Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B...et Mme C...E...ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner la commune de Wittenheim à leur verser la somme de 461 049,78 euros avec intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts, à raison du préjudice résultant du classement de leur parcelle cadastrée section 54 n° 21 en zone N par le plan de zonage du plan local d'urbanisme adopté le 30 juin 2014.
Par un jugement n° 1601617 du 1er février 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 3 avril 2018, M. et MmeE..., représentés par Me A..., demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 1er février 2018 ;
2°) de condamner la commune de Wittenheim à leur verser la somme de 461 049,78 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter de la requête ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Wittenheim le versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. et Mme E...soutiennent que :
- la parcelle cadastrée section 54 n° 21 était classée avant révision en zone 1UA ;
- antérieurement à l'adoption de la révision du plan local d'urbanisme, la commune de Wittenheim avait activement oeuvré pour ouvrir cette parcelle à l'urbanisation ;
- l'institution d'une nouvelle servitude sur leur parcelle a remis en cause son caractère urbanisable et a ainsi rompu l'équilibre entre la protection de leur droit de propriété et les exigences de l'intérêt général ;
- ils bénéficiaient de droits acquis ;
- aucun motif d'intérêt général ne justifie le classement de leur parcelle en zone N ;
- le classement de leur parcelle en zone N, alors que cette parcelle est située au milieu de parcelles construites ou constructibles, est discriminatoire.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 novembre 2018, la commune de Wittenheim, représentée par MeF..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 500 euros soit mise à la charge de M. et Mme E...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La commune de Wittenheim soutient que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 8 octobre 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 8 novembre 2018.
Un mémoire présenté pour M. et Mme E...a été enregistré le 22 mars 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Laubriat, premier conseiller,
- les conclusions de M. Favret, rapporteur public,
- et les observations de MeA..., représentant M. et MmeE..., ainsi que celles de MeD..., représentant la commune de Wittenheim.
Considérant ce qui suit :
1. M.et Mme E...sont propriétaires d'une parcelle située au lieu-dit " Bosquet du Roy " dans la commune de Wittenheim cadastrée section 54 n° 21. Par une délibération du 30 juin 2014, le conseil municipal de Wittenheim a approuvé la révision de son plan local d'urbanisme. Le plan de zonage annexé au PLU adopté le 30 juin 2014 classant en zone N -inconstructible- la parcelle cadastrée section 54 n° 21 alors que cette parcelle était antérieurement classée en zone I AU h1 -urbanisable-, M. et Mme E...ont, par un courrier du 17 novembre 2015, saisi la commune d'une demande d'indemnisation du préjudice en résultant pour eux. La commune de Wittenheim n'ayant pas répondu à cette demande, M. et Mme E...ont demandé au tribunal administratif la condamnation de la commune de Wittenheim à leur payer la somme de 461 049,78. M. et Mme E...font appel du jugement du 1er février 2018 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande.
2. Aux termes de l'article 160-5 du code de l'urbanisme alors applicable devenu l'article L. 105-1 : " N'ouvrent droit à aucune indemnité les servitudes instituées par application du présent code en matière de voirie, d'hygiène et d'esthétique ou pour d'autres objets et concernant, notamment, l'utilisation du sol, la hauteur des constructions, la proportion des surfaces bâties et non bâties dans chaque propriété, l'interdiction de construire dans certaines zones et en bordure de certaines voies, la répartition des immeubles entre diverses zones. / Toutefois, une indemnité est due s'il résulte de ces servitudes une atteinte à des droits acquis ou une modification à l'état antérieur des lieux déterminant un dommage direct, matériel et certain ; cette indemnité, à défaut d'accord amiable, est fixée par le tribunal administratif, qui doit tenir compte de la plus-value donnée aux immeubles par la réalisation du plan d'occupation des sols rendu public ou du plan local d'urbanisme approuvé ou du document qui en tient lieu ". Ces dispositions instituent un régime spécial d'indemnisation, exclusif de l'application du régime de droit commun de la responsabilité sans faute de l'administration pour rupture de l'égalité devant les charges publiques. Elles ne font, toutefois, pas obstacle à ce que le propriétaire dont le bien est frappé d'une servitude prétende à une indemnisation dans le cas exceptionnel où il résulte de l'ensemble des conditions et circonstances dans lesquelles la servitude a été instituée et mise en oeuvre, ainsi que de son contenu, que ce propriétaire supporte une charge spéciale et exorbitante, hors de proportion avec l'objectif d'intérêt général poursuivi.
3. En premier lieu, il ne résulte pas de la révision du plan local d'urbanisme une modification de l'état antérieur des lieux.
4. En deuxième lieu, si M. et Mme E...font valoir que la révision du PLU porte atteinte à leur droit de propriété, le classement avant révision de leur parcelle en zone 1AU n'a pas créé en lui-même un droit acquis à la délivrance d'un permis de construire. Par ailleurs, M. et Mme E... n'établissant pas qu'une autorisation d'urbanisme devenue définitive leur aurait été délivrée au titre de la parcelle en cause, ils ne sont pas fondés à soutenir que le classement de ladite parcelle en zone N porterait atteinte à leurs droits acquis.
5. En troisième lieu, il ressort tant du projet d'aménagement et de développement durables que du rapport de présentation du plan local d'urbanisme révisé que le classement de la parcelle cadastrée section 54 n° 21 en zone N répond à la volonté de la commune, d'une part, de créer des corridors verts reliant la forêt alluviale du Nonnenbruch à l'ouest aux prairies situées à l'est, d'autre part, de favoriser un équilibre entre l'espace bâti et les espaces verts, notamment en structurant l'urbanisation de la ZAC des Bosquets du Roy autour d'un espace agricole vert. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir qu'aucun motif d'intérêt général ne justifierait le classement de leur parcelle en zone N.
6. En dernier lieu, il résulte de l'instruction que d'autres terrains, dont la parcelle cadastrée section 54 n° 25 immédiatement voisine, ont également été classés en zone N. Par ailleurs, de nombreux terrains situés au lieu dit Mittelfeld ont été classés en zone AM, zone dédiée à l'agriculture de proximité, où toute construction autre que des serres est interdite. Dans ces conditions, M. et Mme E...ne sont donc pas fondés à soutenir que cette nouvelle servitude constituerait une rupture d'égalité ni qu'ils supporteraient une charge spéciale et exorbitante hors de proportion avec l'objectif d'intérêt général poursuivi.
7. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme E...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Wittenheim, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. et Mme E...demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. et Mme E...le versement de la somme que la commune de Wittenheim demande sur le fondement des mêmes dispositions.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme E...est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la commune de Wittenheim présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 :Le présent arrêt sera notifié à M. B...E..., à Mme C...E...et à la commune de Wittenheim.
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N° 18NC01067