La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/03/2019 | FRANCE | N°18NC03182

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 21 mars 2019, 18NC03182


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler les arrêtés du 25 septembre 2018 par lesquels le préfet du Doubs a décidé sa remise aux autorités italiennes ainsi que son assignation à résidence dans le département du Doubs pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 1801755 du 9 octobre 2018, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 23 novembre 2018, complétée par des

mémoires enregistrés les 27 janvier et 20 février 2019, M. A..., représenté par MeC..., demande à l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler les arrêtés du 25 septembre 2018 par lesquels le préfet du Doubs a décidé sa remise aux autorités italiennes ainsi que son assignation à résidence dans le département du Doubs pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 1801755 du 9 octobre 2018, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 23 novembre 2018, complétée par des mémoires enregistrés les 27 janvier et 20 février 2019, M. A..., représenté par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Besançon du 9 octobre 2018 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les arrêtés du préfet du Doubs du 25 septembre 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Doubs de lui délivrer une attestation de demande d'asile lui permettant de saisir l'OFPRA dans un délai de huit jours à compter de la notification du présent arrêt ;

4°) à défaut d'enjoindre au préfet du Doubs de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à Me C...sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

M. A...soutient que l'arrêté décidant sa remise aux autorités italiennes méconnaît les articles 3-2 et 17 du règlement (UE) n°604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013.

Des mémoires présentés par le préfet du Doubs ont été enregistrés les 1er et 4 mars 2019.

M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 9 novembre 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Laubriat, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M.A..., ressortissant guinéen, fait appel du jugement du 9 octobre 2018 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du 25 septembre 2018 par lesquels le préfet du Doubs a décidé sa remise aux autorités italiennes ainsi que son assignation à résidence dans le département du Doubs pour une durée de quarante-cinq jours.

2. En premier lieu, aux termes du 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 susvisé : " Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. / Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un État membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier État membre auprès duquel la demande a été introduite, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable devient l'État membre responsable ".

3. L'Italie étant membre de l'Union Européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il doit alors être présumé que le traitement réservé aux demandeurs d'asile dans cet Etat membre est conforme aux exigences de la convention de Genève ainsi qu'à celles de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Cette présomption est toutefois réfragable lorsque qu'il y a lieu de craindre qu'il existe des défaillances systémiques de la procédure d'asile et des conditions d'accueil des demandeurs d'asile dans l'Etat membre responsable, impliquant un traitement inhumain ou dégradant. Dans cette hypothèse, il appartient à l'administration d'apprécier dans chaque cas, au vu des pièces qui lui sont soumises et sous le contrôle du juge, si les conditions dans lesquelles un dossier particulier est traité par les autorités italiennes répondent à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile.

4. M. A...soutient que s'il venait à être remis aux autorités italiennes, il existe des motifs sérieux et avérés de croire qu'il ne bénéficierait pas d'un examen de sa demande d'asile dans des conditions conformes aux garanties exigées par le respect du droit d'asile.

5. D'une part, si M. A...fait valoir qu'à la suite de l'exécution, le 6 juin 2018, d'une précédente décision de réadmission prise à son encontre, la police aux frontières italienne, présente à son arrivée à l'aéroport de Milan, lui aurait enjoint de quitter l'aéroport sans le mettre en mesure de déposer une demande d'asile en Italie, il ne l'établit pas. D'autre part, M. A...n'établit pas davantage, par la communication d'informations générales issues de rapports d'organismes internationaux, notamment du comité des droits de l'homme de l'ONU, qu'il serait personnellement exposé à un risque de détention prolongée dans une installation de premier accueil (hotspot). M. A... ne produisant aucun élément de nature à établir l'existence de défaillances en Italie qui constitueraient des motifs sérieux et avérés de croire que sa demande d'asile ne serait pas traitée par les autorités italiennes dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article 3-2 du règlement n° 604/2013 ne peut qu'être écarté.

6. En second lieu, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ". Il résulte de ces dispositions que si le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 pose en principe dans le 1 de son article 3 qu'une demande d'asile est examinée par un seul Etat membre et que cet Etat est déterminé par application des critères fixés par son chapitre III, dans l'ordre énoncé par ce chapitre, l'application des critères d'examen des demandes d'asile est toutefois écartée en cas de mise en oeuvre de la clause dérogatoire énoncée au 1 de l'article 17 du règlement, qui procède d'une décision prise unilatéralement par un Etat membre. Cette faculté laissée à chaque Etat membre, par l'article 17 de ce règlement, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.

7. M. A... soutient que son état de santé aurait dû conduire le préfet à accepter d'examiner sa demande d'asile par application de la clause dérogatoire de l'article 17-1 du règlement (UE) n° 604/2013.

8. Il ressort toutefois des pièces du dossier qu'après son retour en France le 9 juin 2018, M. A... a bénéficié d'un entretien en préfecture le 13 juin 2018, au cours duquel il n'a pas fait état de problèmes de santé. S'il est constant que M. A...est hospitalisé depuis le 4 octobre 2018 pour un état anxio-dépressif, cette circonstance, postérieure à l'arrêté contesté décidant sa remise aux autorités italiennes, est sans incidence sur la légalité de cet arrêté, qui s'apprécie à la date de son édiction. Par suite, M. A...n'est pas fondé à soutenir que le préfet aurait entaché sa décision de remise aux autorités italiennes d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions précitées du paragraphe 1 de l'article 17 du règlement n° 604/2013.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Doubs.

2

N° 18NC03182


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18NC03182
Date de la décision : 21/03/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme STEFANSKI
Rapporteur ?: M. Alain LAUBRIAT
Rapporteur public ?: M. FAVRET
Avocat(s) : DRAVIGNY

Origine de la décision
Date de l'import : 04/04/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-03-21;18nc03182 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award