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13/12/2018 | FRANCE | N°17NC03035

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 13 décembre 2018, 17NC03035


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...D...et Mme F...A...ont demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de condamner la commune de Bourbonne-les-Bains à leur verser la somme de 10 000 euros en réparation des préjudices matériels et du préjudice moral qu'ils soutiennent avoir subis à raison du refus de la commune de leur céder un terrain situé au lieudit " la croix d'Albin ".

Par un jugement n° 1502501 du 17 octobre 2017, le tribunal administratif a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

P

ar une requête et un mémoire enregistrés les 15 décembre 2017, 19 avril 2018 et 23 avril 2018...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...D...et Mme F...A...ont demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de condamner la commune de Bourbonne-les-Bains à leur verser la somme de 10 000 euros en réparation des préjudices matériels et du préjudice moral qu'ils soutiennent avoir subis à raison du refus de la commune de leur céder un terrain situé au lieudit " la croix d'Albin ".

Par un jugement n° 1502501 du 17 octobre 2017, le tribunal administratif a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 15 décembre 2017, 19 avril 2018 et 23 avril 2018, M. D...et MmeA..., représentés par MeB..., demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif ;

2°) de condamner la commune de Bourbonne-les-Bains à leur verser la somme de 10 000 euros ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Bourbonne-les-Bains une somme de 3 000 euros à leur verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- leur demande de première instance était recevable ;

- la commune ne peut utilement soulever pour la première fois en appel, après production d'un mémoire en réplique, le moyen tiré de l'irrecevabilité de la demande de première instance ;

- la commune a commis une faute en ne justifiant pas avoir rompu les négociations préalables à un contrat, malgré la promesse faite, pour un motif d'intérêt général ;

- en tout état de cause, la commune ne peut se prévaloir de la condition tenant à l'absence d'accord d'ERDF, qu'il ne leur appartenait pas de saisir ;

- la commune les avaient incités à engager des dépenses en leur donnant l'assurance que le contrat de vente serait signé ;

- ils justifient de leurs préjudices matériel et moral.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 19 janvier 2018, 20 avril 2018 et 9 mai 2018 la commune de Bourbonne-les-Bains, représentée par MeE..., conclut :

- au rejet de la requête ;

- à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise in solidum à la charge de M. D...et de Mme A...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- en l'absence de demande préalable, la demande de première instance était irrecevable ;

- le moyen tiré de cette irrecevabilité a été soulevé en première instance ;

- elle n'a pas commis de faute dès lors qu'elle n'a pas fait de promesse aux requérants et qu'aucun accord n'a pu intervenir, le terrain n'étant pas sa propriété à la date des délibérations du conseil municipal et les conditions mentionnées par les délibérations n'étant pas toutes remplies ; par suite, les délibérations n'ont pas constitué des décisions créatrices de droit au profit des requérants, leur ouvrant droit à indemnisation ;

- la rupture, motivée par l'intérêt général, n'était pas fautive ;

- elle n'a pas incité M. D...et Mme A...à engager des dépenses qui ont résulté du manque de prudence des intéressés ;

- la réalité et le montant des préjudices ne sont pas établis.

Un mémoire présenté pour la commune de Bourbonne-les-Bains, enregistré le 15 novembre 2018 après clôture d'instruction fixée au 15 mai 2018 par ordonnance du 26 avril 2018, n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Stefanski, président,

- et les conclusions de M. Favret, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. En septembre 2013, M. D...et Mme A...ont indiqué à la commune de Bourbonne-les-Bains qu'ils souhaitaient acquérir un terrain qui appartenait alors à l'hôpital local, cet hôpital entendant céder le terrain à la commune, ce qui a été fait par acte notarié des 21 et 23 janvier 2014. Par une délibération prise dès le 14 octobre 2013, le conseil municipal de Bourbonne-les-Bains a donné son accord de principe à la vente de la parcelle à M. D...et à MmeA..., accord à confirmer dès que le prix pourrait être déterminé, l'acte de cession à la ville signé et l'accord d'ERDF recueilli. Après saisine de France Domaine, le conseil municipal a, par une délibération du 17 décembre 2013, décidé le principe de la cession de la parcelle, au prix de 17 euros le m², frais de notaire et de géomètre à la charge de l'acheteur, en précisant que les autres modalités de la précédente délibération étaient inchangées. Toutefois, le 24 juin 2014, dans l'étude du notaire chargé de faire signer ce jour-là le compromis de vente, le maire, nouvellement élu, a annoncé que la commune renonçait à la vente. M. D...et Mme A...demandent l'annulation du jugement du 17 octobre 2017 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leur demande tendant à la condamnation de la commune de Bourbonne-les-Bains à les indemniser des préjudices subis du fait de l'engagement non tenu par la commune.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

2. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative dans sa rédaction alors en vigueur : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée (...) ".

3. Si M. D...et Mme A...n'avaient pas saisi la commune d'une demande préalable en indemnisation avant de déposer leur demande devant le tribunal administratif, il résulte de l'instruction que la commune a défendu au fond dans son premier mémoire en défense, faisant ainsi naître une décision de rejet. Par suite, la demande de première instance était recevable, alors même que dans son mémoire suivant la commune opposait l'absence de décision préalable à la saisine du tribunal administratif.

Sur les conclusions à fins d'indemnisation :

4. Si la rupture unilatérale, par la personne publique, pour un motif d'intérêt général, des négociations préalables à la passation d'un contrat n'est pas de nature à engager sa responsabilité pour faute, cette responsabilité peut, toutefois, être mise en cause lorsque la personne publique, au cours des négociations, a incité son partenaire à engager des dépenses en lui donnant, à tort, l'assurance qu'un tel contrat serait signé, sous réserve que ce dernier n'ait pu légitimement ignorer le risque auquel il s'exposait. En revanche, alors même qu'une telle assurance aurait été donnée, elle ne peut créer aucun droit à la conclusion du contrat.

5. Par les délibérations des 14 octobre et du 17 décembre 2013, la commune avait clairement manifesté son intention de vendre la parcelle en litige à M. D...et à Mme A...et avait arrêté les conditions de cette vente, notamment son prix. La commune a acquis le terrain en janvier 2014 et, sans avertir les intéressés, le nouveau maire, élu à la suite des élections de mars 2014, a annoncé, le 24 juin 2014, qu'il renonçait à la vente. M. D...et Mme A...soutiennent que la commune n'a pas précisé les motifs d'intérêt général justifiant son changement de position, que la parcelle en cause ne fait l'objet d'aucun projet précis et que la décision pourrait être due à la circonstance que M. D...s'était présenté aux élections municipales sur une liste concurrente à celle du nouveau maire. En réponse, la commune se borne à affirmer qu'elle "était désireuse de mettre en place de nouveaux projets" qu'elle était libre de réaliser en l'absence d'engagement contractuel portant sur ce terrain, que les projets du nouveau maire étaient différents de ceux de l'ancien maire et qu'il "souhaitait conserver le terrain dans le patrimoine de la commune". La commune n'établit pas, par ces affirmations générales et sans apporter aucune précision sur les projets qu'elle entendait réaliser sur ce terrain ou dans cette zone, les raisons de son changement de position. Elle n'établit pas davantage que la rupture des négociations préalables à la passation du contrat reposait sur un motif d'intérêt général. Dans ces conditions, cette rupture fautive, qui n'apparaît pas, contrairement à ce que soutient la commune, comme ayant pour cause l'absence d'accord d'ERDF mentionné par les délibérations, est de nature à engager la responsabilité de la commune.

6. M. D...et Mme A...demandent la condamnation de la commune de Bourbonne-les-Bains à leur verser une somme de 10 000 euros correspondant à un préjudice matériel de 3 826 euros et au titre de leur préjudice moral pour le surplus. Ils font valoir qu'ils ont exposé des frais d'architecte de 3 156 euros pour l'établissement des plans de leur future maison, un montant de 470 euros pour le diagnostic de leur maison à vendre et de 200 euros de frais de notaire pour la rédaction du compromis de vente.

7. Toutefois, si le paiement des frais de notaire est imputable à la seule faute de la commune qui n'a pas averti les requérants de son changement de position avant la date prévue pour la signature du compromis de vente, M. D...et Mme A...ont exposé les frais d'architecte et de diagnostic avant d'avoir la certitude de la réalisation de la vente et ont commis une imprudence qui est de nature à exonérer la commune de la moitié de sa responsabilité. Dans ces conditions, la commune doit être condamnée à leur verser une somme de 200 euros au titre des frais de notaire et de 1 813 euros au titre des autres frais, soit un total de 2 013 euros.

8. M. D...et Mme A...indiquent avoir subi un préjudice moral tenant à ce que, compte tenu de leur âge, ce projet était leur dernier projet de construction, qu'ils sont attachés à Bourbonne-les-Bains où ils vivent depuis de nombreuses années et ont notamment des activités associatives et qu'ils ont dû effectuer de nombreuses démarches inutiles. Dans ces conditions, il sera fait une juste appréciation de leur préjudice en le fixant à 3 000 euros.

9. Par suite, la ville de Bourbonne-les-Bains doit être condamnée à verser à M. D...et à Mme A...une somme totale de 5 013 euros.

10. Il résulte de ce qui précède que M. D...et Mme A...sont seulement fondés à demander l'annulation du jugement attaqué du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne en tant qu'il a rejeté leur demande à hauteur de 5 013 euros.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. D...et de MmeA..., qui ne sont pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la commune de Bourbonne-les-Bains demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

12. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions de mettre à la charge de la commune de Bourbonne-les-Bains une somme globale de 1 500 euros à verser à M. D...et Mme A...au titre des mêmes frais.

DECIDE :

Article 1er : La commune de Bourbonne-les-Bains est condamnée à verser une somme de 5 013 (cinq mille treize) euros à M. D...et MmeA....

Article 2 : Le jugement du 17 octobre 2017 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : La commune de Bourbonne-les-Bains versera une somme globale de 1 500 (mille cinq cents) euros à M. D...et à Mme A...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de la commune de Bourbonne-les-Bains relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...D..., à Mme F...A...et à la commune de Bourbonne-les-Bains.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Marne.

2

N° 17NC03035


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17NC03035
Date de la décision : 13/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Actes législatifs et administratifs - Disparition de l'acte - Retrait - Retrait des actes créateurs de droits - Conditions du retrait - Conditions tenant à l'illégalité de l'acte.

Actes législatifs et administratifs - Disparition de l'acte - Abrogation - Abrogation des actes réglementaires.

Compétence - Répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction - Compétence déterminée par un critère jurisprudentiel - Domaine.


Composition du Tribunal
Président : M. MESLAY
Rapporteur ?: Mme Colette STEFANSKI
Rapporteur public ?: M. FAVRET
Avocat(s) : BREY CELINE

Origine de la décision
Date de l'import : 25/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2018-12-13;17nc03035 ?
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