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22/11/2018 | FRANCE | N°17NC02935

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 22 novembre 2018, 17NC02935


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 23 octobre 2015 par lequel le préfet de la Haute-Saône a fixé la liste des terrains soumis à l'action de l'association communale de chasse agréée de Scey-sur-Saône et abrogé son précédent arrêté du 6 novembre 2007.

Par un jugement no 1502039 du 21 septembre 2017, le tribunal administratif de Besançon a annulé l'arrêté attaqué en tant qu'il inclut les terrains de M. A...B...dans la liste des terrains soumis

l'action de l'association communale de chasse agréée de Scey-sur-Saône.

Procédure devan...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 23 octobre 2015 par lequel le préfet de la Haute-Saône a fixé la liste des terrains soumis à l'action de l'association communale de chasse agréée de Scey-sur-Saône et abrogé son précédent arrêté du 6 novembre 2007.

Par un jugement no 1502039 du 21 septembre 2017, le tribunal administratif de Besançon a annulé l'arrêté attaqué en tant qu'il inclut les terrains de M. A...B...dans la liste des terrains soumis à l'action de l'association communale de chasse agréée de Scey-sur-Saône.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 6 décembre 2017, le ministre de la transition écologique et solidaire demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement no 1502039 du 21 septembre 2017 du tribunal administratif de Besançon ;

2°) de rejeter la demande présentée devant le tribunal par M. A...B....

Le ministre soutient que :

- contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, le préfet ne pouvait pas légalement, dans le cadre de l'application de l'article R. 422-55 du code de l'environnement, à la date à laquelle il s'est prononcé, prendre en compte les parcelles appartenant à M. B...et ne faisant pas l'objet d'une opposition ; il était, en revanche, en situation de compétence liée pour inclure dans la liste des terrains soumis à l'action de l'association communale de chasse agréée de Scey-sur-Saône les parcelles appartenant à M. B...et faisant l'objet d'une opposition ;

- aucun des autres moyens soulevés par M. B...devant le tribunal n'est fondé.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 5 avril et 19 juin 2018, M. A...B..., représentée par MeE..., conclut au rejet de la requête et à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. B...soutient qu'aucun des moyens soulevés par le ministre n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement,

- la loi n° 64-696 du 10 juillet 1964 relative à l'organisation des associations communales et intercommunales de chasse agréées,

- le décret n° 66-747 du 6 octobre 1966 portant règlement d'administration publique pour l'application de la loi susvisée,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Rees, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Favret, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 9 mai 1972, le préfet de la Haute-Saône a fixé la liste des terrains devant être soumis à l'action de l'association communale de chasse agréée de Scey-sur-Saône. Cette liste excluait expressément de ce territoire plusieurs parcelles formant un ensemble d'un seul tenant, d'une contenance totale de 61 hectares, 4 ares et 98 centiares, à la suite de l'opposition de leurs propriétaires indivis, MM. D...et A...B.... Le 14 novembre 1975, MM. D...et A...B...ont acquis, en indivision, une parcelle cadastrée section F n° 934, au lieudit " Les bas de la folle ", d'une contenance de 22 hectares, 37 ares et 27 centiares, contiguë au premier ensemble, mais incluse dans la liste faisant l'objet de l'arrêté du 9 mai 1972. L'indivision a ensuite été partagée le 15 juin 1983 : M. D...B...est devenu seul propriétaire d'un ensemble de parcelles exclues de la liste de 1972, d'une contenance totale de 35 hectares, 79 ares et 67 centiares, et M. A...B...est devenu seul propriétaire du restant des terrains exclus en 1972, soit 6 parcelles d'une contenance totale de 25 hectares, 25 ares et 31 centiares, ainsi que de la parcelle n° 934.

2. Le 18 juin 2015, M. D...B...a fait part au préfet de la Haute-Saône de sa décision de renoncer à son droit d'opposition sur ses parcelles. Par un arrêté du 23 octobre 2015, le préfet a modifié la liste des terrains soumis à l'action de l'association communale de chasse agréée de Scey-sur-Saône en y incluant notamment les 6 parcelles jusqu'alors exclues appartenant à M. A...B....

3. Le ministre de la transition écologique et solidaire relève appel du jugement du 21 septembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Besançon a annulé cet arrêté en tant qu'il inclut les terrains de M. A...B...dans la liste des terrains soumis à l'action de l'association communale de chasse agréée de Scey-sur-Saône.

Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal :

4. Le tribunal a annulé l'arrêté attaqué en tant qu'il inclut les terrains de M. A... B... dans la liste des terrains soumis à l'action de l'association communale de chasse agréée de Scey-sur-Saône au motif qu'en s'abstenant de prendre en compte la parcelle cadastrée section F n° 934 dont M.B..., qui en est propriétaire, lui avait rappelé l'existence, et qui portait la superficie totale de ses terrains à une valeur supérieure au seuil de 30 hectares ouvrant droit à opposition, le préfet a méconnu les articles L. 422-10 et L. 422-13 du code de l'environnement.

5. D'une part, aux termes de l'article L. 422-10 du code de l'environnement : " L'association communale est constituée sur les terrains autres que ceux : (...) / 3° Ayant fait l'objet de l'opposition des propriétaires ou détenteurs de droits de chasse sur des superficies d'un seul tenant supérieures aux superficies minimales mentionnées à l'article L. 422-13 ; (...) ". L'article L. 422-13 du même code prévoit : " I. - Pour être recevable, l'opposition des propriétaires ou détenteurs de droits de chasse mentionnés au 3° de l'article L. 422-10 doit porter sur des terrains d'un seul tenant et d'une superficie minimum de vingt hectares. (...). V. - Des arrêtés pris, par département, dans les conditions prévues à l'article L. 422-6 peuvent augmenter les superficies minimales ainsi définies (...) ". Un arrêté ministériel du 25 juin 1971 fixe cette superficie minimale à 30 hectares dans le département de la Haute-Saône. Enfin, selon l'article L. 422-18 de ce code : " L'opposition formulée en application du 3° (...) de l'article L. 422-10 prend effet à l'expiration de la période de cinq ans en cours, sous réserve d'avoir été notifiée six mois avant le terme de cette période. A défaut, elle prend effet à l'expiration de la période suivante. La personne qui la formule la notifie au préfet. (...) ".

6. D'autre part, aux termes de l'article R. 422-55 du code de l'environnement : " Si, pour quelque cause et dans quelque condition que ce soit, un territoire de chasse pour lequel il a été fait opposition en application du 3° de l'article L. 422-10 vient à être morcelé, toute fraction du territoire qui ne justifierait plus à elle seule le droit à opposition est, par arrêté du préfet, à la diligence du président de l'association, (...) comprise immédiatement dans le territoire de l'association (...). / Avant de statuer, le préfet informe le propriétaire, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, du projet d'intégration de son territoire au sein de l'association. Le propriétaire dispose d'un délai de trois mois à compter de la réception de cette lettre pour formuler ses observations ou, le cas échéant, son opposition en application du 5° de l'article L. 422-10 ".

7. Il ressort de ces dispositions qu'à l'issue de la procédure instituée par l'article R. 422-55 du code de l'environnement, les terrains concernés sont immédiatement intégrés dans le territoire de l'association communale, tandis que l'article L. 422-18 prévoit qu'une opposition formulée en application du 3° de l'article L. 422-10 ne prend effet qu'à l'expiration de la période de cinq ans en cours. Par suite, les dispositions de l'article L. 422-18 font obstacle à la prise en compte, pour l'application de l'article R. 422-55, d'une opposition formulée en application du 3° de l'article L. 422-10 et qui, même régulièrement formée et recevable au regard de l'article L. 422-13, et relative à une ou plusieurs parcelles d'un seul tenant, n'a pas encore pris effet à la date de l'arrêté du préfet.

8. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la parcelle n° 934 appartenant à M. A... B... ait fait l'objet d'une opposition, formulée en application du 3° de l'article L. 422-10, qui, à la date de l'arrêté litigieux, avait déjà pris effet en application de l'article L. 422-18. Par conséquent, c'est à tort que, pour annuler l'arrêté attaqué, le tribunal s'est fondé sur le moyen tiré de ce que le préfet a méconnu les articles L. 422-10 et L. 422-13 du code de l'environnement.

9. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B...tant devant le tribunal administratif de Besançon que devant la cour en appel.

Sur les autres moyens soulevés par M.B... :

10. En premier lieu, M. B...soutient que l'arrêté en litige est dépourvu de base légale dès lors que son frère D...ne pouvait pas, au regard de l'article 815-5-1 du code civil régissant les rapports entre les indivisaires, valablement renoncer à son opposition et conclure une convention avec l'association communale en l'absence de mandat ou d'accord de sa part.

11. Toutefois, il est constant que les parcelles formant le territoire de chasse qui a fait l'objet de l'arrêté en litige, initialement propriété indivise des deux frères, ont fait l'objet d'un partage amiable par acte notarié du 15 juin 1983. Il ressort des pièces du dossier, et n'est pas contesté que, du fait de ce partage, le territoire de chasse pour lequel il avait été fait opposition en 1972 a été morcelé en deux fractions distinctes au sens de l'article R. 422-55 du code de l'environnement précité. Par suite, M. B...n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté attaqué est dépourvu de base légale.

12. Au surplus, M. B...ayant, du fait du partage de l'indivision, perdu tout droit de propriété sur les parcelles dévolues à son frère, il ne peut pas utilement faire valoir la nullité des actes effectués par ce dernier sur ces parcelles sans son accord.

13. En deuxième lieu, M. B...soutient que le préfet aurait dû prendre en compte la parcelle n° 934 lui appartenant, au motif que cette parcelle était déjà exclue du territoire de l'association pour en avoir été retirée en 1976, et qu'elle faisait ainsi partie du territoire de chasse morcelé.

14. Aux termes de l'article 44 du décret du 6 octobre 1966 susvisé, alors applicable : " Lorsque le propriétaire d'un terrain acquiert d'autres terrains constituant avec le premier un ensemble d'un seul tenant et dont la superficie dépasse le minimum fixé dans la commune pour ouvrir le droit à opposition, il peut soit exercer ce droit dans le délai imparti à cet effet, soit exiger le retrait du fonds dont il s'agit du territoire de l'association. / Ce retrait s'effectue dans les conditions énoncées aux articles 20 et 21 ". L'article 20 de ce décret prévoit : " Les engagements prévus aux articles 18 et 19 sont conclus pour valoir jusqu'à l'expiration de périodes successives de six années chacune, la première ayant comme point de départ la date d'agrément de l'association communale ". Selon son article 21 : " Le propriétaire ou le détenteur du droit de chasse désirant retirer son apport ne le peut que s'il a fait part de son intention au président de l'association en lui adressant une lettre recommandée avec demande d'avis de réception deux ans au moins avant l'expiration d'une période de six années (...) ". Par ailleurs, le dernier alinéa de l'article 13 du même décret dispose : " Le préfet arrête la liste des terrains devant être soumis à l'action de l'association communale. (...) ".

15. M. B...fait valoir que, par lettre du 31 août 1976, l'indivision a fait part au président de l'association communale de chasse agréée de Scey-sur-Saône de son intention de retirer la parcelle n° 934 du territoire de l'association. Toutefois, il ne produit pas l'accusé de réception de cette lettre, prévu à l'article 21 précité. En outre, l'attestation de M. C...ne saurait suffire à établir que l'association a reçu ce courrier, alors qu'aucune pièce ne permet de vérifier l'identité de son auteur et sa qualité de président de l'association en 1976 et qu'elle a été établie le 24 mars 2016, près de 40 ans plus tard. En tout état de cause, à supposer même que la demande de retrait du 31 août 1976 ait été effectivement transmise à l'association, elle n'a pu qu'être implicitement rejetée dès lors qu'il est constant qu'elle n'a donné lieu à aucune décision explicite de retrait.

16. M. B...n'est ainsi pas fondé à soutenir que, à la date de l'arrêté en litige, la parcelle n° 934 appartenait au territoire de chasse morcelé ayant fait l'objet de la procédure litigieuse.

17. En troisième lieu, M. B...soutient que le préfet aurait dû prendre en compte la parcelle n° 934, ainsi qu'une parcelle n° 896 d'une contenance de 26 ares et 67 centiares, au motif qu'elles forment avec les autres parcelles lui appartenant un ensemble d'un seul tenant d'une contenance totale de 47 hectares, 89 ares et 35 centiares, supérieure au seuil de 30 hectares.

18. Toutefois, il ressort des termes même de l'article R. 422-55 précité que lorsqu'un territoire de chasse pour lequel il a été fait opposition en application du 3° de l'article L. 422-10 vient à être morcelé, chaque fraction de ce territoire résultant de ce morcellement doit remplir à elle seule la condition de superficie prévue par l'article L. 422-13. Les dispositions de l'article R. 422-55 font ainsi obstacle à la prise en compte de parcelles qui n'ont pas fait l'objet d'une opposition en application du 3° de l'article L. 422-10, quand bien même ces parcelles formeraient, avec des parcelles incluses dans ce territoire, un terrain d'un seul tenant.

19. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de la transition écologique et solidaire est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a annulé l'arrêté du préfet de la Haute-Saône du 23 octobre 2015 en tant qu'il inclut les terrains de M. A...B...dans la liste des terrains soumis à l'action de l'association communale de chasse agréée de Scey-sur-Saône. Dès lors, il est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué, ainsi que le rejet de la demande présentée devant le tribunal par M. A...B....

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

20. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y pas lieu à cette condamnation ".

21. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. B...demande au titre des frais exposés par lui en appel et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement no 1502039 du 21 septembre 2017 du tribunal administratif de Besançon est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A...B...devant le tribunal administratif de Besançon est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de la transition écologique et solidaire et à M. A...B....

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Saône.

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N° 17NC02935


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

44-046-04 Nature et environnement.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. MESLAY
Rapporteur ?: M. Philippe REES
Rapporteur public ?: M. FAVRET
Avocat(s) : CADROT MASSON PILATI BRAILLARD SCP

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Date de la décision : 22/11/2018
Date de l'import : 04/12/2018

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 17NC02935
Numéro NOR : CETATEXT000037648980 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2018-11-22;17nc02935 ?
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