Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. J... I..., M. K...H..., Mme D...L...-H..., Mme A... G...et M. B...I...ont demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 15 mai 2017 par lequel le maire de la commune de Xonrupt-Longemer a refusé de leur accorder un permis d'aménager.
Par un jugement n° 1701897 du 10 juillet 2018, le tribunal administratif de Nancy a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 29 août 2018 et 5 février 2019, M. J... I..., M. K...H..., Mme D...L...-H..., Mme A...G...et M. B...I..., représentés par MeF..., demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1701897 du 10 juillet 2018 du tribunal administratif de Nancy ;
2°) d'annuler l'arrêté contesté ;
3°) d'enjoindre au maire de la commune de Xonrupt-Longemer, à titre principal, de leur accorder le permis d'aménager sollicité, à titre subsidiaire, d'instruire à nouveau leur demande de permis d'aménager et de prendre une nouvelle décision dans un délai de quinze jours à compter de la lecture de l'arrêt à intervenir ;
4°) de condamner la commune de Xonrupt-Longemer à leur verser une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. I...et autres soutiennent que :
- les dispositions de l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme faisaient obstacle à la substitution de motif à laquelle a procédé le tribunal ;
- la décision contestée a été prise en méconnaissance de l'article L. 122-5 du code de l'urbanisme dès lors que le projet est situé dans la continuité de l'urbanisation existante ;
- pour apprécier la continuité de l'urbanisation existante, la commune s'est fondée à tort sur l'absence d'équipements propres au lotissement projeté, alors que seuls les voies et réseaux publics doivent être pris en compte ;
- la décision contestée est illégale du fait de l'illégalité de l'avis du préfet des Vosges, lequel a, à tort, estimé que le projet n'est pas situé dans la continuité de l'urbanisation existante ;
- le préfet et le maire ont commis une erreur de droit en se fondant sur l'article L. 122-5 du code de l'urbanisme dès lors que, par l'effet de la décision de non-opposition à déclaration préalable du 19 août 2014 et du certificat d'urbanisme du 6 décembre 2016, la demande d'autorisation devait être instruite au seul regard des dispositions de ce plan relatives à la zone 1NA ;
- compte tenu de la décision de non-opposition à déclaration préalable du 19 août 2014 et du certificat d'urbanisme du 6 décembre 2016, en vertu desquels l'existence d'une continuité dans l'urbanisation avait été admise, le préfet et le maire ne pouvaient pas remettre en cause l'existence de cette continuité.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 octobre 2018, la commune de Xonrupt-Longemer, représentée par MeE..., conclut au rejet de la requête et à la condamnation des appelants à lui verser une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La commune de Xonrupt-Longemer soutient qu'aucun des moyens soulevés par les requérants n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Rees, premier conseiller,
- les conclusions de M. Favret, rapporteur public,
- et les observations de MeC..., pour M. I...et autres.
Considérant ce qui suit :
1. Le 28 février 2017, M. J... I..., M. K...H..., Mme D...L...-H..., Mme A...G...et M. B...I..., propriétaires indivis d'un terrain situé chemin du Blanc Ruxel à Xonrupt-Longemer, ont sollicité la délivrance d'un permis d'aménager un lotissement de quatre lots sur ce terrain. Par un arrêté du 15 mai 2017, le maire de Xonrupt-Longemer a refusé de leur délivrer cette autorisation.
2. M. I...et autres relèvent appel du jugement du 10 juillet 2018 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement :
3. Les requérants font valoir que les dispositions de l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme, selon lesquelles la décision rejetant une demande d'autorisation d'urbanisme doit indiquer l'intégralité des motifs qui la justifient, faisaient obstacle à ce que le tribunal substitue l'article L. 422-6 du code de l'urbanisme à son article L. 422-5, comme fondement de l'avis conforme défavorable du préfet des Vosges.
4. Toutefois, la substitution à laquelle a procédé le tribunal constitue une substitution de base légale et non de motif. Au surplus, l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme ne fait nullement obstacle à ce que le juge administratif se prononce au regard de motifs qui n'ont pas été indiqués dans la décision et que l'autorité administrative a invoqués devant lui en cours d'instance. Dès lors, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le jugement est entaché d'irrégularité du fait de la substitution de base légale à laquelle a procédé le tribunal.
Sur la légalité de l'arrêté contesté :
5. Il ressort des termes de l'arrêté contesté que le maire a refusé de délivrer l'autorisation litigieuse au motif que le projet ne respecte pas le principe de continuité de l'urbanisation fixé par l'article L. 122-5 du code de l'urbanisme, applicable à la commune de Xonrupt-Longemer du fait de son classement en zone de montagne. La commune a, en outre, fait valoir, devant le tribunal, que le préfet des Vosges avait, pour le même motif, émis un avis défavorable au projet et que, en application des dispositions de l'article L. 422-5 du code de l'urbanisme, auxquelles le tribunal a substitué celles de l'article L. 422-6 du même code, le maire était tenu de se conformer à cet avis.
6. Aux termes de l'article L. 122-2 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable à la décision litigieuse : " Les dispositions du présent chapitre sont applicables à toute personne publique ou privée pour (...) la création de lotissements (...) ". Aux termes de l'article L. 122-5 de ce code : " L'urbanisation est réalisée en continuité avec les bourgs, villages, hameaux, groupes de constructions traditionnelles ou d'habitations existants (...) ". Selon l'article L. 122-5-1 du même code : " Le principe de continuité s'apprécie au regard des caractéristiques locales de l'habitat traditionnel, des constructions implantées et de l'existence de voies et réseaux ".
7. Il ressort des pièces du dossier que si le projet en litige est implanté dans un espace naturel en bordure du chemin de Blanc Ruxel, il est situé à proximité immédiate d'une douzaine de maisons d'habitation qui, eu égard à leur implantation à une vingtaine de mètres en moyenne les unes des autres, doivent être regardées comme constituant un groupe de constructions ou d'habitations existantes au sens de l'article L. 122-5 précité. La plus proche de ces constructions étant située à 22 mètres de l'une des quatre constructions projetées, le projet en litige ne se situe donc pas en rupture de continuité avec ce groupe de constructions. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet est desservi par le chemin de Blanc Ruxel et par les réseaux publics, y compris le réseau public de distribution d'électricité, ainsi qu'en atteste le courrier de la société Enedis du 14 novembre 2018 annexé au certificat d'urbanisme du 16 novembre 2018. Dès lors, les requérants sont fondés à soutenir qu'en estimant que le lotissement projeté ne s'inscrit pas dans la continuité de l'urbanisation existante, le maire et le préfet ont fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 122-5 du code de l'urbanisme précité.
8. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun des autres moyens soulevés par les requérants n'est, en l'état du dossier soumis à la cour, susceptible d'entraîner l'annulation de l'arrêté contesté.
9. En conclusion de tout ce qui précède, les requérants sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté leur demande. Dès lors, ils sont fondés à demander l'annulation de ce jugement, ainsi que l'annulation de l'arrêté du 15 mai 2017 par lequel le maire de la commune de Xonrupt-Longemer a refusé de leur accorder un permis d'aménager.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
10. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ".
11. Lorsque le juge annule un refus d'autorisation d'urbanisme après avoir censuré l'ensemble des motifs que l'autorité compétente a énoncés dans sa décision conformément aux prescriptions de l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme ainsi que, le cas échéant, les motifs qu'elle a pu invoquer en cours d'instance, il doit, s'il est saisi de conclusions à fin d'injonction, ordonner à l'autorité compétente de délivrer l'autorisation. Il n'en va autrement que s'il résulte de l'instruction soit que les dispositions en vigueur à la date de la décision annulée, qui eu égard aux dispositions de l'article L. 600-2 du code de l'urbanisme demeurent....applicables à la demande, interdisent de l'accueillir pour un motif que l'administration n'a pas relevé, ou que, par suite d'un changement de circonstances, la situation de fait existant à la date de la décision juridictionnelle y fait obstacle
12. Il ne résulte pas de l'instruction que les dispositions en vigueur à la date de l'arrêté annulé interdisaient la délivrance du permis d'aménager pour un autre motif que ceux que le présent arrêt censure. Il ne résulte pas non plus de l'instruction qu'un changement dans les circonstances de fait se soit produit depuis l'édiction de l'arrêté annulé, ni à plus forte raison que la situation de fait existant à la date du présent arrêt fasse obstacle à la délivrance du permis d'aménager sollicité par les requérants. Dès lors, il y a lieu d'enjoindre au maire de la commune de Xonrupt-Longemer de délivrer cette autorisation à M. J... I..., M. K... H..., Mme D...L...-H..., Mme A...G...et M. B... I..., dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
13. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y pas lieu à cette condamnation ".
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge des requérants qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, la somme que la commune de Xonrupt-Longemer demande au titre des frais exposés par elle en appel et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Xonrupt-Longemer une somme de 1 500 euros à verser aux requérants au titre de ces mêmes dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1701897 du 10 juillet 2018 du tribunal administratif de Nancy est annulé.
Article 2 : L'arrêté du 15 mai 2017 par lequel le maire de la commune de Xonrupt-Longemer a refusé de délivrer un permis d'aménager à M. J... I..., M. K...H..., Mme D...L...-H..., Mme A...G...et M. B...I...est annulé.
Article 3 : Il est ordonné au maire de la commune de Xonrupt-Longemer de délivrer à M. J... I..., M. K...H..., Mme D...L...-H..., Mme A...G...et M. B...I..., le permis d'aménager sollicité dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : La commune de Xonrupt-Longemer versera à M. J... I..., M. K...H..., Mme D...L...-H..., Mme A...G...et M. B...I...une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. J... I..., M. K...H..., Mme D... L...-H..., Mme A...G...et M. B...I...et à la commune de Xonrupt-Longemer.
Copie en sera adressée au préfet des Vosges.
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N° 18NC02358