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07/02/2019 | FRANCE | N°18NC00272

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 07 février 2019, 18NC00272


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Saint-Ail a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 24 octobre 2016 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a autorisé la fusion de la communauté de communes du Pays de Briey, de la communauté de communes du Jarnisy et de la communauté de communes du Pays de l'Orne, incluant la commune de Saint-Ail, à compter du 1er janvier 2017.

Par un jugement no 1603672 du 5 décembre 2017, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant

la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 1er février, 13 septembre ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Saint-Ail a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler l'arrêté du 24 octobre 2016 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a autorisé la fusion de la communauté de communes du Pays de Briey, de la communauté de communes du Jarnisy et de la communauté de communes du Pays de l'Orne, incluant la commune de Saint-Ail, à compter du 1er janvier 2017.

Par un jugement no 1603672 du 5 décembre 2017, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 1er février, 13 septembre et 3 octobre 2018, la commune de Saint-Ail, représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement no 1603672 du 5 décembre 2017 du tribunal administratif de Nancy ;

2°) d'annuler l'arrêté attaqué du 24 octobre 2016 ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La commune de Saint-Ail soutient que :

- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé en méconnaissance du III de l'article 35 de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 ;

- l'arrêté attaqué est entaché d'un vice de procédure dès lors que l'arrêté du 5 avril 2016 définissant le projet de périmètre de la fusion n'a pas été notifié à la communauté de communes du pays de l'Orne-Moselle, en méconnaissance du III de l'article 35 de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 ;

- l'arrêté attaqué est entaché d'une erreur de fait en ce qu'il indique à tort qu'elle appartenait à la communauté de communes du Pays de l'Orne ;

- l'arrêté attaqué est illégal du fait de l'illégalité de l'arrêté du 29 mars 2016 portant schéma départemental de coopération intercommunale de la Meurthe-et-Moselle qui a été adopté à la suite d'un avis de la commission départementale de la coopération intercommunale entaché d'irrégularités eu égard à la partialité dont a fait preuve la commission à son égard et à la circonstance qu'elle n'a pas été mise à même de présenter ses observations devant elle ;

- son inclusion dans le périmètre de la fusion est entachée d'une erreur de droit, en ce qu'elle a pour unique objet de permettre de conserver dans le périmètre du nouvel établissement public l'entreprise SOVAB, qui est installée sur son territoire, alors que cet élément n'est pas au nombre de ceux susceptibles de justifier son rattachement à cet établissement ;

- son inclusion dans le périmètre de la fusion est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard des orientations définies par le III de l'article L. 5210-1-1 du code général des collectivités territoriales ;

- le préfet a commis une erreur de droit et un détournement de procédure en se fondant délibérément sur le III de l'article 35 de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 et non sur l'article L. 5210-1-2 du code général des collectivités territoriales, alors que ces dispositions n'ont pas pour objet de permettre d'inclure de force une commune isolée dans un établissement public de coopération intercommunale et qu'elles n'offrent pas, pour la commune concernée, les mêmes garanties que celles prévues par l'article L. 5210-1-2 du code général des collectivités territoriales, lequel détermine précisément la procédure ayant cet objet ;

- l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions des III et V de l'article L. 5211-41-3 du code général des collectivités territoriales, en ce qu'il fixe les compétences optionnelles et supplémentaires de l'établissement public de coopération intercommunale issu de la fusion, en lieu et place du conseil communautaire de ce dernier et ne fixe pas les compétences transférées par la commune de Saint-Ail.

Par un mémoire distinct, enregistré le 2 février 2018, la commune de Saint-Ail, représentée par Me B..., a demandé à la cour, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de sa requête, de transmettre au Conseil d'Etat, aux fins de transmission au Conseil constitutionnel, une question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du III de l'article 35 de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 mars 2018, la communauté de communes Orne Lorraine Confluences, représentée par MeA..., a conclu au rejet de la demande de transmission au Conseil d'Etat de la question prioritaire de constitutionnalité.

Par une ordonnance du 15 juin 2018, le président de la première chambre de la cour administrative d'appel de Nancy a décidé qu'il n'y avait pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la commune de Saint-Ail.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 mars 2018, la communauté de communes Orne Lorraine Confluences, représentée par MeA..., conclut au rejet de la requête.

La communauté de communes Orne Lorraine Confluences soutient qu'aucun des moyens soulevés par la requérante n'est fondé.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 27 juillet et 26 septembre 2018, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.

Le préfet soutient qu'aucun des moyens soulevés par la requérante n'est fondé.

L'instruction a été close le 4 octobre 2018.

Un mémoire a été déposé par le préfet de Meurthe-et-Moselle le 11 octobre 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales,

- la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Rees, premier conseiller,

- les conclusions de M. Favret, rapporteur public,

- et les observations de MeB..., pour la commune de Saint-Ail, de M. C...de la commune de Saint-Ail, ainsi que celles de M.D..., pour la préfecture de Meurthe-et-Moselle.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 5 avril 2016, le préfet de Meurthe-et-Moselle a défini le périmètre de la communauté de communes issue de la fusion de la communauté de communes du pays de Briey, de la communauté de communes du Jarnisy et de la communauté de communes du pays de l'Orne, en incluant dans ce périmètre la commune de Saint-Ail. Par un arrêté du 24 octobre 2016, le préfet a autorisé la création, à compter du 1er janvier 2017, d'une communauté de communes issue de la fusion de ces trois communautés de communes et de la commune de Saint-Ail.

2. La commune de Saint-Ail relève appel du jugement du 5 décembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur l'intervention de la communauté de communes Orne Lorraine Confluences :

3. La communauté de communes Orne Lorraine Confluences, issue de la fusion des communautés de communes du pays de Briey, du Jarnisy et du pays de l'Orne, et de l'intégration de la commune de Saint-Ail, prononcées par l'arrêté préfectoral en litige, justifie d'un intérêt suffisant au maintien de cet arrêté. Par suite, elle est recevable à intervenir au soutien de la défense présentée par le préfet de Meurthe-et-Moselle.

Sur la légalité de l'arrêté attaqué :

4. Aux termes de l'article 35 de la loi du 7 août 2015 susvisée : " (...) III.-Dès la publication du schéma départemental de coopération intercommunale prévu au II de l'article 33 de la présente loi et jusqu'au 15 juin 2016, le représentant de l'Etat dans le département définit par arrêté, pour la mise en oeuvre du schéma, la fusion d'établissements publics de coopération intercommunale dont l'un au moins est à fiscalité propre. / Le représentant de l'Etat dans le département peut également proposer un périmètre de fusion ne figurant pas dans le schéma, dans les mêmes conditions et sous réserve de respecter les objectifs mentionnés aux I et II de l'article L. 5210-1-1 du code général des collectivités territoriales et de prendre en compte les orientations définies au III du même article L. 5210-1-1, après avis de la commission départementale de la coopération intercommunale. La commission départementale dispose d'un délai d'un mois à compter de sa saisine pour se prononcer. A défaut de délibération dans ce délai, l'avis est réputé favorable. Le projet de périmètre intègre les propositions de modification du périmètre adoptées par la commission départementale dans les conditions de majorité prévues au quatrième alinéa du IV dudit article L. 5210-1-1. / L'arrêté portant projet de fusion dresse la liste des établissements publics de coopération intercommunale appelés à fusionner, ainsi que des communes, appartenant ou non à un autre établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, incluses dans le périmètre du nouvel établissement public. / Cet arrêté est notifié par le représentant de l'Etat dans le département aux présidents des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre intéressés afin de recueillir l'avis de l'organe délibérant et, concomitamment, au maire de chaque commune incluse dans le projet de périmètre afin de recueillir l'accord de chaque conseil municipal. A compter de la notification de l'arrêté de projet de périmètre, les organes délibérants des établissements publics de coopération intercommunale et les conseils municipaux disposent d'un délai de soixante-quinze jours pour se prononcer. A défaut de délibération dans ce délai, l'avis est réputé favorable. / La fusion est prononcée par arrêté du ou des représentants de l'Etat dans le ou les départements concernés après accord des conseils municipaux des communes incluses dans le projet de périmètre. L'accord des communes doit être exprimé par la moitié au moins des conseils municipaux des communes intéressées, représentant la moitié au moins de la population totale de celles-ci, y compris le conseil municipal de la commune dont la population est la plus nombreuse si cette dernière représente au moins le tiers de la population totale. / A défaut d'accord des communes et sous réserve de l'achèvement des procédures de consultation, le ou les représentants de l'Etat dans le ou les départements concernés peuvent fusionner des établissements publics de coopération intercommunale, par décision motivée, après avis favorable de la commission départementale de la coopération intercommunale lorsqu'il s'agit d'un projet ne figurant pas au schéma, ou avis simple lorsqu'il s'agit d'un projet figurant au schéma. Avant de rendre son avis, la commission départementale entend, de sa propre initiative ou à leur demande, les maires des communes intéressées et les présidents des établissements publics de coopération intercommunale à même d'éclairer ses délibérations. La commission départementale dispose d'un délai d'un mois à compter de sa saisine pour se prononcer. A défaut de délibération dans ce délai, l'avis est réputé favorable. L'arrêté de fusion intègre les propositions de modification du périmètre adoptées par la commission départementale dans les conditions de majorité prévues au quatrième alinéa du IV de l'article L. 5210-1-1 du code général des collectivités territoriales. / La fusion est prononcée par arrêté du ou des représentants de l'Etat dans le ou les départements intéressés, avant le 31 décembre 2016. / L'arrêté de fusion emporte, le cas échéant, retrait des communes des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre dont elles sont membres et qui ne sont pas intégralement inclus dans le périmètre. / L'arrêté de fusion fixe également le nom, le siège et les compétences du nouvel établissement public. / Les III et V de l'article L. 5211-41-3 du même code sont applicables. Par dérogation au troisième alinéa du même III, le délai de trois mois est porté à un an pour les compétences optionnelles prévues au II de l'article L. 5214-16 du même code pour les communautés de communes et au II de l'article L. 5216-5 dudit code pour les communautés d'agglomération ".

En ce qui concerne le moyen tiré de l'insuffisance de motivation :

5. L'arrêté attaqué vise les textes dont il est fait application, notamment le III de l'article 35 de la loi du 7 août 2015, et rappelle les étapes de la procédure, les avis rendus par les conseils municipaux et les organes délibérants des communautés de communes intéressées, dont il précise le sens, largement défavorable, ainsi que l'avis de la commission départementale de coopération intercommunale. Après avoir relevé que le projet de fusion n'a pas recueilli la majorité qualifiée requise par le III de l'article 35 et mentionné la nouvelle consultation de la commission départementale de coopération intercommunale à laquelle il a procédé, le préfet énonce les considérations sur lesquelles il s'est fondé pour décider de la fusion des trois communautés de communes existantes et pour inclure la commune de Saint-Ail au sein de la nouvelle communauté de communes issue de cette fusion.

6. Ainsi, alors qu'il était seulement tenu d'énoncer les motifs sur lesquels il s'est fondé, et non de mentionner les raisons du rejet du projet par la majorité des organes délibérants des collectivités concernées et les arguments en faveur d'un rattachement de la commune de Saint-Ail à un autre établissement public de coopération intercommunale, ni les raisons pour lesquelles il a écarté ces différents éléments, le préfet a suffisamment motivé sa décision au regard des exigences du sixième alinéa du III de l'article 35 précité.

En ce qui concerne le moyen tiré du vice de procédure :

7. S'il est constant que l'arrêté du 5 avril 2016 définissant le projet de périmètre de la fusion n'a pas été notifié à la communauté de communes du pays de l'Orne-Moselle, cette dernière ne constitue pas, au sens du quatrième alinéa du III de l'article 35 précité, un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre intéressé à ce projet, dès lors qu'elle n'est pas incluse dans le périmètre de la fusion délimité par cet arrêté. Par suite, le moyen tiré du vice de procédure ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne le moyen tiré de l'erreur de fait :

8. L'arrêté attaqué mentionne que la commune de Saint-Ail est incluse dans la nouvelle communauté de communes et non, comme le fait valoir la requérante, dans la communauté de communes du pays de l'Orne. L'erreur de fait alléguée n'est donc pas établie.

En ce qui concerne l'exception d'illégalité de l'arrêté du 29 mars 2016 portant schéma départemental de coopération intercommunale de la Meurthe-et-Moselle :

9. La commune de Saint-Ail fait valoir que l'avis de la commission départementale de la coopération intercommunale est entaché d'irrégularités, eu égard à la partialité dont a fait preuve la commission à son égard et au fait qu'elle n'a pas été mise à même de présenter ses observations devant elle. Si la commune n'indique pas expressément à quel avis de cette commission elle se réfère, alors que celle-ci a rendu un premier avis le 21 mars 2016 sur le projet de schéma départemental de coopération intercommunale de la Meurthe-et-Moselle et un second, le 17 octobre 2016, relatif à l'arrêté attaqué, il ressort de ses écritures que les irrégularités alléguées se rapportent au premier de ces avis. Par suite, la requérante doit être regardée comme excipant de l'illégalité de l'arrêté du 29 mars 2016 portant schéma départemental de coopération intercommunale de la Meurthe-et-Moselle au soutien de ses conclusions dirigées contre l'arrêté du 24 octobre 2016.

10. L'illégalité d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, ne peut être utilement invoquée par voie d'exception à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative ultérieure que si cette dernière décision a été prise pour l'application du premier acte ou s'il en constitue la base légale. S'agissant d'un acte à caractère réglementaire, une telle exception peut être formée à toute époque, même après l'expiration du délai du recours contentieux contre cet acte. S'agissant d'un acte à caractère non réglementaire, l'exception n'est, en revanche, recevable que si l'acte n'est pas devenu définitif à la date à laquelle elle est invoquée, sauf dans le cas où, l'acte et la décision ultérieure constituant les éléments d'une même opération complexe, l'illégalité dont l'acte serait entaché peut être invoquée en dépit du caractère définitif de cet acte.

11. L'arrêté du 29 mars 2016 par lequel le préfet a adopté le schéma départemental de coopération intercommunale prévu par l'article L. 5210-1-1 du code général des collectivités territoriales ne revêt pas un caractère réglementaire et ne constitue pas une même opération complexe avec l'arrêté en litige.

12. Il ressort des pièces du dossier que cet arrêté a fait l'objet d'une publication au recueil des actes administratifs de la préfecture n° 14 du 30 mars 2016, ainsi que d'une insertion dans les rubriques d'annonces légales du Républicain Lorrain du 15 avril 2016 et de l'Est Républicain du 19 avril 2016, conformément aux dispositions du cinquième alinéa du III de l'article L. 5210-1-1 du code général des collectivités territoriales. L'arrêté du 29 mars 2016 qui, n'ayant pas le caractère d'une décision individuelle, n'avait pas à porter la mention des voies et délais de recours, est ainsi devenu définitif le 21 juin 2016. La commune de Saint-Ail n'ayant excipé de son illégalité qu'à l'appui de sa demande introduite le 21 décembre 2016 auprès du tribunal administratif de Nancy, la fin de non-recevoir, soulevée dès la première instance par la communauté de communes Orne Lorraine Confluences, tirée de l'irrecevabilité de ce moyen, ne peut qu'être accueillie.

En ce qui concerne les moyens tirés de l'erreur de droit et du détournement de procédure :

13. Selon la requérante, le préfet a commis une erreur de droit et un détournement de procédure en se fondant sur les dispositions du III de l'article 35 de la loi du 7 août 2015, alors que seules celles de l'article L. 5210-1-2 du code général des collectivités territoriales étaient applicables à sa situation.

14. Le 3e alinéa du III de l'article 35 de la loi du 7 août 2015 précité, qui définit une procédure transitoire permettant de prononcer, avant le 31 décembre 2016, la fusion d'établissements publics de coopération intercommunale, prévoit expressément la possibilité d'inclure, dans le périmètre du nouvel établissement public issu de cette fusion, des communes, appartenant ou non à un autre établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre. Par suite, alors même que la commune de Saint-Ail, du fait de son isolement, entrait dans le champ d'application de l'article L. 5210-1-2 du code général des collectivités territoriales, le préfet, qui s'est prononcé avant le 31 décembre 2016, a pu légalement se fonder sur les dispositions du III de l'article 35 pour l'inclure dans le périmètre du nouvel établissement public, sans qu'elle puisse utilement faire valoir qu'elle n'a pas bénéficié, dans le cadre de cette procédure, des mêmes garanties que celles offertes par l'article L. 5210-1-2. Par voie de conséquence, le moyen tiré du détournement de procédure ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne les moyens tirés de la méconnaissance des orientations de l'article L. 5210-1-1 du code général des collectivités territoriales :

15. Aux termes du III de l'article L. 5210-1-1 du code général des collectivités territoriales : " Le schéma prend en compte les orientations suivantes : (...) / 2° La cohérence spatiale des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre au regard notamment du périmètre des unités urbaines au sens de l'Institut national de la statistique et des études économiques, des bassins de vie et des schémas de cohérence territoriale ; / 3° L'accroissement de la solidarité financière et de la solidarité territoriale ; (...) ".

16. En premier lieu, le site industriel de la société SOVAB est implanté pour partie sur le territoire de la commune de Saint-Ail, et pour partie sur celui de la commune de Batilly, laquelle a été rattachée dès 2014 à la communauté de communes du pays de l'Orne, incluse dans le périmètre de la fusion. Il est constant que la présence de ce site industriel constitue un enjeu à l'échelle du périmètre de l'établissement public de coopération intercommunale en litige. Dans ces conditions, le préfet a pu légalement, au regard des orientations précitées, prendre en compte la présence de ce site industriel. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet se soit fondé uniquement sur cet élément pour décider d'inclure la commune de Saint-Ail dans le périmètre du nouvel établissement, alors que l'arrêté attaqué fait également état de l'appartenance de la commune de Saint-Ail au schéma de cohérence territoriale de Meurthe-et-Moselle et au syndicat mixte de transports du pays de Briey.

17. En second lieu, la commune de Saint-Ail soutient que l'arrêté du 24 octobre 2016 est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des orientations définies au III de l'article L. 5210-1-1 du code général des collectivités territoriales précité, en particulier au 2° de cet article qui prévoit la prise en compte de la cohérence spatiale de l'établissement public de coopération intercommunale.

18. Il ressort des pièces du dossier que le périmètre de l'établissement public de coopération intercommunale comprend les bassins de vie de Briey, Jarny et Joeuf. La commune de Saint-Ail est située en limite des départements de la Meurthe-et-Moselle et de la Moselle, à la jonction entre le nouvel établissement issu de la fusion et de la communauté de communes du pays de l'Orne-Moselle. La seule circonstance que la commune de Saint-Ail est située sur un plateau ne suffit pas à établir qu'elle serait, comme elle l'allègue, géographiquement séparée des communes de la vallée de l'Orne et du Jarnisy. Et bien qu'elle soit géographiquement séparée de la ville de Joeuf par les communes mosellanes de Sainte-Marie-aux-Chênes et Montois-la-Montage, il ressort des pièces du dossier qu'elle appartient, comme ces dernières, au bassin de vie de Joeuf, au milieu duquel elle est située. Dès lors, l'inclusion de la commune de Saint-Ail dans le périmètre de l'établissement public de coopération intercommunale en litige n'est pas manifestement incohérente par rapport à sa situation géographique au regard de ce périmètre.

19. Par ailleurs, il est constant que le territoire de la commune de Saint-Ail est inclus dans le schéma de cohérence territoriale de Meurthe-et-Moselle, lequel constitue un élément de la cohérence spatiale expressément mentionné par le 2° du III de l'article L. 5210-1-1 précité. Comme l'a également relevé le préfet dans l'arrêté contesté, elle appartient, en outre, au syndicat mixte de transports du pays de Briey. De surcroît, si une partie de ses élèves est scolarisée au collège de Sainte-Marie-aux-Chênes et dans les lycées de Metz, la requérante a elle-même indiqué dans ses écritures de première instance qu'une autre partie de ses élèves fréquente les lycées de Briey et Jarny. Ainsi, s'il n'est pas contesté que la commune de Saint-Ail a tissé des liens privilégiés et étroits avec la communauté de communes du pays de l'Orne-Moselle et certaines de ses communes, elle n'est pas dépourvue de lien avec les communes de la vallée de l'Orne et du Jarnisy. Au demeurant, les liens tissés avec la communauté de communes du pays de l'Orne-Moselle et certaines de ses communes sont relativement récents aux dires de la commune de Saint-Ail, qui indique les entretenir depuis une quinzaine d'années, ce qui traduit le fruit d'un choix de l'intéressée, et non l'existence de " facteurs géographiques et historiques anciens " dont elle se prévaut. Par conséquent, l'existence de ces liens ne suffit pas à entacher d'erreur manifeste d'appréciation l'inclusion de la commune de Saint-Ail dans le périmètre de l'établissement public de coopération intercommunale en litige.

20. Quant au site industriel de la société SOVAB, ainsi qu'il a été dit au point 16, il est implanté pour partie sur le territoire de la commune de Saint-Ail, et pour partie sur celui de la commune de Batilly, laquelle a été rattachée dès 2014 à la communauté de communes du pays de l'Orne, incluse dans le périmètre de la fusion. Si, comme le fait valoir la requérante, ce partage remonte à l'implantation du site près de quarante ans auparavant et n'a jamais soulevé de difficulté, notamment du point de vue de la fiscalité locale, l'inclusion de la totalité de ce site dans le périmètre d'un même établissement public de coopération intercommunale ne va pas à l'encontre de la recherche de la cohérence spatiale de ce périmètre.

21. Enfin, le bien-fondé des affirmations de la requérante quant aux conséquences néfastes de l'arrêté attaqué en termes de fiscalité, de développement économique et de prix de l'immobilier n'est pas établi par les pièces qu'elle produit.

22. Il résulte de ce qui précède que, si la commune de Saint-Ail aurait aussi pu être rattachée à la communauté de communes du pays de l'Orne-Moselle, comme l'avait d'ailleurs un temps envisagé le préfet de Meurthe-et-Moselle, ce dernier n'a pas, en décidant de l'inclure dans le périmètre du nouvel établissement public de coopération intercommunale, commis une erreur manifeste d'appréciation au regard des orientations définies au III de l'article L. 5210-1-1 du code général des collectivités territoriales précité.

En ce qui concerne les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions des III et V de l'article L. 5211-41-3 du code général des collectivités territoriales :

23. Aux termes de l'article L. 5211-41-3 du code général des collectivités territoriales : " (...) III. - (...) Les compétences transférées par les communes aux établissements publics existant avant la fusion, à titre obligatoire, sont exercées par le nouvel établissement public sur l'ensemble de son périmètre. / (...) les compétences transférées à titre optionnel et celles transférées à titre supplémentaire par les communes aux établissements publics de coopération intercommunale existant avant la fusion sont exercées par le nouvel établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre sur l'ensemble de son périmètre ou, si l'organe délibérant de celui-ci le décide dans un délai de trois mois à compter de l'entrée en vigueur de l'arrêté décidant la fusion, font l'objet d'une restitution aux communes. Toutefois, ce délai est porté à deux ans lorsque cette restitution porte sur des compétences ni obligatoires, ni optionnelles. (...) / L'établissement public issu de la fusion est substitué de plein droit, pour l'exercice de ses compétences, aux anciens établissements publics et, le cas échéant, aux communes incluses dans son périmètre dans toutes leurs délibérations et tous leurs actes. / (...) V. - Le mandat des membres en fonction avant la fusion des établissements publics de coopération intercommunale est prorogé jusqu'à l'installation du nouvel organe délibérant au plus tard le vendredi de la quatrième semaine suivant la fusion. La présidence de l'établissement issu de la fusion est, à titre transitoire, assurée par le plus âgé des présidents des établissements publics ayant fusionné. Les pouvoirs des membres et du président sont limités aux actes d'administration conservatoire et urgente ".

24. En premier lieu, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du V de l'article L. 5211-41-3 précité n'est pas assorti de précisions permettant d'en apprécier la portée et le bien-fondé.

25. En deuxième lieu, l'arrêté attaqué se borne à indiquer les compétences exercées à titres obligatoire, optionnel et facultatif par la nouvelle communauté de communes. Contrairement à ce que soutient la requérante, il ne fixe pas de manière définitive les compétences exercées à titres optionnel et facultatif et aucune de ses dispositions ne fait obstacle à l'exercice ultérieur, par l'organe délibérant de la nouvelle communauté de communes, de sa faculté de restituer tout ou partie de ces compétences aux communes membres.

26. En troisième lieu, le septième alinéa du III de l'article L. 5211-41-3 précité prévoit expressément que " l'établissement public issu de la fusion est substitué de plein droit, pour l'exercice de ses compétences, aux anciens établissements publics et, le cas échéant, aux communes incluses dans son périmètre dans toutes leurs délibérations et tous leurs actes ". Il ressort de l'arrêté attaqué que les compétences obligatoires prévues par la loi s'exercent sur tout le territoire du nouvel établissement, tandis que les compétences optionnelles et facultatives y sont définies et exercées de manière différente selon le territoire de chacune des communautés de communes fusionnées. Dès lors que la commune de Saint-Ail n'appartenait à aucune d'entre elles, il résulte nécessairement de la combinaison des dispositions légales précitées et de l'arrêté attaqué que la nouvelle communauté de communes s'est substituée à la commune de Saint-Ail pour les seules compétences exercées à titre obligatoire. Dès lors, et quand bien même l'arrêté attaqué ne les a pas expressément précisées, la requérante n'est pas fondée à soutenir qu'il ne fixe pas les compétences transférées à la nouvelle communauté de communes.

27. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Saint-Ail n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. Dès lors, ses conclusions à fin d'annulation ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : L'intervention de la communauté de communes Orne Lorraine Confluences est admise.

Article 2 : La requête présentée par la commune de Saint-Ail est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Saint-Ail, au ministre de l'intérieur et à la communauté de communes Orne Lorraine Confluences.

Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.

2

N° 18NC00272


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18NC00272
Date de la décision : 07/02/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

135-05 Collectivités territoriales. Coopération.


Composition du Tribunal
Président : M. MESLAY
Rapporteur ?: M. Philippe REES
Rapporteur public ?: M. FAVRET
Avocat(s) : SCP LEBON et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 19/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-02-07;18nc00272 ?
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