La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/06/2019 | FRANCE | N°18NC01657

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 06 juin 2019, 18NC01657


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 18 octobre 2017 par lequel le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1800010 du 29 mars 2018, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 4 juin 2018, M.A..., représenté par MeB..., demande à la cour :
>1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral contesté ;

3...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 18 octobre 2017 par lequel le préfet du Doubs a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1800010 du 29 mars 2018, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 4 juin 2018, M.A..., représenté par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral contesté ;

3°) d'enjoindre à l'administration de lui délivrer, à titre principal, un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir et, dans l'attente de la remise effective de ce titre, de lui délivrer un récépissé avec droit au travail, dans un délai de huit jours suivant notification de la décision, à titre subsidiaire, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours suivant notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à l'expiration de ce délai ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement à son conseil d'une somme de 1 500 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- le refus de titre de séjour est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de son droit à la vie privée et familiale ;

- l'arrêté méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- l'arrêté fixant l'Albanie comme pays de destination méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 septembre 2018, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 avril 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Stefanski, président, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C...A..., de nationalité albanaise, est entré irrégulièrement en France selon ses déclarations le 14 juin 2012, puis est retourné en Albanie après le rejet de sa demande d'asile par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 27 décembre 2013, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 22 septembre 2014. Par arrêté du 31 octobre 2014, dont la légalité a été confirmée par un jugement du tribunal administratif de Besançon du 30 avril 2015, le préfet du Doubs a refusé son admission au séjour. M. A...est revenu en France le 25 septembre 2015 sous couvert d'un visa touristique et a déposé, le 24 octobre 2016, une nouvelle demande de titre de séjour en invoquant notamment sa vie privée et familiale. Il forme appel du jugement du jugement du 29 mars 2018 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande dirigée contre le refus que lui a opposé le préfet du Doubs le 18 octobre 2017.

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale. 2. Il ne peut y avoir d'ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

3. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant aux termes duquel : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

4. M. A...soutient que l'arrêté contesté est entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard de sa vie privée et familiale et qu'il méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

5. Il ressort des pièces du dossier que si M. A...est entré en France en 2012 pour présenter une demande d'admission au séjour au titre de l'asile, qui lui a été refusée, il est revenu sur le territoire national en septembre 2015. M. A...soutient qu'il vit avec une ressortissante russe qui bénéficie d'une carte de séjour temporaire au titre de la protection subsidiaire. Si la vie commune avec MmeD..., n'est attestée par les pièces jointes au dossier qu'à compter du mois de septembre 2015, soit depuis deux ans à la date de la décision contestée, Mme D...avait déjà mentionné sa relation avec le requérant dans sa demande de protection subsidiaire qui lui a été accordée le 16 juillet 2014. A cette date, Mme D..., qui était entrée en France en 2012 avec son époux également Russe, était en instance de divorce et ce divorce a été prononcé définitivement en 2017. Il ressort de l'attestation d'un responsable du foyer qui l'hébergeait avec son enfant, que M. A...et Mme D... ont eu un enfant le 13 juin 2016 et il est établi que M. A...assume la charge effective de cet enfant. En cas de retour en Albanie de l'appelant, MmeD..., de nationalité différente de la sienne et bénéficiaire de la protection subsidiaire, ne pourrait pas nécessairement le suivre. En outre, le père de son premier enfant bénéficie de la garde partagée de son fils par l'effet du jugement de divorce. Par suite, le départ de M. A...aurait pour conséquence de le séparer de sa concubine et de leur enfant commun en méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Dans les circonstances particulières de l'espèce, l'arrêté contesté porte au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été pris et méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

6. Il résulte de ce qui précède que M. A...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

7. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu d'enjoindre à l'administration de délivrer à M. A...une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

8. M. A...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à MaîtreB... de la somme de 1 500 euros.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Besançon et l'arrêté contesté du préfet du Doubs du 18 octobre 2017 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Doubs de délivrer à M. A...une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me Bertin la somme de 1 500 (mille cinq cents) euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Bertin renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Doubs et au Procureur de la République près le tribunal de grande instance de Besançon.

2

N° 18NC01657


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18NC01657
Date de la décision : 06/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. MESLAY
Rapporteur ?: Mme Colette STEFANSKI
Rapporteur public ?: M. FAVRET
Avocat(s) : BERTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-06-06;18nc01657 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award