La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/01/2019 | FRANCE | N°18NC00400

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 17 janvier 2019, 18NC00400


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 9 mai 2017 par lequel le préfet de la Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 1701582 du 7 novembre 2017, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 20 février 2018, Mme D..., représen...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler l'arrêté du 9 mai 2017 par lequel le préfet de la Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 1701582 du 7 novembre 2017, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 20 février 2018, Mme D..., représentée par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 7 novembre 2017 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet de la Marne du 9 mai 2017;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me C...sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Mme D...soutient que :

Sur la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :

- l'auteur de cette décision était incompétent ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnaît ainsi les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article 9 du code civil ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

-elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle et familiale ;

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour emporte l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- l'auteur de la décision portant obligation de quitter le territoire français était incompétent ;

- cette décision a été prise en méconnaissance de son droit à être entendu ;

- elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnaît ainsi les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions de l'article 9 du code civil ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle et familiale ;

Sur la décision fixant le pays d'éloignement :

- l'auteur de la décision fixant le pays d'éloignement était incompétent ;

- la décision fixant le pays d'éloignement porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnaît ainsi les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions de l'article 9 du code civil ;

- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 octobre 2018, le préfet de la Marne conclut au non lieu à statuer sur les conclusions de la requête de Mme D...tendant à l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays d'éloignement et au rejet du surplus de la requête.

Il soutient que :

- une autorisation provisoire de séjour ayant été délivrée à MmeD..., les conclusions de la requête de cette dernière tendant à l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays d'éloignement sont devenues sans objet ;

- les moyens soulevés par la requérante à l'encontre de la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 23 octobre 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 6 novembre 2018.

Mme D...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 23 janvier 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code civil ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Laubriat, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. MmeD..., ressortissante mongole, fait appel du jugement du 7 novembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 mai 2017 par lequel le préfet de la Marne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée d'office à l'expiration de ce délai.

Sur les conclusions dirigées contre les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays d'éloignement :

2. Le préfet affirme sans être contredit avoir délivré à Mme D...le 21 septembre 2018 une autorisation provisoire de séjour. Par suite, les conclusions de la requête de Mme D...tendant à l'annulation des décisions par lesquelles le préfet l'a obligée à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office à l'expiration de ce délai sont devenues sans objet.

Sur les conclusions dirigées contre la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour :

3. En premier lieu, par un arrêté n° DS 2016-094 du 18 juillet 2016, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du même jour, le préfet de la Marne a donné délégation à M. Denis Gaudin, secrétaire général de la préfecture, à l'effet de signer tous actes relevant de la compétence de l'Etat dans le département, à l'exception de certains actes au nombre desquels ne figurent pas les décisions prises en matière de police des étrangers. Par suite, le moyen tiré de M. A...n'aurait pas été compétent pour signer l'arrêté du 9 mai 2017 manque en fait et doit être écarté.

4. En deuxième lieu, la décision contestée, après avoir visé notamment l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, rappelle les différentes étapes du parcours de Mme D...depuis son entrée sur le territoire français ainsi que les éléments de sa situation familiale avant d'indiquer que ces éléments ne suffisent pas à permettre de l'admettre à titre exceptionnel au séjour en France. La décision contestée mentionne ainsi les circonstances de droit et de fait qui la fondent et est, par suite, suffisamment motivée au regard des dispositions de l'article L. 211-1 et suivants du code des relations entre le public et l'administration.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. (...) ".

6. Le 20 février 2017, Mme D...a sollicité auprès de la préfecture de la Marne son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en se prévalant de sa résidence habituelle en France et de la scolarisation de ses enfants pendant trois ans.

7. Il ressort des pièces du dossier que Mme D...a déclaré être entrée irrégulièrement en France le 29 décembre 2011, soit depuis moins de six ans à la date d'édiction de la décision attaquée. Alors que le préfet de la Marne avait pris à son encontre le 28 janvier 2016 une décision portant refus de séjour assortie d'une obligation de quitter le territoire français, elle s'est maintenue sur le territoire national. La durée de présence en France de l'intéressée résulte donc uniquement de sa volonté de se soustraire à la mesure d'éloignement prononcée à son encontre. S'il est constant que ses deux enfants sont scolarisés, la requérante ne produit aucun élément de nature à établir qu'ils ne pourraient reprendre leur scolarité dans leur pays d'origine. Mme D...n'établissant que son admission au séjour répondrait à des considérations humanitaires ou se justifierait au regard des motifs exceptionnels, elle n'est pas fondée à soutenir que la décision du 9 mai 2017 rejetant sa demande d'admission exceptionnelle au séjour méconnaîtrait l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

8. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". L'article 9 du code civil dispose : " Chacun a droit au respect de sa vie privée ". L'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant stipule : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

9. Mme D...fait valoir qu'elle a établi le centre de sa vie familiale en France, où elle vit depuis 2011 avec son concubin et leurs deux enfants. Il ressort toutefois des pièces du dossier que le concubin de Mme D...étant également en situation irrégulière en France, la cellule familiale pourra se reconstituer en Mongolie. Mme D...ne fait par ailleurs état d'aucune autre attache familiale en France. Le préfet affirme sans être contredit que Mme D... dispose d'attaches familiales en Mongolie où elle a vécu jusqu'à l'âge de 38 ans et où sa fille aînée résiderait toujours. Enfin Mme D...ne fait état d'aucune circonstance faisant obstacle à ce que ses deux enfants, Bilguun, né le 31 août 2009, et Sainzaya, née en 2005, scolarisés en 2017 respectivement en CE1 et CM2, puissent poursuivre leur scolarité en Mongolie. Dans ces conditions, compte tenu de la durée et des conditions de séjour en France de MmeD..., la décision du préfet de la Marne du 9 mai 2017 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, Mme D...n'est pas fondée à soutenir que cette décision méconnaîtrait les stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ainsi que les dispositions de l'article 9 du code civil.

10. En cinquième lieu, le moyen tiré de l'erreur manifeste qu'aurait commise le préfet dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de Mme D...doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 9.

11. En sixième et dernier lieu, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant à l'encontre de la décision refusant l'admission exceptionnelle au séjour de MmeD....

12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de Mme D...tendant à l'annulation des décisions du 9 mai 2017 par lesquelles le préfet de la Marne l'a obligée à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office à l'expiration de ce délai.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme D...est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Marne.

2

N° 18NC00400


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18NC00400
Date de la décision : 17/01/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme STEFANSKI
Rapporteur ?: M. Alain LAUBRIAT
Rapporteur public ?: M. FAVRET
Avocat(s) : HAMI - ZNATI

Origine de la décision
Date de l'import : 05/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2019-01-17;18nc00400 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award