Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A...C...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 20 septembre 2017 par lequel le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai.
Par un jugement n° 1705223 du 11 janvier 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 18 mars et 6 août 2018, M. A...C..., représenté par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1705223 du 11 janvier 2018 du tribunal administratif de Strasbourg ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Haut-Rhin du 20 septembre 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai de 15 jours à compter de la notification de la décision à intervenir et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour.
M. C...soutient que :
- le refus de séjour et l'obligation de quitter le territoire français ont été signés par une autorité incompétente ;
- c'est à tort que, pour refuser de l'admettre au séjour, le préfet s'est fondé sur l'insuffisance de sa rémunération ;
- le refus de séjour méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'obligation de quitter le territoire français n'est pas spécifiquement motivée ;
- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision fixant le pays de destination méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 8 juin et 20 août 2018, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par le requérant n'est fondé.
M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 20 février 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991,
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Rees, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A...C..., ressortissant ukrainien né le 28 février 1980, est entré sur le territoire français le 22 mars 2015 sous couvert d'un visa de long séjour en qualité d'artiste. Il s'est ensuite vu délivrer un titre de séjour portant la mention " profession artistique et culturelle ", valable jusqu'au 6 avril 2017. Le 9 juin 2017, il a sollicité un changement de statut en vue de se voir délivrer un titre de séjour en qualité de travailleur temporaire. Par un arrêté du 20 septembre 2017, le préfet du Haut-Rhin a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai.
2. M. C...relève appel du jugement du 11 janvier 2018 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de l'arrêté attaqué :
En ce qui concerne le moyen tiré de l'incompétence, commun aux décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français :
3. M. C...reprend en appel, avec la même argumentation qu'en première instance, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par le tribunal.
En ce qui concerne la décision de refus de séjour :
4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Une carte de séjour temporaire, d'une durée maximale d'un an, autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée à l'étranger : / (...) 2° Pour l'exercice d'une activité salariée sous contrat de travail à durée déterminée (...), dans les conditions prévues à l'article L. 5221-2 [du code du travail]. Cette carte est délivrée pour une durée identique à celle du contrat de travail ou du détachement, dans la limite d'un an. Elle est renouvelée pour une durée identique à celle du contrat de travail ou du détachement. Elle porte la mention " travailleur temporaire " ".
5. Selon l'article L. 5221-2 du code du travail : " Pour entrer en France en vue d'y exercer une profession salariée, l'étranger présente : / (...) 2° Un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail ". L'article R. 5221-20 du même code dispose : " Pour accorder ou refuser l'une des autorisations de travail mentionnées à l'article R. 5221-11, le préfet prend en compte les éléments d'appréciation suivants : / (...) 6° le salaire proposé à l'étranger qui, même en cas d'emploi à temps partiel, est au moins équivalent à la rémunération minimale mensuelle mentionnée à l'article L. 3232-1 ". L'article L. 3232-1 prévoit: " Tout salarié dont l'horaire de travail est au moins égal à la durée légale hebdomadaire, perçoit, s'il n'est pas apprenti, une rémunération au moins égale au minimum fixé dans les conditions prévues à la section 2. (...) ". Enfin, selon l'article L. 3232-3 : " La rémunération mensuelle minimale est égale au produit du montant du salaire minimum de croissance tel qu'il est fixé en application des articles L. 3231-2 à L. 3231-12, par le nombre d'heures correspondant à la durée légale hebdomadaire pour le mois considéré. (...) ". Il résulte de ces dispositions que, pour remplir la condition fixée par le 6° de l'article R. 5221-20 pour la délivrance d'une autorisation de travail, la rémunération mensuelle proposée à l'étranger doit être au moins égale au montant mensuel du salaire minimum de croissance calculé sur la base la durée légale hebdomadaire, quand bien même l'emploi proposé comporterait une durée de travail inférieure à cette durée légale.
6. Il ressort des pièces du dossier que la demande d'autorisation de travail présentée par l'entreprise " hôtel-restaurant-logis Wetterer " au profit de M. C...prévoyait une rémunération mensuelle de 1 058,35 euros bruts, inférieure à la rémunération minimale mensuelle mentionnée à l'article L. 3232-1 et dont le montant s'établissait, en 2017, à la somme de 1 480,27 euros. En vertu de ce qui a été indiqué au point précédent, M. C...ne peut pas utilement faire valoir que, compte tenu de la durée hebdomadaire de travail de 25 heures qui lui était proposée, le taux de sa rémunération horaire était égal à celui du salaire minimum de croissance.
7. Dès lors, le préfet a pu, à bon droit, se fonder sur l'absence de contrat de travail répondant aux conditions posées par l'article L. 5221-2 précité pour rejeter la demande de titre de séjour de M.C....
8. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1 - Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance - 2 - Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ".
9. Il ressort des pièces du dossier que M. C...est entré en France en 2015, soit deux ans et demi seulement avant l'arrêté attaqué. S'il fait valoir que son épouse et ses quatre enfants y résident, il n'apporte aucun élément à l'appui de cette affirmation alors que, dans sa demande de changement de statut établie le 8 juin 2017, il les déclarait comme vivant en Ukraine. En tout état de cause, à supposer qu'ils l'aient rejoint en France postérieurement à cette déclaration, il est constant qu'ils n'y séjournent pas en situation régulière. Par ailleurs, l'insertion sociale et professionnelle dont il se prévaut dans la société française ne peut qu'être récente et les éléments qu'il produit ne suffisent pas à établir qu'elle présente une intensité particulière. Dans ces conditions, M. C...n'est pas fondé à soutenir qu'en refusant de lui délivrer un titre de séjour, le préfet a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a pris sa décision. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précités ne peuvent qu'être écartés.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
10. En premier lieu, la décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français n'a pas, en vertu du dernier alinéa du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour. Le moyen tiré de ce que la mesure d'éloignement litigieuse ne comporte aucune motivation spécifique ne peut, dès lors, qu'être écarté comme inopérant.
11. En second lieu, les moyens tirés de ce que le préfet a méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de ce que le requérant ne pouvait pas faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français dès lors qu'il pouvait prétendre de plein droit à la délivrance d'un titre de séjour en application du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peuvent, pour les mêmes raisons que celles indiquées au point 9, qu'être écartés.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
12. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".
13. En se bornant à faire état, sans plus de précision, de la situation de crise existante en Ukraine, M. C...n'établit pas qu'il serait, en cas de retour dans ce pays, susceptible d'y subir un traitement prohibé par les stipulations et dispositions précitées.
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'annulation ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A...C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.
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N° 18NC00741