le tribunal administratif a communiqué à M. et Mme D..., les mémoires en défense produits le 31 mai 2016 par le préfet alors que l'audience avait lieu le 5 juin, ce qui avait pour effet de rouvrir l'instruction. Ainsi, en mentionnant que le préfet de la Moselle n'avait pas communiqué l'information demandée par mesure d'instruction, avant la clôture de l'instruction, le tribunal administratif n'a pas opposé au préfet de la Moselle la clôture prévue initialement le 7 mai 2016, ni refusé son mémoire en défense auquel était annexé l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, mais a seulement jugé que le préfet n'avait pas indiqué à la juridiction le nom du médecin chargé du rapport devant l'Office français de l'immigration et de l'intégration, ce qui ne lui permettait pas de vérifier la régularité de la composition du collège qui avait émis cet avis. Par suite, le moyen tiré de ce que le tribunal administratif aurait commis une erreur en ne prenant pas en compte le mémoire en défense du préfet ou lui aurait opposé la clôture d'instruction prévue pour le 7 mai 2016, manque en fait.

8. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Moselle n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé les arrêtés préfectoraux contestés, la situation de Mme D..., qui a sollicité_ un titre de séjour en qualité d'accompagnant de malade, étant subordonnée à celle faite à son époux et a enjoint au préfet de réexaminer la situation des intéressés.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

9. M. et Mme D... ont obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, leur avocat peut se prévaloir des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Maître B... de la somme globale de 1 500 euros au titre des deux dossiers.

D E C I D E :

Article 1er : Les requêtes du préfet de la Moselle sont rejetées.

Article 2 : L'Etat versera à Me B... la somme globale de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me B... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié ministre de l'intérieur et à Madame C... D... et à Monsieur A... D....

Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.

2

N° 18NC01858 - 18NC01859


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 18NC01858-18NC01859
Date de la décision : 27/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. MESLAY
Rapporteur ?: Mme Colette STEFANSKI
Rapporteur public ?: M. FAVRET
Avocat(s) : DOLLÉ

Origine de la décision
Date de l'import : 26/09/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-06-27;18nc01858.18nc01859 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award