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06/06/2019 | FRANCE | N°18NC01081

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 06 juin 2019, 18NC01081


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune du Bonhomme a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du préfet du Haut-Rhin du 19 août 2016 portant création de la zone de protection du biotope du Louschbach.

Par un jugement n° 1700663 et 1700665 du 7 février 2018, le tribunal administratif a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 5 avril, le 18 octobre 2018 et le 26 avril 2019, la commune du Bonhomme, représentée par MeB..., demande à

la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg ;

2°) d'annuler l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune du Bonhomme a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du préfet du Haut-Rhin du 19 août 2016 portant création de la zone de protection du biotope du Louschbach.

Par un jugement n° 1700663 et 1700665 du 7 février 2018, le tribunal administratif a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 5 avril, le 18 octobre 2018 et le 26 avril 2019, la commune du Bonhomme, représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Haut-Rhin du 19 août 2016 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 500 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la mise à disposition du public a méconnu l'article L. 120-1 du code de l'environnement et l'article L. 131-1 du code des relations entre le public et l'administration ;

- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé au regard des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ;

- l'arrêté n'a pas été publié, conformément à l'article R. 411-16 du code de l'environnement, dans deux journaux régionaux ou locaux diffusés dans le département ;

- l'arrêté ne pouvait être pris en l'absence d'arrêté ministériel classant les espèces concernées dans la liste prévue par les articles R. 411-15 et R. 411-1 du code de l'environnement ;

- l'arrêté préfectoral est entaché d'erreur manifeste d'appréciation en ce que la présence du grand tétras dans la zone de protection n'est pas démontrée et en ce que les inconvénients de l'arrêté sont supérieurs à ses bénéfices.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 17 octobre 2018 et le 11 avril 2019, le ministre de la transition écologique et solidaire conclut au rejet de la requête.

Il s'en remet aux observations présentées par le préfet du Haut-Rhin en première instance.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Stefanski, président,

- les conclusions de M. Favret, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., pour la commune du Bonhomme.

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté du 19 août 2016, le préfet du Haut-Rhin a créé une zone de protection du biotope du Louschbach, d'une surface de 271 hectares, située sur le territoire de la commune du Bonhomme, afin de préserver un environnement favorable au grand tétras, à la gélinotte des bois, à la chouette de Tengmalm et à la chevêchette d'Europe. La commune du Bonhomme interjette appel du jugement du 7 février 2018 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande dirigée contre cet arrêté préfectoral.

Sur la légalité externe de l'arrêté préfectoral contesté :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 120-1 du code de l'environnement dans sa rédaction alors en vigueur : " I. - Le présent article définit les conditions et limites dans lesquelles le principe de participation du public, prévu à l'article 7 de la Charte de l'environnement, est applicable aux décisions, autres que les décisions individuelles, des autorités publiques ayant une incidence sur l'environnement lorsque celles-ci ne sont pas soumises, par les dispositions législatives qui leur sont applicables, à une procédure particulière organisant la participation du public à leur élaboration. / II. - Sous réserve des dispositions de l'article L. 120-2, le projet d'une décision mentionnée au I, accompagné d'une note de présentation précisant notamment le contexte et les objectifs de ce projet, est mis à disposition du public par voie électronique (...). / Les observations du public, déposées par voie électronique ou postale, doivent parvenir à l'autorité administrative concernée dans un délai qui ne peut être inférieur à vingt et un jours à compter de la mise à disposition prévue au même premier alinéa (...)". Aux termes de l'article L. 131-1 le code des relations entre le public et l'administration " Lorsque l'administration décide, en dehors des cas régis par des dispositions législatives ou réglementaires, d'associer le public à la conception d'une réforme ou à l'élaboration d'un projet ou d'un acte, elle rend publiques les modalités de cette procédure, (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier que le projet d'arrêté préfectoral a été mis à la disposition du public par voie électronique accompagné d'une note qui présentait de façon suffisamment précise le contexte et les objectifs du projet pour permettre au public de présenter ses observations. Dans ces conditions, alors que les documents ont été mis à disposition du 30 avril au 20 mai 2016 et qu'il était indiqué au public comment formuler ses observations, les dispositions de l'article L. 120-1 du code de l'environnement n'ont pas été méconnues, sans que la commune puisse utilement invoquer l'article L. 131-1 du code des relations entre le public et l'administration dès lors que les dispositions de l'article L. 120-1 du code de l'environnement régissent entièrement cette procédure.

4. En deuxième lieu, la commune ne peut utilement invoquer l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration relatif à la motivation des décisions administratives individuelles dès lors que l'arrêté préfectoral contesté a la nature d'un acte réglementaire.

5. En troisième lieu, la circonstance que l'arrêté préfectoral contesté n'aurait pas été publié conformément aux dispositions de l'article R. 411-16 du code de l'environnement est sans influence sur sa légalité qui s'apprécie à la date à laquelle il a été pris, les modalités de publication n'ayant d'influence que sur l'entrée en vigueur de l'acte.

Sur la légalité interne de l'arrêté préfectoral contesté :

6. Aux termes de l'article R. 411-15 du code de l'environnement : " Afin de prévenir la disparition d'espèces figurant sur la liste prévue à l'article R. 411-1, le préfet peut fixer, par arrêté, les mesures tendant à favoriser, sur tout ou partie du territoire d'un département à l'exclusion du domaine public maritime où les mesures relèvent du ministre chargé des pêches maritimes, la conservation des biotopes tels que mares, marécages, marais, haies, bosquets, landes, dunes, pelouses ou toutes autres formations naturelles, peu exploitées par l'homme, dans la mesure où ces biotopes ou formations sont nécessaires à l'alimentation, à la reproduction, au repos ou à la survie de ces espèces. ".

7. En premier lieu, aux termes de l'article R. 411-1 du même code : " Les listes des espèces animales non domestiques et des espèces végétales non cultivées faisant l'objet des interdictions définies par les articles L. 411-1 et L. 411-3 sont établies par arrêté conjoint du ministre chargé de la protection de la nature et soit du ministre chargé de l'agriculture( ...) ".

8. La circonstance que l'arrêté préfectoral contesté ne vise pas les arrêtés ministériels mentionnés par les articles R. 411-1 et R. 411-15 du code de l'environnement est sans influence sur sa légalité. Contrairement à ce que soutient la commune du Bonhomme, les espèces dont l'arrêté préfectoral contesté entend assurer la protection sont incluses dans les listes établies notamment par deux arrêtés ministériels du 29 octobre 2009, l'un fixant la liste des oiseaux protégés sur l'ensemble du territoire national qui mentionne la chevêchette et la chouette de Tengmalm, l'autre relatif à la protection et à la commercialisation de certaines espèces d'oiseaux qui prévoit des dispositions propres au grand tétras. Il ressort des pièces du dossier que le préfet du Haut-Rhin aurait pris le même arrêté s'il n'avait pas mentionné la gélinotte des bois qui ne fait pas partie des listes d'oiseaux protégés par les arrêtés interministériels précités, mais dont la chasse est réglementée. Ainsi, l'arrêté préfectoral contesté a pu créer la zone de biotope en litige en vue de protéger ces espèces.

9. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier et notamment du schéma régional de cohérence écologique du Grand est que la commune du Bonhomme se situe au centre de "liaisons entre des zones à enjeux pour le grand tétras". Ce document est confirmé par les autres pièces produites par le préfet du Haut-Rhin en première instance, qui montrent que des populations de grands tétras se situent à l'ouest et au sud-est de la zone de biotope et qu'il est nécessaire pour leur préservation de mettre en place des corridors visant à améliorer la continuité des milieux qui leur sont favorables. Il ressort également des pièces du dossier, et notamment des cartes produites par l'administration, que la chouette de Tengmalm a son habitat à proximité de la zone de biotope, la chevêchette d'Europe étant présente à proximité et à l'intérieur de la zone. Ainsi, la circonstance alléguée par la commune que la présence du grand tétras dans la zone de biotope n'est pas attestée, qui au demeurant n'est pas établie, n'est pas de nature à démontrer que l'arrêté contesté serait fondé sur des faits matériellement inexacts et n'aurait pas pour effet de protéger ses populations. Les circonstances que les documents relatifs à une zone Natura 2000 située au nord du périmètre protégé par l'arrêté préfectoral contesté ne mentionnent pas la présence du grand tétras ou d'un habitat qui lui serait favorable dans cette zone est sans influence sur la légalité de cet arrêté. Le fait que le guide de sylviculture édité par la région Lorraine en 2012 et une étude effectuée à l'appui d'une demande de création d'un parc éolien situé à l'est de la zone de biotope, qui ne répondent pas aux mêmes objectifs que l'arrêté préfectoral contesté ne fassent pas mention du grand tétras ne suffit pas à remettre en cause les éléments résultant des documents mentionnés ci-dessus.

10. En troisième lieu, contrairement à ce que soutient la commune, l'arrêté préfectoral contesté n'a ni pour objet ni pour effet de faire par lui-même obstacle à la réalisation d'un projet de parc éolien à proximité immédiate de la zone de biotope. Dans ces conditions, la circonstance que ce parc éolien, qui a d'ailleurs fait l'objet d'un retrait d'autorisation dont la légalité a été confirmée par la juridiction administrative, comporterait des mesures compensatoires favorables au développement du grand tétras est sans influence sur la légalité de l'arrêté préfectoral contesté.

11. En dernier lieu, en se bornant à soutenir sans aucune précision que les mesures de protection prescrites par l'article 3 de l'arrêté préfectoral contesté sont très restrictives, dans la mesure où elles excluent certaines activités et en règlementent d'autres alors qu'elles ne semblent pas résulter d'une étude sérieuse, la commune du Bonhomme ne met pas la cour en mesure d'apprécier le moyen tiré de la disproportion entre les mesures prescrites et les objectifs poursuivis par cet arrêté.

12. Il résulte de ce qui précède que la commune du Bonhomme n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la commune du Bonhomme demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la commune du Bonhomme est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la commune du Bonhomme et au ministre de la transition écologique et solidaire.

Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.

2

N° 18NC01081


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18NC01081
Date de la décision : 06/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

44-045-01 Nature et environnement.


Composition du Tribunal
Président : M. MESLAY
Rapporteur ?: Mme Colette STEFANSKI
Rapporteur public ?: M. FAVRET
Avocat(s) : CABINET RACINE

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-06-06;18nc01081 ?
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