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18/06/2019 | FRANCE | N°18NC00351-18NC00361

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 18 juin 2019, 18NC00351-18NC00361


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par un jugement avant-dire-droit n° 1501152 du 17 novembre 2016, le tribunal administratif de Strasbourg a déclaré la commune d'Oberdorff responsable des conséquences dommageables, pour les propriétés de M. et Mme E...et de M. et MmeI..., des travaux de voirie effectués en 2004 sur le chemin des Bois et a ordonné une expertise afin d'estimer la perte de valeur vénale de ces biens résultant de ces travaux.

Par un arrêt n° 16NC02831 du 28 décembre 2017, la cour administrative d'appel de Nancy a re

jeté l'appel de la commune d'Oberdorff contre ce jugement.

Par un jugement n° 15...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par un jugement avant-dire-droit n° 1501152 du 17 novembre 2016, le tribunal administratif de Strasbourg a déclaré la commune d'Oberdorff responsable des conséquences dommageables, pour les propriétés de M. et Mme E...et de M. et MmeI..., des travaux de voirie effectués en 2004 sur le chemin des Bois et a ordonné une expertise afin d'estimer la perte de valeur vénale de ces biens résultant de ces travaux.

Par un arrêt n° 16NC02831 du 28 décembre 2017, la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté l'appel de la commune d'Oberdorff contre ce jugement.

Par un jugement n° 1501152 du 14 décembre 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a condamné la commune d'Oberdorff à verser à M. et Mme I...et M. et Mme E...respectivement les sommes de 40 000 euros et de 47 000 euros au titre de la perte de valeur vénale de leur maison ou, si mieux n'aime, à effectuer les travaux prescrits par le rapport d'expertise déposé le 21 juin 2014, dans un délai de neuf mois à compter de la notification de ce jugement. Par ce même jugement, le tribunal a condamné la commune à verser une somme de 8 000 euros à M. et Mme I...et une somme de 8 000 euros à M. et MmeE..., en indemnisation de leurs troubles de jouissance.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 13 février 2018, sous le n° 18NC00351, la commune d'Oberdorff, représentée par Me A...de la SCP Racine Strasbourg - Cabinet d'avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 14 décembre 2017 ;

2°) de rejeter les demandes présentées par les époux I...et les époux E...devant le tribunal administratif de Strasbourg ;

3°) de mettre à la charge des époux I...et des époux E...le versement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- MM. etC... E... et I...s'étant opposés à la réalisation des travaux décidés par la commune le 1er juin 2012 consistant en la pose de caniveaux de drainage de type " Aco-drain ", devant permettre de régler le ruissellement d'eau de pluie provenant du chemin des Bois, ils ne peuvent lui faire grief d'une inaction fautive et solliciter une indemnisation ;

- ils ne produisent aucun élément de nature à justifier de leurs préjudices ;

- l'expertise judiciaire ne s'est fondée sur aucune pièce ni aucun élément sérieux pour procéder à l'évaluation de leurs préjudices de jouissance et de perte de valeur vénale ;

- le tribunal a majoré de 20 000 euros la perte de valeur vénale sans aucune explication par rapport à l'évaluation faite par l'expert ;

- si le tribunal semble avoir intégré dans l'indemnisation du préjudice lié à la perte de valeur vénale, un devis de la société Murprotec proposant de créer une barrière pour lutter contre les remontées capillaires, de tels travaux sont inutiles dès lors que les désordres en litige résultent d'eaux de ruissellement et non de remontées capillaires.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 19 avril 2018 et le 8 février 2019, M. et Mme E... ainsi que M. et MmeI..., représentés par Me B...de la SELARL Askea - Avocats Schneider B...et Associés, demandent à la cour :

1°) de rejeter la requête en tant qu'elle conteste le montant des condamnations prononcées ;

2°) de réserver l'indemnisation des préjudices futurs ;

3°) si mieux n'aime l'administration, d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg en tant qu'il n'a pas assorti d'une astreinte la condamnation de la commune d'Oberdorff à les indemniser au titre de la perte de valeur vénale ;

4°) d'enjoindre à la commune d'Oberdorff d'engager la réalisation des travaux prescrits par le rapport d'expertise du 21 juin 2014 sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter du 15 août 2018 ;

5°) en tout état de cause, d'annuler le jugement en tant qu'il a rejeté leurs demandes d'indemnisation au titre des travaux de réparation ;

6°) de condamner la commune d'Oberdorff à verser aux époux E...les sommes de 20 053 euros au titre des travaux d'étanchéité et de cuvelage de leur habitation, de 12 330,45 euros au titre du pavage devant leur maison, de 3 490,30 euros, à réactualiser, au titre des travaux de peinture en sous-sol de leur maison, et de 1 920 euros au titre du coût de main d'oeuvre et de nettoyage lors des épisodes pluvieux ;

7°) de condamner la commune d'Oberdorff à verser aux époux I...les sommes de 25 830,20 euros au titre des travaux d'étanchéité et de cuvelage de leur habitation, de 14 158,10 euros au titre du pavage devant leur maison, de 3 490,30 euros, à réactualiser, au titre des travaux de peinture en sous-sol de leur habitation, de 1 444,17 euros au titre du remplacement des fenêtres du sous-sol de leur maison et de 1 920 euros au titre du coût de main d'oeuvre et de nettoyage lors des épisodes pluvieux ;

8°) d'annuler le jugement en tant qu'il a limité l'indemnisation des préjudices de jouissance à une somme de 8 000 euros ;

9°) de condamner la commune d'Oberdorff à verser une somme de 15 000 euros à M. et Mme E...et une somme de 15 000 euros à M. et Mme I...au titre de leurs préjudices de jouissance ;

10°) de mettre à la charge de la commune d'Oberdorff les dépens de l'instance ;

11°) de mettre à la charge de la commune d'Oberdorff le versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le tribunal a correctement apprécié la perte de la valeur vénale de leurs propriétés ;

- cette appréciation ne vaut que pour le passé tant que les travaux de réfection du chemin des Bois ne sont pas réalisés et que les dommages qu'ils subissent peuvent s'aggraver ;

- contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, ils ont droit à être indemnisés des autres préjudices matériels résultant des inondations ;

- les préjudices dont ils demandent l'indemnisation sont chiffrés à partir de devis ;

- l'indemnisation des dégradations subies du fait des inondations ne fait pas double emploi avec celle accordée au titre de la perte de la valeur vénale de leurs habitations ;

- la mauvaise foi de la commune doit être prise en compte dans l'indemnisation de leurs préjudices.

II. Par une requête et des mémoires, enregistrés le 14 février 2018, le 8 février 2019 et le 1er mars 2019, sous le n° 18NC00361, M. H...E...et Mme K...E..., ainsi que M. H... I...et Mme F...I..., représentés par MeB..., de la SELARL Askea -Avocats Schneider B...et Associés, demandent à la cour :

1°) si mieux n'aime l'administration, d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 14 décembre 2017 en tant qu'il n'a pas assorti d'une astreinte, la condamnation de la commune d'Oberdorff à les indemniser au titre de la perte de valeur vénale ;

2°) d'enjoindre à la commune d'Oberdorff d'engager la réalisation des travaux prescrits par le rapport d'expertise du 21 juin 2014 sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter du 15 août 2018 ;

3°) en tout état de cause, d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté leurs demandes d'indemnisation au titre des travaux de réparation ;

4°) de condamner la commune d'Oberdorff à verser aux époux E...les sommes de 20 053 euros au titre des travaux d'étanchéité et de cuvelage de leur habitation, de 12 330,45 euros au titre du pavage devant leur maison, de 3 490,30 euros, à réactualiser, au titre des travaux de peinture en sous-sol de leur maison, et de 1 920 euros au titre du coût de main d'oeuvre et de nettoyage lors des épisodes pluvieux ;

5°) de condamner la commune d'Oberdorff à verser aux époux I...les sommes de 25 830,20 euros au titre des travaux d'étanchéité et de cuvelage de leur habitation, de 14 158,10 euros au titre du pavage devant leur maison, de 3 490,30 euros, à réactualiser, au titre des travaux de peinture en sous-sol de leur habitation, de 1 444,17 euros au titre du remplacement des fenêtres du sous-sol de leur maison et de 1 920 euros au titre du coût de main d'oeuvre et de nettoyage lors des épisodes pluvieux ;

6°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg en tant qu'il a limité l'indemnisation des préjudices de jouissance à une somme de 8 000 euros ;

7°) de condamner la commune d'Oberdorff à verser une somme de 15 000 euros à M. et Mme E...et une somme de 15 000 euros à M. et Mme I...au titre de leurs préjudices de jouissance ;

8°) de mettre à la charge de la commune d'Oberdorff les dépens de l'instance ;

9°) de mettre à la charge de la commune d'Oberdorff le versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le tribunal a correctement apprécié la perte de la valeur vénale de leurs propriétés ;

- cette appréciation ne vaut que pour le passé tant que les travaux de réfection du chemin des Bois ne sont pas réalisés et que les dommages qu'ils subissent peuvent s'aggraver ;

- contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, ils ont droit à être indemnisés des autres préjudices matériels résultant des inondations ;

- les préjudices dont ils demandent l'indemnisation sont chiffrés à partir de devis ;

- l'indemnisation des dégradations subies du fait des inondations ne fait pas double emploi avec celle accordée au titre de la perte de la valeur vénale de leurs habitations ;

- la mauvaise foi de la commune doit être prise en compte dans l'indemnisation de leurs préjudices.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 8 février 2019 et le 4 avril 2019, la commune d'Oberdorff, représentée par Me A...de la SCP Racine Strasbourg - Cabinet d'avocats, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de M. et Mme E... et de M. et Mme I...le versement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- MM. etC... E... et I...n'établissent pas la survenance d'inondations affectant leurs propriétés depuis 2004 ni leur récurrence depuis 2012 ;

- l'évaluation de la perte de valeur vénale de leurs propriétés par l'expert n'est pas sérieuse ;

- MM. etC... E... et I...s'étant opposés à la réalisation des travaux décidés par la commune le 1er juin 2012 consistant en la pose de caniveaux de drainage de type " Aco-drain " devant permettre de régler le ruissellement d'eau de pluie provenant du chemin des Bois, ils ne peuvent lui faire grief d'une inaction fautive et solliciter une indemnisation ;

- ils ne produisent aucun élément de nature à justifier de leurs préjudices ;

- le tribunal a majoré de 20 000 euros la perte de valeur vénale des habitations des intéressés sans aucune explication par rapport à l'évaluation faite par l'expert ;

- si le tribunal semble avoir intégré dans l'indemnisation du préjudice lié à la perte de valeur vénale un devis de la société Murprotec proposant de créer une barrière pour lutter contre les remontées capillaires, de tels travaux sont inutiles dès lors que les désordres en litige résultent d'eaux de ruissellement et non de remontées capillaires ;

- les travaux relatifs à l'écoulement des eaux pluviales prescrits par les premiers juges ont été réalisés dans le délai imparti, expirant le 19 septembre 2017 ;

- il résulte des constatations contradictoires du 26 janvier 2018 que les dommages matériels allégués par M. et Mme I...sont sans lien de causalité avec le défaut de la voirie retenu par le tribunal ;

- M. I...s'est opposé à la réalisation des travaux de jonction entre le caniveau " Aco-drain " longeant sa propriété et sa descente de garage ;

- il résulte des constatations contradictoires du 12 février 2018 que les seuls dommages matériels subis par M. et Mme E...en raison du défaut de la voirie consistent en des travaux manuels de nettoyage et d'entretien lors de très forts épisodes pluvieux, ce qui correspond à une dépense pouvant être estimée à 200 euros par an.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Michel, premier conseiller,

- les conclusions de M. Louis, rapporteur public,

- et les observations de Me J...pour la commune d'Oberdorff ainsi que celles de Me D... pour M. et Mme I...et M. et MmeE....

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes n° 18NC00351 et n° 18NC00361 sont dirigées contre un même jugement. Il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un même arrêt.

2. M. et Mme I...et M. et Mme E...sont respectivement propriétaires d'habitations situées au n° 3 et au n° 5 du chemin des Bois à Oberdorff. Estimant avoir subi des désordres du fait de la réalisation en 2004, de travaux sur cette voie communale, ils ont obtenu, par ordonnance de référé du président du tribunal administratif de Strasbourg du 22 janvier 2014, la désignation d'un expert, M.G..., qui, le 21 juin 2014, a déposé un rapport comportant diverses préconisations. Par un jugement avant-dire-droit du 17 novembre 2016, confirmé par arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 28 décembre 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a déclaré la commune d'Oberdorff responsable des conséquences dommageables résultant pour les intéressés des travaux effectués en 2004 et a ordonné une seconde expertise en vue de déterminer la perte de valeur vénale des propriétés consécutive à ces travaux. Ce rapport a été déposé le 3 juillet 2017, complété le 18 août 2017, et, par un jugement du 14 décembre 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a condamné la commune d'Oberdorff à verser à M. et Mme I... et à M. et MmeE..., respectivement les sommes de 40 000 euros et de 47 000 euros au titre de la perte de valeur vénale de leurs maisons ou, si mieux n'aime, à effectuer les travaux prescrits par le rapport d'expertise du 21 juin 2014 dans un délai de neuf mois à compter de la notification de ce jugement. Par ce même jugement, le tribunal a également condamné la commune à verser une somme de 8 000 euros aux époux I...et une somme identique aux époux E...au titre de leurs troubles de jouissance et rejeté le surplus de leurs conclusions indemnitaires. La commune d'Oberdorff, d'une part, et MM. et C...I...etE..., d'autre part, font appel de ce jugement.

Sur la responsabilité :

3. Par un arrêt définitif du 28 décembre 2017, la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté l'appel dirigé par la commune d'Oberdorff contre le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 17 novembre 2016 qui a regardé comme établi le lien de causalité entre l'existence et le fonctionnement de l'ouvrage public constitué par le chemin des Bois et les dommages subis par MM. et C...E...et I...en estimant que par leur importance et leur fréquence, les désordres provoqués dans leurs habitations par les ruissellements d'eau de pluie provenant de la voirie excédent les sujétions que les riverains de celle-ci doivent normalement supporter et sont ainsi de nature à engager la responsabilité de la commune d'Oberdorff.

4. En raison de l'autorité de chose jugée dont cet arrêt est revêtu, la commune d'Oberdorff n'est pas fondée à soutenir, pour s'exonérer de sa responsabilité, que les dommages subis par M. et Mme I...ne résultent pas, s'agissant de la période antérieure au 28 décembre 2017, du ruissellement d'eau de pluie en provenance du chemin des Bois.

5. S'agissant de la période postérieure au 28 décembre 2017, les éléments versés au dossier par la commune d'Oberdorff, et plus particulièrement le rapport du cabinet Steinmetz du 27 avril 2018, dont les constatations du 23 janvier 2018 n'ont pas été réalisées à la suite d'un épisode pluvieux d'une ampleur suffisante, ne permettent pas d'infirmer l'existence d'un lien de causalité direct entre les dommages subis, en cas d'épisodes pluvieux de forte intensité, par M. et Mme I...et l'ouvrage public constitué par la voirie.

6. Il résulte de ce qui précède que la commune d'Oberdorff n'est pas fondée à remettre en cause le principe de sa responsabilité.

Sur l'indemnisation des préjudices :

En ce qui concerne l'indemnisation de la perte de valeur vénale à défaut de réalisation des travaux :

7. En exécution du jugement du tribunal administratif de Strasbourg qui a condamné la commune d'Oberdorff, sauf à indemniser les époux E...et I...au titre de la perte de valeur vénale de leurs maisons, à effectuer, dans les neuf mois de sa notification, les travaux préconisés dans le rapport d'expertise déposé le 21 juin 2014 et qui, sur ce point, n'est pas frappé d'appel, la commune a notamment entrepris, le long du chemin des Bois, des travaux d'assainissement destinés à faire cesser les désordres subis par les intéressés du fait des ruissellements d'eau de pluie en provenance de la voirie. Selon les comptes rendus de chantier des 11, 18 et 25 septembre 2018, établis par la société Techni Conseil, maître d'oeuvre, les travaux, à l'exception notamment de quelques finitions et de la pose de l'enrobée de la voirie, ont été réalisés le 5 septembre 2018. Les réserves émises le 17 septembre 2018, par l'expert de l'assureur de M. et MmeI..., selon lesquelles ces travaux ne répondraient pas à l'ensemble des préconisations du rapport d'expertise du 21 juin 2014, ne suffisent pas à remettre en cause de manière déterminante l'efficacité des travaux réalisés à cette date et non encore achevés, pour remédier aux ruissellements d'eau de pluie sur les propriétés des intéressés. Au demeurant, MM. et C...I...et E...ne soutiennent pas ni n'allèguent avoir, depuis la réception de ces travaux le 25 octobre 2018, subi une nouvelle inondation à la suite d'un épisode pluvieux. Dans ces conditions, les travaux effectués par la commune d'Oberdorff doivent être regardés comme de nature à faire cesser le risque d'inondation, depuis le chemin des Bois, des propriétés de MM. et C...I...etE....

8. S'il est vrai que M. et Mme I...se plaignent de ce qu'entre le caniveau de drainage " Aco-drain " créé le long de leur propriété et la sortie de leur garage, subsiste une marche infranchissable, en l'état, pour leur véhicule, il résulte de l'instruction que cette situation est entièrement imputable à M. I...qui s'est opposé à l'intervention de la société Bati TP, mandatée par la commune, pour y remédier et qui, en dépit d'une nouvelle proposition de la société Techni Conseil, maître d'oeuvre des travaux, le 24 septembre 2018, de reprendre les pavés sur environ trois mètres de long et sur la largeur de l'entrée du garage, a refusé tout accès à sa propriété.

9. Dans ces conditions, alors même que la durée de réalisation des travaux a légèrement excédé le délai de neuf mois imparti par le tribunal administratif, la commune d'Oberdorff doit être regardée comme ayant exécuté sur ce point le jugement attaqué et ne saurait, par suite, être condamnée à verser à MM. et C...I...et E...l'indemnité prévue en l'absence de travaux, au titre de la perte de valeur vénale de leurs propriétés.

10. En outre, eu égard à la réalisation, à la date du présent arrêt, des travaux prescrits par le tribunal administratif, les conclusions de MM. et C...I...et E...tendant à ce qu'il soit enjoint à la commune de les effectuer sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter du 15 août 2018 doivent être rejetées.

En ce qui concerne l'indemnisation de travaux d'étanchéité et de cuvelage :

11. Les travaux d'étanchéité et de cuvelage dont MM. et C...I...et E...demandent l'indemnisation pour des montants respectivement de 25 830,20 euros et 20 053 euros ont pour objet, d'une part, d'assécher les murs et, d'autre part, d'installer une barrière étanche destinée à éviter les remontées capillaires en réalisant un cuvelage et ce, pour prévenir la dégradation des murs en cas d'inondations. Il résulte de l'instruction et notamment de l'expertise amiable du 17 septembre 2018 que les murs ont séché et n'ont présenté aucune déformation alors qu'ainsi qu'il a été dit précédemment, les travaux réalisés par la commune d'Oberdorff sont de nature à faire cesser les ruissellements d'eau de pluie à l'origine des désordres dont les intéressés se plaignent. Dès lors, les travaux dont ils réclament la prise en charge ne peuvent être inclus dans le préjudice indemnisable et les conclusions présentées à ce titre ne peuvent qu'être rejetées.

En ce qui concerne l'indemnisation des travaux de pavage :

12. Si les époux I...et E...soutiennent que le pavage extérieur de leurs propriétés aurait été dégradé du fait des inondations que ces dernières ont subies, il résulte de l'instruction et notamment des constatations effectuées contradictoirement le 23 janvier 2018, dans le cadre de l'audit technique réalisé par le cabinet Steinmetz à la suite des sinistres déclarés par les époux I...etE..., respectivement les 20 décembre 2017 et le 3 janvier 2018, que, s'agissant de la propriété de M. et MmeE..., les pavés autobloquants constituant le revêtement de la première marche d'escalier ne sont pas dégradés, qu'il en est de même pour ceux situés dans leur descente de garage qui ne sont, en particulier, pas déchaussés et sans défaut de jointure, l'empavement ne présentant au total aucun désordre apparent. De même, selon ces constatations et s'agissant de la propriété de M. et MmeI..., les pavés autobloquants de la descente de leur garage et du pourtour de leur maison d'habitation ne sont pas déchaussés ni délavés mais simplement usés par le temps. Les époux I...et E...ne produisent pas d'éléments de nature à remettre en cause ces constatations et n'établissent pas, dans ces conditions, la réalité du préjudice dont ils demandent réparation à concurrence des sommes, respectivement de 14 158,10 euros et de 12 330,45 euros. Les conclusions indemnitaires qu'ils présentent à ce titre ne peuvent dès lors qu'être rejetées.

En ce qui concerne l'indemnisation des travaux en sous-sol des habitations :

13. En premier lieu, il résulte de l'instruction que le sous-sol des habitations de MM. etC... I... et E...ont été endommagés par les ruissellements d'eau de pluie en provenance de la voirie avant la réalisation des travaux par la commune d'Oberdorff. Ils sont, par suite, fondés à demander l'indemnisation de ce préjudice à concurrence du coût des travaux de peinture du sous-sol, qui, pour chacune de leur habitation, s'élève à 3 490,30 euros.

14. En second lieu, il résulte de l'instruction que les ruissellements d'eau de pluie en provenance de la voirie ont affecté la menuiserie de la cave et de la salle de sport de M. et Mme I..., qui sont fondés à demander l'indemnisation de ce préjudice pour une somme de 1 444,17 euros.

En ce qui concerne l'indemnisation des troubles de jouissance :

15. Il résulte de l'instruction qu'à l'occasion des épisodes pluvieux survenus entre 2012 et 2019, les importants ruissellements provenant du chemin des Bois ont, indépendamment des dommages matériels subis par leurs propriétés, occasionné à MM. et C...I...et E...des troubles de jouissance qui incluent en particulier l'obligation de prendre systématiquement les mesures préventives pour limiter les conséquences mobilières des sinistres et celle d'assurer le nettoyage des lieux après ceux-ci. Il sera fait une juste appréciation de ces préjudices en portant le montant de la condamnation obtenue en première instance aux sommes de 10 000 euros, s'agissant de M. et MmeI..., et de 12 000 euros s'agissant de M. et MmeE....

En ce qui concerne la mauvaise foi :

16. MM. et C...I...et E...ne présentent aucune conclusion chiffrée tendant à la condamnation de la commune d'Oberdorff à les indemniser des préjudices qu'ils imputent à la mauvaise foi de cette dernière. Alors qu'aucune disposition applicable en l'espèce n'autorise le juge à majorer à ce titre le montant des indemnités qu'il alloue après avoir procédé à l'exacte estimation des préjudices et qu'il résulte, par ailleurs, de l'instruction, ainsi qu'il a été précédemment exposé, que la commune a entrepris la réalisation des travaux de nature à faire cesser les désordres dont se plaignent les intéressés, la demande qu'ils présentent tendant à ce que la cour tienne compte de la mauvaise foi de la commune doit, en tout état de cause, être rejetée.

17. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme I...sont seulement fondés à demander que l'indemnisation de leurs préjudices soit portée à la somme de 14 934,47 euros, et que M. et Mme E...sont seulement fondés à demander que l'indemnisation de leurs préjudices soit portée à la somme de 15 490,30 euros.

Sur les dépens :

18. Selon l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties (...) ".

19. Par le jugement du 14 décembre 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a mis les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 4 991,30 euros, à la charge de la commune d'Oberdorff.

20. La commune d'Oberdorff demeure la partie perdante et ne se prévaut d'aucune circonstance particulière justifiant que ces frais soient mis à la charge d'une autre partie. Par suite, les conclusions qu'elle présente au titre des dépens ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés aux instances :

21. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. et Mme I...et de M. et MmeE..., qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties tenues au dépens, le versement de la somme que la commune d'Oberdorff demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de la commune d'Oberdorff le versement à M. et Mme I...ainsi qu'à M. et Mme E...d'une somme globale de 1 500 euros sur le fondement des mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : Les conclusions de M. et Mme I...et de M. et Mme E...tendant à la condamnation de la commune d'Oberdorff à les indemniser du préjudice relatif à la perte de la valeur vénale de leurs maisons d'habitation ainsi que les demandes tendant aux mêmes fins qu'ils ont présentées devant le tribunal administratif de Strasbourg sont rejetées.

Article 2 : La commune d'Oberdorff est condamnée à verser à M. et Mme I...une somme globale de 14 934,47 euros.

Article 3 : La commune d'Oberdorff est condamnée à verser à M. et Mme E...une somme globale de 15 490,30 euros.

Article 4 : Le jugement n° 1501152 du 14 décembre 2017 du tribunal administratif de Strasbourg est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : La commune d'Oberdorff versera à M. et Mme I...et à M. et Mme E...une somme globale de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à la commune d'Oberdorff, à M. H... I..., à Mme K...I..., à M. H... E...et à Mme F...E....

Délibéré après l'audience du 7 mai 2019, à laquelle siégeaient :

- M. Kolbert, président,

- M. Wallerich, président assesseur,

- M. Michel, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 juin 2019.

Le rapporteur,

Signé : A. MichelLe président,

Signé : E. Kolbert

La greffière,

Signé : F. Dupuy

La République mande et ordonne au préfet de la Moselle en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

F. Dupuy

2

Nos 18NC00351 - 18NC00361


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18NC00351-18NC00361
Date de la décision : 18/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Travaux publics - Règles communes à l'ensemble des dommages de travaux publics - Régime de la responsabilité - Qualité de tiers.

Travaux publics - Règles communes à l'ensemble des dommages de travaux publics - Lien de causalité - Existence.

Travaux publics - Différentes catégories de dommages - Dommages sur les voies publiques terrestres - Défaut d'entretien normal - Chaussée.


Composition du Tribunal
Président : M. KOLBERT
Rapporteur ?: M. Alexis MICHEL
Rapporteur public ?: M. LOUIS
Avocat(s) : CABINET RACINE

Origine de la décision
Date de l'import : 25/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-06-18;18nc00351.18nc00361 ?
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