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16/05/2019 | FRANCE | N°18NC00295

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 16 mai 2019, 18NC00295


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...E...a demandé au tribunal administratif de Nancy, d'une part, d'annuler la décision du 14 octobre 2015 par laquelle le président du syndicat intercommunal de l'environnement de Blainville-sur-l'Eau, Damelevières, Mont-sur-Meurthe, Rehainviller (SIE) a refusé de déplacer une boîte de branchement en dehors de sa propriété et, d'autre part, de condamner le syndicat à lui verser une somme de 7 131 euros en réparation du préjudice de jouissance subi.

Par un jugement n° 1602102 du 5 décembre 2

017, le tribunal administratif de Nancy a annulé la décision contestée, a condamné...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...E...a demandé au tribunal administratif de Nancy, d'une part, d'annuler la décision du 14 octobre 2015 par laquelle le président du syndicat intercommunal de l'environnement de Blainville-sur-l'Eau, Damelevières, Mont-sur-Meurthe, Rehainviller (SIE) a refusé de déplacer une boîte de branchement en dehors de sa propriété et, d'autre part, de condamner le syndicat à lui verser une somme de 7 131 euros en réparation du préjudice de jouissance subi.

Par un jugement n° 1602102 du 5 décembre 2017, le tribunal administratif de Nancy a annulé la décision contestée, a condamné le SIE à lui verser une somme de 1 731 euros TTC et a enjoint au SIE de régulariser l'emprise irrégulière dans un délai de 3 mois.

Procédure devant la cour :

Par une requête, des pièces et mémoires enregistrés le 5 février, le 23 février et le 29 octobre 2018, M.E..., représenté par MeD..., demande à la cour :

1°) d'annuler les articles 2 et 5 du jugement du tribunal administratif de Nancy ;

2°) d'enjoindre au SIE de procéder à ses frais au déplacement du regard de visite et des canalisations attenantes implantés sur son terrain pour les implanter à l'extérieur de sa propriété sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir ;

3°) de condamner le SIE à lui verser une somme de 10 500 euros en réparation de son préjudice de jouissance, somme à parfaire en cours de procédure ;

4°) de mettre à la charge du SIE une somme de 3 000 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il n'est pas démontré que le président du SIE avait compétence pour signer le mémoire en défense ;

- les modalités de régularisation retenues par le tribunal administratif sont inapplicables en l'espèce, le déplacement de l'ouvrage étant la seule solution possible, sans que le SIE démontre que cette solution porte une atteinte excessive à l'intérêt général ;

- il démontre la réalité et l'étendue de son préjudice de jouissance ;

- il n'a pas donné son accord aux travaux et l'inverse n'est pas démontré.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 octobre 2018, le syndicat intercommunal de l'environnement de Blainville-sur-l'Eau, Damelevières, Mont-sur-Meurthe, Rehainviller, représenté par MeC..., conclut :

- au rejet de la requête ;

- par la voie de l'appel incident à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Nancy ;

- au besoin, à ce que soit ordonnée l'audition du chef de centre et du chef de chantier de la société qui a réalisé les travaux ;

- à ce que soit mise à la charge de M. E...une somme de 3 000 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

Il soutient que :

- il informe la cour qu'il a engagé une procédure d'expropriation pour le regard et la canalisation implantés sur la propriété de M. E...;

- il démontre que M. E...avait donné son accord pour la réalisation des travaux ;

- subsidiairement, la cour pourra faire usage des dispositions des articles R. 623-1 et 4 du code de justice administrative, pour mener une enquête administrative ou faire témoigner sous serment les responsables de l'entreprise qui a réalisé les travaux ;

- l'article L. 152-1 du code rural et de la pêche maritime peut être appliqué en l'espèce, l'ouvrage litigieux n'étant pas implanté dans un jardin ;

- le déplacement de l'ouvrage public hors du terrain porterait une atteinte excessive à l'intérêt général ;

- le préjudice allégué n'est pas démontré.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Stefanski, président,

- les conclusions de M. Favret, rapporteur public,

- et les observations de MeD..., pour M.E..., ainsi que celles de Me A..., substituant MeC..., pour le syndicat intercommunal de l'environnement de Blainville-sur-l'Eau, Damelevières, Mont-sur-Meurthe, Rehainviller (SIE).

Considérant ce qui suit :

1. Au cours de travaux effectués sur le réseau d'assainissement par une entreprise de travaux publics pour le compte du syndicat intercommunal de l'environnement de Blainville-sur-l'Eau, Damelevières, Mont-sur-Meurthe, Rehainviller (SIE) en mars 2015, une boîte de raccordement et son regard de contrôle ont été implantés sur la propriété de M.E.... Celui-ci a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision du 14 octobre 2015 par laquelle le président du SIE a refusé le déplacement des ouvrages sur le domaine public et de condamner le syndicat à l'indemniser des préjudices subis. Le tribunal a annulé la décision du 14 octobre 2015, a enjoint au syndicat de régulariser l'emprise irrégulière sans destruction de l'ouvrage, a condamné le syndicat a verser à M. E...une somme de 1 731 euros au titre de la plantation de nouveaux arbustes et a rejeté la demande d'indemnisation en tant qu'elle portait sur le préjudice de jouissance.

2. M. E...forme appel du jugement en tant qu'il n'a pas enjoint à l'administration de déplacer l'ouvrage sur le domaine public et en tant qu'il a rejeté une partie de ses conclusions à fin d'injonction. Par la voie de l'appel incident, le SIE conclut à l'annulation du jugement en soutenant que M. E...avait donné son accord à l'implantation des ouvrages sur sa propriété.

Sur la qualité du président du SIE pour produire en appel :

3. Par délibération du 19 juin 2017, le comité syndical du SIE a donné délégation à son président, pour la durée de son mandat, pour défendre le syndicat dans les actions intentées contre lui y compris devant la juridiction administrative. Ainsi, le moyen tiré de ce que les écritures en défense du SIE doivent être écartées, faute d'habilitation donnée à son président, ne saurait être accueilli.

Sur la légalité de l'implantation des ouvrages sur la propriété de M. E...:

4. L'implantation d'une canalisation du réseau public d'évacuation des eaux usées dans le sous-sol d'une parcelle appartenant à une personne privée, qui dépossède les propriétaires de cette parcelle d'un élément de leur droit de propriété, ne peut être régulièrement mise à exécution qu'après, soit l'accomplissement d'une procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique, soit l'institution de servitudes dans les conditions prévues par les dispositions des articles L. 152-1 et R. 152-1 et suivants du code rural et de la pêche maritime, soit l'intervention d'un accord amiable avec les propriétaires intéressés.

5. Pour soutenir que M. E...avait donné son accord à l'implantation des ouvrages sur sa propriété, le SIE produit, comme en première instance, une attestation établie par le chef de centre et le chef de chantier de l'entreprise chargée des travaux, mentionnant l'accord de M. E...pour l'exécution des travaux sur sa parcelle. Si cette attestation est rédigée en termes précis, elle ne suffit pas, alors qu'elle provient d'employés de l'entreprise concernée et n'est pas étayée par d'autres documents, à établir que M. E..., qui le conteste, a donné son accord à la réalisation de ces travaux. La circonstance que M. E...n'a pas émis de protestation en mars 2015, et ne l'a fait qu'à compter du mois de mai suivant, ne suffit pas non plus à démontrer que l'intéressé avait donné son accord aux travaux en cause. En conséquence, ainsi que l'a jugé le tribunal administratif, l'implantation des ouvrages d'assainissement doit être regardée comme ayant été exécutée sans titre et présente le caractère d'une emprise irrégulière sur une propriété privée immobilière.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ".

7. Lorsque le juge administratif est saisi d'une demande d'exécution d'une décision juridictionnelle dont il résulte qu'un ouvrage public a été implanté de manière irrégulière, il lui appartient, pour déterminer, en fonction de la situation de droit et de fait existant à la date à laquelle il statue, si l'exécution de cette décision implique qu'il ordonne la démolition de cet ouvrage, de rechercher, d'abord, si, eu égard notamment aux motifs de la décision, une régularisation appropriée est possible. Dans la négative, il lui revient ensuite de prendre en considération, d'une part, les inconvénients que la présence de l'ouvrage entraîne pour les divers intérêts publics ou privés en présence et notamment, le cas échéant, pour le propriétaire du terrain d'assiette de l'ouvrage, d'autre part, les conséquences de la démolition pour l'intérêt général, et d'apprécier, en rapprochant ces éléments, si la démolition n'entraîne pas une atteinte excessive à l'intérêt général.

8. Pour enjoindre au SIE de régulariser la situation sans déplacer les ouvrages, le tribunal administratif a jugé que le syndicat pouvait acquérir la parcelle ou demander l'établissement de la servitude prévue par l'article L. 152-1 du code rural et de la pêche maritime qui prévoit : " Il est institué au profit des collectivités publiques, des établissements publics ou concessionnaires de services publics qui entreprennent des travaux d'établissement de canalisations d'eau potable ou d'évacuation d'eaux usées ou pluviales une servitude leur conférant le droit d'établir à demeure des canalisations souterraines dans les terrains privés non bâtis, excepté les cours et jardins attenant aux habitations (...). ".

9. Ainsi que le soutient M.E..., l'article L. 152-1 du code rural et de la pêche maritime n'est pas applicable en l'espèce, dès lors que les ouvrages en litige sont implantés sur une partie de sa parcelle constituant un jardin attenant à l'habitation, même si elle est seulement plantée d'herbe. Toutefois, la régularisation de l'emprise irrégulière peut être réalisée par l'expropriation ou l'achat de la seule partie du terrain occupée par les ouvrages implantés, M. E...ne paraissant pas disposé à passer un accord amiable avec le syndicat. Dans ces conditions, M. E...n'est pas fondé à soutenir que la régularisation de l'emprise irrégulière ne peut se faire qu'en déplaçant les ouvrages en dehors de sa propriété.

10. Il ressort des pièces du dossier qu'une conduite de gaz est implantée sous le trottoir devant la propriété du requérant et que le syndicat ne peut, pour des raisons de sécurité, implanter la boîte de raccordement et le regard sous ce trottoir en raison de la présence de cette conduite de gaz, aucune canalisation ou ouvrage ne pouvant en principe être installé au dessus d'une conduite de gaz. Par suite, il y a lieu d'enjoindre au SIE, sans qu'il y ait lieu de prononcer une astreinte, de procéder à la régularisation de l'emprise irrégulière dans un délai de trois mois à compter du présent arrêt, par l'expropriation ou l'achat de la seule partie du terrain de M. E...occupé par le regard de contrôle, l'achat de l'ensemble de la propriété n'étant pas utile pour opérer cette régularisation, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif.

Sur les conclusions à fin d'indemnisation :

11. Le SIE ne conteste pas sa condamnation à verser à M. E...une somme de 1 731 euros au titre de la nécessité de replanter des arbustes arrachés lors des travaux afin de reconstituer une haie en bordure de terrain.

12. M. E...demande l'annulation du jugement en tant qu'il n'a pas condamné le SIE à lui verser une somme de 300 euros par mois, soit une somme totale de 10 500 euros à parfaire en cours de procédure, au titre de son préjudice de jouissance. Toutefois, compte tenu de la faible surface du regard de contrôle implanté sur la parcelle de M.E..., en bordure du terrain, juste derrière la grille le séparant de la route et à proximité de la haie que l'intéressé entend replanter, la réalité du préjudice allégué n'est pas démontrée, alors au demeurant que M. E...n'indique pas quel usage il entendrait faire de cette petite surface.

13. Il résulte de ce qui précède que, par la voie de l'appel principal, M.E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande d'injonction tendant au déplacement hors de sa propriété des ouvrages litigieux et à l'indemnisation d'un préjudice de jouissance et que, par la voie de l'appel incident, le SIE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a annulé la décision du 14 octobre 2015, a enjoint au SIE de procéder à la régularisation de l'emprise irrégulière et l'a condamné à indemniser M. E...du préjudice tenant à la nécessité de planter de nouveaux arbustes.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions de mettre à la charge de M.E..., comme du SIE, la somme que l'autre partie demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Il est enjoint au SIE de procéder à la régularisation de l'emprise irrégulière, par la voie de l'expropriation ou de l'acquisition de la parcelle de terrain comportant le regard de contrôle, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 2 : Le surplus de la requête de M. E...et les conclusions de l'appel incident du SIE sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...E...et au syndicat intercommunal de l'environnement de Blainville-sur-l'Eau, Damelevières, Mont-sur-Meurthe, Rehainviller.

Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.

2

N° 18NC00295


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18NC00295
Date de la décision : 16/05/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

04-04-01 Aide sociale. Contentieux de l'aide sociale et de la tarification. Contentieux de l'admission à l'aide sociale.


Composition du Tribunal
Président : M. MESLAY
Rapporteur ?: Mme Colette STEFANSKI
Rapporteur public ?: M. FAVRET
Avocat(s) : THIRIET

Origine de la décision
Date de l'import : 21/05/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-05-16;18nc00295 ?
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