Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner le centre hospitalier régional Bel-Air de Metz Thionville à l'indemniser des préjudices subis du fait du décès de sa mère, Mme D...B..., d'enjoindre au centre hospitalier de produire l'entier dossier médical et infirmier sous astreinte de 150 euros par jour de retard, enfin d'ordonner une nouvelle expertise.
Par un jugement n° 1302713 du 16 juin 2016, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Par une ordonnance n° 16NC01778, du 2 septembre 2016, la présidente de la troisième chambre de la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté la requête de M.B....
Par une décision n° 407790 du 22 décembre 2017, le Conseil d'Etat a annulé l'ordonnance de la présidente de la troisième chambre de la cour du 2 septembre 2016 et a renvoyé l'affaire à la cour administrative d'appel de Nancy.
Procédure devant la cour :
Eu égard à la décision précitée du 22 décembre 2017, la cour se trouve à nouveau saisie de la requête enregistrée le 10 août 2016.
Par une requête enregistrée le 10 août 2016, complétée par un mémoire enregistré le 12 mars 2018, M. B..., représenté par MeF..., demande à la cour :
Avant dire droit :
1°) d'ordonner la remise de l'entier dossier médical et infirmier de Mme B...sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
2°) d'écarter des débats l'expertise du Dr A...pour non respect de sa mission et non-respect du contradictoire ;
3°) d'ordonner une nouvelle expertise ;
4°) de désigner tel expert qu'il plaira à la cour de nommer avec pour mission de se faire communiquer les dossiers médicaux de Mme B...et d'entendre toute personne dont le témoignage doit être pratiqué ;
5°) de dire et juger que les frais d'expertise seront à la charge de l'Etat ;
A titre subsidiaire :
6°) d'ordonner un complément d'expertise ;
7°) de désigner tel expert qu'il plaira à la cour de nommer avec pour mission de se faire communiquer les dossiers médicaux de Mme B...et d'entendre toute personne dont le témoignage doit être pratiqué ;
8°) de dire et juger que les frais d'expertise seront à la charge de l'Etat ;
Au fond :
9°) de lui accorder la possibilité de conclure après la nouvelle expertise, et notamment de chiffrer le préjudice de sa défunte mère ;
10°) de condamner le centre hospitalier régional Bel-Air de Metz Thionville à lui verser la somme de 20 000 euros en réparation de son préjudice moral ;
11°) de mettre à la charge du centre hospitalier régional Bel-Air de Metz Thionville le versement de la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. B...soutient que :
- le refus du centre hospitalier régional Bel-Air de Metz-Thionville de lui communiquer l'intégralité du dossier médical de sa mère méconnaît l'article L. 1110-4 du code de la santé publique ;
- l'expertise a été menée dans des conditions irrégulières ;
- l'expert n'ayant pas rempli sa mission, une nouvelle expertise ou un complément d'expertise doivent être ordonnés ;
- le centre hospitalier a commis une faute en décidant d'alimenter sa mère par gastrotomie percutanée endoscopique ;
- le centre hospitalier a commis une faute en s'abstenant de procéder à une aspiration bronchique ;
- la responsabilité du centre hospitalier est en tout état de cause engagée dès lors que l'exécution des actes médicaux nécessaires au diagnostic et au traitement de sa mère est la cause directe de son décès.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 9 et 16 mars 2018, le centre hospitalier régional de Metz-Thionville, représenté par MeC..., conclut au rejet de la requête.
Le centre hospitalier soutient que :
- la requête, qui ne comporte pas de demande chiffrée, est irrecevable ;
- les autres moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
La requête a été communiquée à la caisse primaire d'assurance maladie de la Moselle, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au centre hospitalier régional de Metz-Thionville de produire l'intégralité du dossier médical de Mme B...sont irrecevables faute de demande préalable adressée à la commission d'accès aux documents administratifs.
Par ordonnance du 10 avril 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 4 mai 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de la santé publique ;
- la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Laubriat, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Favret, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La mère du requérant, Mme D...B..., née le 5 août 1925, a été hospitalisée le 31 janvier 2011 au centre hospitalier régional de Metz Thionville pour une dyspnée hypoxémiante. Le 2 avril 2011 à 20 h 20, Mme B...est décédée. Son fils a alors saisi le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg d'une demande d'expertise. Le juge des référés a fait droit à cette demande et a désigné le docteur A...en qualité d'expert. Après le dépôt du rapport d'expertise le 5 septembre 2012, M. B...a saisi le tribunal administratif de Strasbourg d'une demande tendant à la condamnation du centre hospitalier de Metz Thionville à l'indemniser des préjudices qu'il estime avoir subis du fait du décès de sa mère, à ce qu'il soit enjoint au centre hospitalier de produire l'entier dossier médical et infirmier de sa mère sous astreinte de 150 euros par jour de retard, enfin à ce qu'une nouvelle expertise soit ordonnée. M. B...fait appel du jugement du 16 juin 2016 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Sur les conclusions avant dire droit :
En ce qui concerne les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au centre hospitalier régional de Metz-Thionville de produire l'intégralité du dossier médical et infirmier de Mme B... :
2. L'article L. 311-1 du code des relations entre le public et l'administration, reprenant en substance les dispositions de la loi du 17 juillet 1978, dispose que : " Sous réserve des dispositions des articles L. 311-5 et L. 311-6, les administrations mentionnées à l'article L. 300-2 sont tenues de publier en ligne ou de communiquer les documents administratifs qu'elles détiennent aux personnes qui en font la demande, dans les conditions prévues par le présent livre ". Aux termes de l'article L. 311-6 du même code : " Ne sont communicables qu'à l'intéressé les documents administratifs :
1° Dont la communication porterait atteinte à la protection de la vie privée, au secret médical et au secret en matière commerciale et industrielle ; (...) ". Selon l'article L. 1110-4 du code de la santé publique : " Le secret médical ne fait pas obstacle à ce que les informations concernant une personne décédée soient délivrées à ses ayants droit, dans la mesure où elles leur sont nécessaires pour leur permettre de connaître les causes de la mort, de défendre la mémoire du défunt ou de faire valoir leurs droits, sauf volonté contraire exprimée par la personne avant son décès ". Aux termes de l'article R. 311-12 du code des relations entre le public et l'administration : " Le silence gardé par l'administration, saisie d'une demande de communication de documents en application de l'article L. 311-1, vaut décision de refus ". L'article R. 311-13 du même code précise : " Le délai au terme duquel intervient la décision mentionnée à l'article R. 311-12 est d'un mois à compter de la réception de la demande par l'administration compétente ". Selon l'article R. 311-15 : " Ainsi qu'il est dit à l'article R. 343-1 et dans les conditions prévues par cet article, l'intéressé dispose d'un délai de deux mois à compter du refus d'accès aux documents administratifs qui lui est opposé pour saisir la Commission d'accès aux documents administratifs ". Enfin aux termes de l'article L. 342-1 du même code : " La Commission d'accès aux documents administratifs émet des avis lorsqu'elle est saisie par une personne à qui est opposé un refus de communication d'un document administratif en application du titre Ier, un refus de consultation ou de communication des documents d'archives publiques, à l'exception des documents mentionnés au c de l'article L. 211-4 du code du patrimoine et des actes et documents produits ou reçus par les assemblées parlementaires, ou une décision défavorable en matière de réutilisation d'informations publiques. / La saisine pour avis de la commission est un préalable obligatoire à l'exercice d'un recours contentieux ".
3. Il est constant qu'en réponse à la demande formée par M.B..., le centre hospitalier régional de Metz-Thionville lui a transmis, par un courrier du 8 novembre 2011, 9 des 183 pages composant le dossier médical de sa mère. Il est également constant que M. B...n'a pas contesté cette décision implicite de refus partiel de communication auprès de la commission d'accès aux documents administratifs comme les dispositions de l'article 20 de la loi du 17 juillet 1978 devenu l'article L. 342-1 du code des relations entre le public et l'administration lui en faisaient l'obligation. La saisine pour avis de cette commission étant un préalable obligatoire à l'exercice d'un recours contentieux, M. B...n'est, en tout état de cause, pas recevable à contester directement devant le juge administratif le refus de communication qui lui a été opposé et, par voie de conséquence, à demander sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, à ce qu'il soit enjoint au centre hospitalier régional de Metz-Thionville de produire l'intégralité du dossier médical et infirmier de sa mère.
En ce qui concerne les conclusions tendant à ce que soit ordonné une nouvelle expertise ou un complément d'expertise :
4. En premier lieu, le requérant affirme sans être contesté que l'expert commis par le tribunal administratif a effectué sa mission sans le mettre en mesure de prendre connaissance des pièces composant le dossier médical de sa mère. Cette circonstance, à supposer qu'elle constitue un motif d'irrégularité de l'expertise, ne fait toutefois pas obstacle à ce que le rapport d'expertise soit retenu à titre d'élément d'information et à ce que, M. B...ayant pu présenter ses observations au cours de la procédure écrite qui a suivi le dépôt du rapport d'expertise, il soit statué au fond dès lors que la cour estimerait disposer des éléments d'informations nécessaires à la solution du litige.
5. En second lieu, il appartient au demandeur qui engage une action en responsabilité à l'encontre de l'administration d'apporter tous éléments de nature à établir devant le juge l'existence d'une faute et la réalité du préjudice subi. Il incombe alors, en principe, au juge de statuer au vu des pièces du dossier, le cas échéant après avoir demandé aux parties les éléments complémentaires qu'il juge nécessaires à son appréciation. Il ne lui revient d'ordonner une expertise que lorsqu'il n'est pas en mesure de se prononcer au vu des pièces et éléments qu'il a recueillis et que l'expertise présente ainsi un caractère utile. sans qu'il soit besoin de recourir à une nouvelle expertise ou de demander un complément d'expertise.
6. Il résulte de l'instruction que l'expertise que sollicite M. B...a le même objet que celle ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg le 11 avril 2012. M. B... ne fait par ailleurs état d'aucune circonstance nouvelle. Enfin, il ne résulte pas de la lecture du rapport établi le 3 septembre 2012 que l'expert aurait omis de conclure sur certains points de sa mission. Dans ces conditions, une nouvelle expertise ne présente pas d'utilité. Par suite, il n'y a pas lieu pour la cour d'ordonner une nouvelle expertise ou un complément d'expertise.
Sur les conclusions indemnitaires :
En ce qui concerne la responsabilité pour faute :
7. M. B...soutient, en premier lieu, que le centre hospitalier a commis une faute en décidant d'alimenter sa mère par gastrotomie percutanée endoscopique.
8. Il résulte toutefois de l'instruction que Mme B...a manifesté à compter du 17 février 2011 des refus de s'alimenter. Si M. B...fait valoir qu'une perfusion posée le 24 mars 2011 a permis d'alimenter sa mère par voie parentréale, ce mode de nutrition, s'il permettait une hydratation, ne pouvait assurer une alimentation satisfaisante, le réseau veineux périphérique étant trop fragile et mal adapté. Dans ces conditions, le centre hospitalier régional de Metz-Thionville n'a pas commis de faute en décidant, d'une part, le 9 mars 2011 la pose, au demeurant avec l'accord de la famille, d'une gastrotomie percutanée endoscopique, d'autre part le 28 mars, la reprise de l'alimentation entérale.
9. M. B...soutient, en second lieu, que l'infirmière en service le jour du décès de sa mère aurait commis une faute en refusant de procéder à une aspiration bronchique malgré ses demandes répétées.
10. Il résulte toutefois de l'instruction, notamment de l'attestation établie par la cadre de santé du service de médecine polyvalente, que la pratique d'une aspiration bronchique étant de nature à provoquer des vomissements réflexes, pouvant eux-mêmes entraîner une inhalation pulmonaire massive et un étouffement immédiat, l'infirmière présente a préféré laisser la digestion opérer, à charge pour l'infirmière de nuit de pratiquer cet acte. Il résulte également de la même attestation que le risque d'inhalation pulmonaire était, s'agissant de MmeB..., avéré puisque ce phénomène s'était produit quinze jours auparavant au cours d'une aspiration bronchique par réflexe nauséeux.
11. Les soins prodigués à Mme B...étant ainsi, comme l'a relevé l'expert, conformes aux données actuelles de la science et ne comportant aucun manquement aux règles de l'art, M. B... n'est, par suite, pas fondé à rechercher la responsabilité du centre hospitalier régional de Metz Thionville sur le fondement de la responsabilité pour faute.
En ce qui concerne la responsabilité sans faute :
12. L'article L. 1142-1 du code de la santé publique, issu de l'article 98 de la loi du 4 août 2002, dispose : " I- Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. (...) / II. - Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire. / Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à un pourcentage d'un barème spécifique fixé par décret ; ce pourcentage, au plus égal à 25 %, est déterminé par ledit décret ".
13. Eu égard à son état de santé très dégradé lors de son entrée à l'hôpital et aux multiples complications qui sont intervenues durant son hospitalisation, l'alimentation de Mme B...par gastrotomie percutanée endoscopique n'a pu entraîner pour elle des conséquences sensiblement plus graves que celles auxquelles elle était exposée de manière suffisamment probable en l'absence de traitement. Par suite, les conditions permettant à M. B...d'être indemnisé en tout ou partie sur le fondement de la solidarité nationale ne sont pas réunies.
14. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E...B..., au centre hospitalier régional de Metz-Thionville et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Moselle.
Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.
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N° 17NC03136