Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A...B...épouse C...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 24 novembre 2017 par lequel le préfet du Bas-Rhin l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée d'office à l'expiration de ce délai.
Par un jugement n° 1706246 du 19 janvier 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 22 mars 2018, Mme A...B...épouseC..., représentée par MeD..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1706246 du 19 janvier 2018 du tribunal administratif de Strasbourg ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Bas-Rhin du 24 novembre 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer une attestation de demande d'asile, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ; à défaut, de réexaminer sa situation dans le même délai et sous la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros à verser à son avocate au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Mme C...soutient que :
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
- son droit à être entendue préalablement à l'édiction de la mesure n'a pas été respecté dès lors qu'elle a été empêchée de présenter une demande d'admission au séjour en raison de son état de santé ;
- elle ne peut pas faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français dès lors qu'elle peut prétendre de plein droit à la délivrance d'un titre de séjour en raison de ses attaches privées et familiales en France et de son état de santé ;
- la décision a été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision a été prise en méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- la décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination ;
- la décision n'est pas motivée ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation au regard des risques encourus dans son pays d'origine ;
- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
L'instruction a été close le 4 septembre 2018.
Mme C...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 20 février 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991,
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Rees, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A...B...épouseC..., de nationalité albanaise, est entrée en France le 2 octobre 2016 et y a sollicité, le 7 novembre suivant, la reconnaissance du statut de réfugiée. Sa demande a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides par une décision du 10 janvier 2017 que la Cour nationale du droit d'asile a confirmée le 20 septembre 2017. Par un arrêté du 24 novembre 2017, le préfet du Bas-Rhin a obligé Mme C... à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée d'office à l'expiration de ce délai.
2. Mme C...relève appel du jugement du 19 janvier 2018 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de l'arrêté attaqué :
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
3. En premier lieu, une atteinte au droit d'être entendu, qui fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union, n'est susceptible d'entraîner l'annulation de la décision faisant grief que si la procédure administrative en cause aurait pu, compte tenu des circonstances de fait et de droit propres au cas d'espèce, aboutir à un résultat différent du fait des observations et éléments que l'étranger a été privé de faire valoir.
4. Si Mme C...soutient que son droit à être entendue préalablement à l'édiction de la mesure n'a pas été respecté dès lors qu'elle a été empêchée de présenter une demande d'admission au séjour en raison de son état de santé, elle n'apporte aucune précision ni aucun élément à ce sujet. Dans ces conditions, elle ne démontre pas que le préfet aurait été susceptible de prendre une décision différente s'il avait pris en compte son état de santé. Par suite, l'irrégularité alléguée, même à la supposer établie, est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé , sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) / 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ".
6. En l'absence de toute précision et de tout élément relatif à son état de santé, Mme C... n'établit pas qu'elle remplit les conditions pour se voir délivrer de plein droit un titre de séjour en raison de cet état de santé, ni que celui-ci ferait obstacle à ce qu'elle fasse l'objet d'une obligation de quitter le territoire français.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Par ailleurs, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir d'ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
8. A la date de la décision attaquée, Mme C...n'était présente que depuis un an environ en France, où elle était entrée à l'âge de 32 ans, après avoir jusqu'alors vécu dans son pays d'origine. Elle se prévaut de la présence en France d'un de ses frères, de son époux, dont elle indique être séparée, et de ses trois enfants mineurs dont elle assume la charge. Si Mme C... soutient que son frère réside en France en qualité de demandeur d'asile, qu'elle a subi des violences de la part de son époux, également de nationalité albanaise, qu'une instance de divorce est en cours et que ses enfants sont scolarisés en France, aucune de ces circonstances n'est de nature à établir l'ancienneté et l'intensité de sa vie familiale en France. Compte tenu du caractère récent et des conditions de son séjour en France, Mme C...n'est pas fondée à soutenir qu'en l'obligeant à quitter le territoire français, le préfet a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a pris sa décision.
9. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir qu'elle remplissait les conditions pour se voir délivrer de plein droit un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 précité et ne pouvait, pour ce motif, faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, ni que le préfet a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
10. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
11. Si Mme C...se prévaut de la scolarisation de ses enfants en France, celle-ci a été de brève durée et la décision attaquée n'a ni pour objet ni pour effet d'empêcher ses enfants de poursuivre leur scolarité en Albanie, où ils ont vécu jusqu'en octobre 2016. Dès lors, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le préfet a méconnu les stipulations précitées.
12. En cinquième lieu, compte tenu de ce qui a déjà été dit, et en l'absence de tout élément complémentaire de la part de la requérante à cet égard, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet s'est livré à une appréciation manifestement erronée de sa situation en l'obligeant à quitter le territoire français.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
13. En premier lieu, l'arrêté attaqué mentionne que Mme C...est de nationalité albanaise, qu'elle pourra être reconduite d'office à la frontière du pays dont elle la nationalité, voire à destination d'un autre pays dans lequel elle est légalement admissible, et qu'elle n'a produit aucun élément permettant d'établir qu'elle serait soumise à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine. La décision fixant le pays de destination est régulièrement motivée par cet énoncé suffisamment complet et précis des considérations de droit et de fait qui la fondent.
14. En deuxième lieu, les motifs énoncés dans la décision permettent de vérifier que le préfet a, contrairement à ce que fait valoir la requérante, procédé à un examen particulier de sa situation.
15. En troisième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales susvisée : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".
16. Mme C...fait valoir qu'elle et son mari ont emprunté de l'argent à des usuriers albanais de façon à pouvoir ouvrir un commerce et que, les sommes empruntées n'ayant pas été remboursées, elle serait désormais menacée en cas de retour en Albanie. Elle fait également valoir qu'elle risque de subir des représailles de la part de son mari, violent, qu'elle a quitté et avec lequel elle est en instance de divorce. Toutefois, elle n'apporte aucun élément probant à l'appui de ses allégations alors, au demeurant, que ni l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, ni la Cour nationale du droit d'asile n'ont estimé que les risques qu'elle invoque sont établis. Dès lors, le moyen tiré de ce que la décision désignant l'Albanie comme le pays vers lequel elle pourrait être reconduite d'office a été prise en méconnaissance des stipulations et dispositions précitées doit être écarté
17. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Dès lors, ses conclusions à fin d'annulation, ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au prononcé d'une injonction et d'une astreinte et à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme A...B...épouse C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B...épouse C...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.
2
N° 18NC00840