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27/12/2018 | FRANCE | N°17NC03112-17NC03113

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre, 27 décembre 2018, 17NC03112-17NC03113


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 12 juin 2015 par laquelle l'évêque de Metz l'a licencié pour faute ainsi que les décisions implicites de rejet de ses recours gracieux et hiérarchique, d'enjoindre à la mense épiscopale de le réintégrer dans ses fonctions et de supprimer un passage qu'il estimait diffamatoire dans les écritures en défense.

Par un jugement n° 1506561 du 15 novembre 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la d

cision du 12 juin 2015 et les décisions rejetant les recours gracieux et hiérarchiq...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 12 juin 2015 par laquelle l'évêque de Metz l'a licencié pour faute ainsi que les décisions implicites de rejet de ses recours gracieux et hiérarchique, d'enjoindre à la mense épiscopale de le réintégrer dans ses fonctions et de supprimer un passage qu'il estimait diffamatoire dans les écritures en défense.

Par un jugement n° 1506561 du 15 novembre 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision du 12 juin 2015 et les décisions rejetant les recours gracieux et hiérarchique formés par M. B..., a enjoint à l'évêque de Metz de procéder à la réintégration et à la reconstitution des droits de M. B... et a rejeté le surplus de la demande de M. B....

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 26 décembre 2017 sous le n° 17NC03112, et un mémoire complémentaire, enregistré le 5 avril 2018, l'évêque de Metz, représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 15 novembre 2017 en tant qu'il a annulé la décision du 12 juin 2015 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Strasbourg ;

3°) de mettre à la charge de M. B... une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le tribunal administratif n'était pas compétent pour se prononcer sur la demande de M. B... ; la juridiction administrative n'est pas compétente pour statuer sur ce litige ;

- c'est à tort que le tribunal administratif a considéré que la commission consultative paritaire prévue à l'article 1-2 du décret du 17 janvier 1986 aurait dû être consultée ; les dispositions de ce décret ne s'appliquent pas aux agents rémunérés par l'Etat ; M. B... n'était pas un agent de la mense épiscopale ; une telle commission n'avait pas été constituée et ne pouvait pas l'être ; il s'agit d'une formalité impossible ;

- les autres moyens invoqués par M. B... ne sont pas fondés ; le principe du contradictoire a été respecté ; les faits reprochés à M. B... sont établis et sont de nature à justifier son licenciement ; M. B... n'établit pas le harcèlement moral dont il aurait été victime.

Par un mémoire, enregistré le 2 février 2018, M. B..., représenté par Me F... demande à la cour :

1°) de se prononcer sur l'ensemble des moyens qu'il a soulevés et de rejeter la requête ;

2°) en cas d'annulation du jugement du 15 novembre 2017 :

- de se prononcer sur l'ensemble des moyens qu'il a soulevés ;

- à titre principal, d'annuler la décision du 12 juin 2015 ainsi que les décisions implicites de rejet de ses recours gracieux et hiérarchique ;

- à titre subsidiaire, " d'appliquer l'article R. 771-2 du code de justice administrative et de demander au juge judiciaire " d'annuler la décision du 12 juin 2015 et la décision implicite rejetant son recours gracieux ;

- d'enjoindre à l'évêque de Metz de le réintégrer dans ses fonctions ;

- d'enjoindre à l'évêque de Metz et au ministre de l'intérieur de reconstituer sa carrière ;

3°) de mettre à la charge de l'évêque de Metz ou de la mense épiscopale une somme de 3 185 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- les moyens invoqués en appel par l'évêque de Metz ne sont pas fondés ;

- la juridiction administrative était bien compétente pour statuer sur sa demande ;

- si la cour décidait que la décision litigieuse constituait une décision religieuse, il ne pourrait pas bénéficier d'un recours effectif devant un tribunal impartial pour contester cette décision ;

- la décision du 12 juin 2015 ne comporte aucune motivation en droit et n'est pas suffisamment motivée ;

- la commission consultative paritaire prévue à l'article 1-2 du décret du 17 janvier 1986 n'a pas été consultée ; l'évêque de Metz n'établit pas que cette consultation constituait une formalité impossible ;

- le ministre n'avait pas compétence liée pour suspendre son salaire ;

- les droits de la défense et le principe d'égalité des armes, garantis par l'article 7 de la convention OIT n° 158, l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et un principe général du droit, ont été méconnus ; les rapports des audits réalisés ne lui ont pas été communiqués alors qu'ils pouvaient et auraient dû l'être ; les personnes qui ont initié la procédure n'étaient pas impartiales ;

- son dossier administratif n'était pas complet ;

- la suppression de son salaire qui lui était versé par la mense épiscopale est illégale et constitutive de faits de harcèlement moral ; s'il a proposé de démissionner en échange du versement de ce salaire sur une certaine période, il se prévaut de l'état de nécessité dans lequel il se trouvait ;

- les faits qui lui sont reprochés relatifs aux logiciels et systèmes informatiques et à ses prétendues incompétences et manquements ne sont pas établis ; l'évêque produit des faux pour justifier ses allégations ;

- il a été convoqué à un entretien préalable le 4 mai 2015 alors que le rapport disciplinaire n'est daté que du 5 mai 2015 ;

- il n'est pas établi qu'il aurait commis une faute lourde ;

- la mesure est en lien avec ses activités syndicales ;

- dès lors que la mise à pied conservatoire doit être requalifiée en mise à pied disciplinaire, il a été sanctionné deux fois pour les mêmes faits ;

- la décision de licenciement a été prise avant l'entretien préalable compte tenu de la nomination avant la tenue de cet entretien d'un nouveau responsable informatique ;

- il a été victime de faits de harcèlement moral.

Par une ordonnance du 5 avril 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au 24 avril 2018 à 12 heures.

II. Par une requête, enregistrée le 26 décembre 2017 sous le n° 17NC03113, et un mémoire complémentaire, enregistré le 5 avril 2018, l'évêque de Metz, représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'ordonner le sursis à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 15 novembre 2017 ;

2°) de mettre à la charge de M. B... une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il reprend les mêmes moyens que ceux exposés à l'appui de la requête enregistrée sous le n° 17NC03112 et soutient que ces moyens sont de nature à entraîner l'annulation de ce jugement et le rejet de la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Strasbourg.

Par un mémoire, enregistré le 9 février 2018, M. B..., représenté par Me F..., conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de l'évêque de Metz ou de la mense épiscopale une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il reprend les mêmes moyens que ceux évoqués dans le mémoire qu'il a produit dans l'affaire enregistrée sous le n° 17NC03112.

Par une ordonnance du 5 avril 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au 24 avril 2018 à 12 heures.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- l'ordonnance du 5 octobre 1814 et l'ordonnance du 16 juin 1828, relative aux écoles secondaires ecclésiastiques ;

- la loi du 15 mars 1850 sur l'enseignement ;

- la loi locale du 12 février 1873 sur l'enseignement ;

- la loi du 31 mars 1873 relative au statut des fonctionnaires d'Empire ;

- la loi d'Alsace-Lorraine du 23 décembre 1873 ;

- le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 ;

- le décret du 6 novembre 1813 sur la conservation et l'administration des biens du clergé ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- les conclusions de Mme Peton, rapporteur public,

- et les observations de Me A... pour l'évêque de Metz.

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes n° 17NC03112 et 17NC3113 de l'évêque de Metz ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.

2. M. B... a été recruté par la mense épiscopale de Metz le 7 juin 2010, afin d'exercer les fonctions de responsable de la " mission informatique et nouvelles technologies " du diocèse. Tout en continuant à percevoir une rémunération de la part de la mense épiscopale, il a été recruté par l'évêque de Metz, à compter du 1er novembre 2010, dans un emploi rémunéré par l'Etat, en qualité de " secrétaire d'évêché " pour exercer les mêmes fonctions. Par une décision du 12 juin 2015, l'évêque de Metz a mis fin à ses fonctions. Par un jugement du 15 novembre 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé cette décision, ainsi que les décisions implicites de rejet des recours gracieux et hiérarchique formés par M. B... et a enjoint à la mense épiscopale de procéder à la réintégration et à la reconstitution des droits de M. B.... L'évêque de Metz relève appel de ce jugement.

Sur la compétence de la juridiction administrative :

3. La mense épiscopale de Metz, organe du culte catholique reconnu d'Alsace-Moselle, est un établissement public du culte chargé de gérer, sous l'autorité de l'évêque de Metz, les biens du diocèse. Les agents rémunérés par l'Etat et recrutés par l'évêque en vue d'administrer, sous sa direction, les biens du diocèse sont des agents de droit public, sauf s'ils sont affectés à une activité qui constitue un service public industriel et commercial.

4. En l'espèce, si M. B... était rémunéré par l'Etat et a signé une déclaration d'obédience à l'évêque de Metz, il a été recruté, ainsi qu'il a été dit au point 2, afin d'exercer les fonctions de responsable de la " mission informatique et nouvelles technologies " du diocèse de Metz. Il ne peut être regardé comme ayant été affecté à une activité qui constitue un service public industriel et commercial. En outre, contrairement à ce que soutient l'évêque de Metz en appel, ni la décision d'employer M. B... en qualité de " secrétaire d'évêché " rémunéré par l'Etat, ni celle de mettre fin à ses fonctions ne peuvent être regardées comme constituant des actes d'organisation du culte. Ces décisions ont été prises par l'évêque non en sa qualité d'autorité religieuse mais en tant qu'autorité gestionnaire du service public du culte catholique. Le tribunal administratif de Strasbourg était ainsi compétent pour statuer sur les demandes présentées par M. B....

Sur le bien-fondé du jugement :

5. Les agents publics rémunérés par l'Etat et employés par les menses épiscopales sont recrutés par l'évêque et chargés d'administrer, sous sa direction, les biens du diocèse. Eu égard à leur condition de recrutement et d'emploi, sous l'autorité de l'évêque, ces agents ne sont pas des fonctionnaires. En revanche, la mense épiscopale, qui a le statut d'établissement public du culte en vertu du droit local maintenu en vigueur, doit être regardée, pour l'application du décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions applicables aux agents non titulaires de l'Etat pris pour l'application de l'article 7 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, comme un établissement public de l'Etat à caractère administratif. Il en résulte que les agents publics de la mense épiscopale sont régis par les dispositions de ce décret et que le pouvoir disciplinaire de l'évêque s'exerce dans ce cadre.

6. Aux termes de l'article 1-2 du décret du 17 janvier 1986 : " Dans toutes les administrations de l'Etat et dans tous les établissements publics de l'Etat, il est institué, par arrêté du ministre intéressé ou par décision de l'autorité compétente de l'établissement public, une ou plusieurs commissions consultatives paritaires comprenant en nombre égal des représentants de l'administration et des représentants des personnels mentionnés à l'article 1er. / Lorsque les effectifs d'agents contractuels d'un établissement sont insuffisants pour permettre la constitution d'une commission consultative paritaire en son sein, la situation des personnels concernés est examinée par une commission consultative paritaire du département ministériel correspondant désignée par arrêté du ministre intéressé. / Ces commissions sont obligatoirement consultées sur les décisions individuelles relatives aux licenciements intervenant postérieurement à la période d'essai au non-renouvellement du contrat des personnes investies d'un mandat syndical et aux sanctions disciplinaires autres que l'avertissement et le blâme. (...) ".

7. Compte tenu de ce qui a été dit au point 4, ces dispositions trouvent à s'appliquer en l'espèce, alors même que M. B... n'a pas été recruté par un des établissements mentionnés à l'article 1er du décret du 17 janvier 1986. En outre, ces dispositions prévoient expressément, s'agissant des établissements publics, que la mise en place des commissions consultatives paritaires relève d'une décision de l'autorité compétente de l'établissement sauf " lorsque les effectifs d'agents contractuels d'un établissement sont insuffisants pour permettre la constitution d'une commission consultative paritaire en son sein ". En l'espèce, l'évêque n'établit ni même n'allègue que l'effectif des agents contractuels de la mense épiscopale était insuffisant pour permettre la constitution d'une commission consultative paritaire en son sein. Il n'établit, en outre, pas davantage qu'estimant que cette constitution relevait d'un autre niveau, il aurait effectué des diligences afin qu'une telle commission consultative paritaire soit mise en place. Il n'est ainsi pas fondé à exciper de l'impossibilité où il se serait trouvé de consulter la commission en cause pour soutenir que les décisions litigieuses ne sont pas entachée d'irrégularité.

8. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou s'il a privé les intéressés d'une garantie.

9. Le défaut de consultation de commission consultative paritaire a, en l'espèce, privé M. B... d'une garantie. Par suite, ce vice de procédure est de nature à entacher d'illégalité les décisions litigieuses.

10. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner l'ensemble des moyens soulevés par M. B..., que l'évêque de Metz n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision du 12 juin 2015 ainsi que la décision rejetant le recours gracieux formé par M. B... contre cette décision.

Sur les conclusions tendant à ce que la cour ordonne le sursis à l'exécution du jugement attaqué :

11. Dès lors que la cour statue par le présent arrêt sur les conclusions de la requête de l'évêque de Metz tendant à l'annulation du jugement du 15 novembre 2017, les conclusions de sa requête n° 17NC03113 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont privées d'objet. Il n'y a, ainsi, pas lieu d'y statuer.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que l'évêque de Metz demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a, en outre, pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'évêque de Metz ou de la mense épiscopale une somme au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 17NC03113 de l'évèque de Metz tendant à ce que la cour ordonne le sursis à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 15 novembre 2017 .

Article 2 : Le surplus de la requête n° 17NC03113 et la requête n° 17NC03112 sont rejetés.

Article 3 : Les conclusions de M. B... présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... B..., à l'évêque de Metz et au ministre de l'intérieur.

7

N° 17NC03112 et 17NC03113


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 17NC03112-17NC03113
Date de la décision : 27/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-09-05 Fonctionnaires et agents publics. Discipline. Procédure.


Composition du Tribunal
Président : MARINO
Rapporteur ?: Mme Guénaëlle HAUDIER
Rapporteur public ?: Mme KOHLER
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS FIDAL DE BESANCON

Origine de la décision
Date de l'import : 18/04/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2018-12-27;17nc03112.17nc03113 ?
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