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28/12/2017 | FRANCE | N°16NC02831

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 28 décembre 2017, 16NC02831


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E...et Mme H...B..., M. E...et Mme C... G... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner la commune d'Oberdorff à verser à chaque couple une somme de 50 000 euros en réparation du préjudice immobilier résultant de la perte de valeur vénale de leurs maisons en raison de travaux de voirie effectués par la commune en 2004 sauf à réaliser, sous astreinte, les travaux prescrits par le rapport d'expertise déposé le 21 juin 2014, ainsi qu'une somme de 15 000 euros en réparation des pr

judices matériels et de jouissance qu'ils estiment avoir subis.

Par un jug...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E...et Mme H...B..., M. E...et Mme C... G... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner la commune d'Oberdorff à verser à chaque couple une somme de 50 000 euros en réparation du préjudice immobilier résultant de la perte de valeur vénale de leurs maisons en raison de travaux de voirie effectués par la commune en 2004 sauf à réaliser, sous astreinte, les travaux prescrits par le rapport d'expertise déposé le 21 juin 2014, ainsi qu'une somme de 15 000 euros en réparation des préjudices matériels et de jouissance qu'ils estiment avoir subis.

Par un jugement n° 1501152 du 17 novembre 2016, le tribunal administratif de Strasbourg a déclaré responsable la commune d'Oberdorff des conséquences onéreuses résultant pour les époux B...et les époux G...des travaux de voirie effectués chemin des Bois en 2004 et, avant de statuer sur leurs demandes indemnitaires, a ordonné avant dire droit une expertise afin d'estimer la perte de valeur vénale des propriétés des époux B...et des époux G...du fait de ces travaux.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 21 décembre 2016 et 11 avril 2017, la commune d'Oberdorff, représentée par Me A... de la SCP Racine, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 17 novembre 2016 ;

2°) de rejeter la demande de première instance présentée par les époux B...et les épouxG... ;

3°) de mettre à la charge des époux B...et des époux G...le versement d'une somme globale de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa responsabilité ne saurait être engagée dès lors que les désordres sont dus exclusivement à la configuration des propriétés des époux B...et des épouxG... ;

- les premiers juges se sont mépris sur le sens des conclusions à fin d'injonction des époux B...et des époux G...et ont commis une erreur en écartant la fin de non recevoir qu'elle avait soulevée ;

- les époux B...et les époux G...ne justifiaient pas de la réalité et du quantum de leur préjudice ;

- en l'absence de preuve du préjudice, les premiers juges ont prescrit une expertise frustratoire.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 3 mars 2017 et le 13 avril 2017, M. et Mme B..., M. et MmeG..., représentés par la SELARL Askea - Avocats Schneider Katz et Associés, concluent au rejet de la requête, ainsi qu'à la condamnation de la commune d'Oberdorff aux dépens et au versement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la responsabilité de la commune est engagée dès lors que leurs propriétés subissent de fréquentes inondations trouvant leur origine dans une mauvaise conception et une mauvaise exécution des travaux de voirie effectués par la commune en 2004 ;

- la réalité de leurs préjudices est établie ainsi qu'il ressort du premier rapport d'expertise ;

- la nouvelle expertise prescrite par les premiers juges n'est pas inutile pour déterminer la perte de la valeur vénale de leurs propriétés ;

- s'agissant de dommages de travaux publics, ils pouvaient régulièrement demander aux premiers juges de condamner le maître de l'ouvrage soit à leur verser une indemnité soit à exécuter des travaux.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Michel, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Kohler, rapporteur public,

- et les observations de Me F...pour la commune d'Oberdorff ainsi que celles de Me I... pour M. et Mme B...et M. et MmeG....

1. Considérant que la commune d'Oberdorff relève appel du jugement du 17 novembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg l'a déclarée responsable des conséquences dommageables pour M. et Mme B...et pour M. et MmeG..., riverains du chemin des Bois, des travaux de voirie qu'elle y a effectués en 2004 et, avant de statuer sur la demande indemnitaire, a ordonné une expertise afin d'estimer la perte de valeur vénale subie par leurs propriétés du fait de cette situation ;

Sur la fin de non recevoir opposée en première instance :

2. Considérant qu'il ressort des écritures de première instance que M. et Mme B...et M. et Mme G...ont présenté des conclusions tendant à la condamnation de la commune d'Oberdorff soit à les indemniser de la perte de la valeur vénale de leurs maisons soit à réaliser les travaux préconisés par le rapport d'expertise déposé le 21 juin 2014, laissant ainsi le choix à la commune entre ces deux modes de réparation de leurs préjudices ; que contrairement ce que soutient cette dernière, M. et Mme B...et M. et Mme G...n'ont pas, en procédant ainsi, présenté de conclusions principales à fin d'injonction ; que, par suite, la commune n'est pas fondée à soutenir que les premiers juges se seraient mépris sur la nature de telles conclusions en écartant la fin de non recevoir qu'elle avait opposée en première instance ;

Sur la responsabilité :

3. Considérant, en premier lieu, que le maître d'ouvrage est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers, tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement, à moins que ces dommages ne soient imputables à un cas de force majeure ou à une faute de la victime ; que M. et Mme B...et M. et MmeG..., propriétaires respectivement d'habitations situées au n° 5 et au n° 3 du chemin du Bois à Oberdorff, ont la qualité de tiers par rapport à cette voie et que la responsabilité de la commune d'Oberdorff est donc susceptible d'être engagée à leur égard à condition que les préjudices dont ils se prévalent soient directement imputables à l'existence ou au fonctionnement de cet ouvrage et présentent un caractère anormal et spécial ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment des photographies et des vidéos produites à l'instance qu'en cas notamment de fortes intempéries, les eaux de pluie, en provenance plus particulièrement d'un chemin de terre situé en surplomb, ruissellent jusqu'au chemin du Bois, voie bitumée qui a fait l'objet des travaux réalisés par la commune, et se déversent dans les sous-sols des habitations de M. et Mme B...et M. et MmeG... qui en sont riveraines ; qu'il résulte du rapport d'expertise judiciaire déposé par M. D... le 21 juin 2014, que ces inondations ont pour origine exclusive une mauvaise conception et une mauvaise exécution des travaux de voirie réalisés en 2004 par la commune d'Oberdorff qui n'a pris aucune mesure pour assurer l'évacuation efficace des eaux de ruissellement alors que le chemin des Bois est " monopenté " avec un point bas situé du côté des propriétés des intéressés ; qu'en se bornant à invoquer la configuration des lieux, la commune ne peut être regardée comme démontrant l'existence d'une faute des victimes et qu'elle n'invoque pas davantage l'existence d'un cas de force majeure ; que dans ces conditions, le lien de causalité entre l'existence et le fonctionnement de l'ouvrage public et les dommages subis par M. et Mme B...et M. et Mme G...doit être regardé comme établi ; qu'il résulte de l'instruction que par leur importance et leur fréquence, les désordres provoqués dans leurs habitations par les ruissellements d'eau de pluie provenant de la voirie excédent les sujétions que les riverains de celle-ci doivent normalement supporter ; qu'ils sont, par suite, de nature à engager la responsabilité de la commune d'Oberdorff ;

5. Considérant, en second lieu, que contrairement à ce que soutient la commune, les propriétés touchées par les dommages résultant du ruissellement des eaux de pluie depuis la voirie, subissent, en l'absence de toute réalisation de travaux destinés à les faire cesser, une perte de valeur vénale qui constitue, pour M. et Mme B...et M. et MmeG..., un préjudice présentant un caractère indemnisable ; qu'il n'est pas contesté que le dossier de première instance ne comportait pas suffisamment d'éléments permettant d'estimer un tel préjudice et que, par suite, l'expertise ordonnée à cette fin par les premiers juges présentait un caractère utile et n'était pas frustratoire ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune d'Oberdorff n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a reconnu sa responsabilité et a prescrit une expertise ;

Sur les dépens :

7. Considérant qu'en ordonnant une expertise, le jugement attaqué a réservé les droits des parties sur lesquels il n'a pas expressément statué et qu'en particulier, il appartiendra au juge du fond de se prononcer sur la charge définitive des dépens, constitués par les frais d'expertise ; qu'il suit de là qu'en l'absence de dépens dans la présente instance, les conclusions de M. et Mme B...et de M. et Mme G...tendant à la condamnation de la commune d'Oberdorff aux frais de l'expertise doivent être rejetées comme prématurées ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. et Mme B...et de M. et MmeG..., qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la commune d'Oberdorff demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu en revanche de mettre à la charge de la commune d'Oberdorff le versement aux intimés d'une somme globale de 1 500 euros sur le fondement des mêmes dispositions ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la commune d'Oberdorff est rejetée.

Article 2 : La commune d'Oberdorff versera à M. et Mme B...et à M. et Mme G...une somme globale de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune d'Oberdorff, à M. E... B..., à Mme C...B..., à M. E... G...et à Mme H...G....

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N° 16NC02831


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16NC02831
Date de la décision : 28/12/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Travaux publics - Règles communes à l'ensemble des dommages de travaux publics - Régime de la responsabilité - Qualité de tiers.

Travaux publics - Règles communes à l'ensemble des dommages de travaux publics - Lien de causalité - Existence.

Travaux publics - Différentes catégories de dommages - Dommages sur les voies publiques terrestres - Défaut d'entretien normal - Chaussée.


Composition du Tribunal
Président : M. KOLBERT
Rapporteur ?: M. Alexis MICHEL
Rapporteur public ?: Mme KOHLER
Avocat(s) : CABINET RACINE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/01/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2017-12-28;16nc02831 ?
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