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04/10/2018 | FRANCE | N°17NC02003

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 04 octobre 2018, 17NC02003


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...E...née B...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 31 mars 2017 par lequel le préfet du Haut-Rhin a décidé le retrait de son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 1702252 du 13 juillet 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé cet arrêté.

Procé

dure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 4 août 2017, complétée par un mémoire en...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...E...née B...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 31 mars 2017 par lequel le préfet du Haut-Rhin a décidé le retrait de son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 1702252 du 13 juillet 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé cet arrêté.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 4 août 2017, complétée par un mémoire enregistré le 26 juillet 2018, le préfet du Haut-Rhin demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 13 juillet 2017 ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme E...devant le tribunal administratif de Strasbourg.

Le préfet soutient que :

- la communauté de vie entre Mme E...et son époux étant rompue, il était fondé à procéder au retrait du titre de séjour dont l'intéressée bénéficiait en sa qualité de conjointe d'un ressortissant français ;

- Mme E...n'a jamais sollicité la délivrance d'un titre de séjour autre que le titre " conjoint de Français " qu'elle détenait ;

- elle ne justifie pas de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels lui permettant d'être admise au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- Mme E...ne remplissant plus les conditions pour prétendre à la délivrance d'un titre de séjour, il n'avait pas à saisir la commission du titre de séjour avant de procéder au retrait de son titre de séjour.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 4 et 13 juillet et 2 août 2018, MmeE..., représentée par MeD..., demande à la cour :

- de rejeter la requête ;

- d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, subsidiairement, de réexaminer sa situation dans le même délai et de lui délivrer durant le temps de ce réexamen une autorisation provisoire de séjour ;

- de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à Me D...sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Mme E...soutient que :

- elle n'a jamais réceptionné le courrier de la préfecture l'informant de ce que le préfet envisageait de lui retirer son titre de séjour ;

- le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision portant retrait de titre de séjour sur sa situation personnelle ;

- elle pouvait prétendre au renouvellement de son titre de séjour " conjoint de français " dès lors que la rupture de la communauté de vie résulte des violences conjugales commises par son époux ;

- elle pouvait prétendre à la délivrance d'un titre de séjour sur un autre fondement du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision portant retrait de titre de séjour est entachée d'un vice de procédure, le préfet n'ayant pas sollicité l'avis de la commission du titre de séjour.

Par ordonnance du 30 juillet 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 14 août 2018.

Un mémoire présenté pour le préfet du Haut-Rhin a été enregistré le 16 août 2018.

Mme E...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 24 mai 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Laubriat, premier conseiller,

- et les observations de Me C...substituant MeD..., pour MmeE....

Considérant ce qui suit :

1. Mme A...B..., ressortissante marocaine, a épousé au Maroc le 31 juillet 2014 un ressortissant français, M.E.... Elle est entrée le 7 mai 2015 sur le territoire français sous couvert d'un visa de long séjour qui lui avait été délivré en sa qualité de conjointe d'un ressortissant français. En avril 2016, elle a bénéficié de la délivrance d'une carte de séjour temporaire valable jusqu'au 26 avril 2017. Le préfet du Haut-Rhin, informé par M. E...de la séparation du couple, a, par un arrêté du 31 mars 2017, décidé le retrait de la carte de séjour temporaire " conjointe de Français " dont bénéficiait MmeE..., lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office à l'expiration de ce délai. Le préfet du Haut-Rhin fait appel du jugement du 13 juillet 2017 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a annulé son arrêté du 31 mars 2017.

Sur le bien fondé du jugement attaqué :

2. Il ressort des pièces du dossier que MmeE..., née en 1993, ne séjournait en France que depuis moins de deux ans à la date d'édiction de l'arrêté en litige. Séparée de son époux depuis le 30 juillet 2016, elle est désormais dépourvue de tout lien familial en France. Elle n'établit pas ni même n'allègue ne pas avoir d'attache familiale dans son pays d'origine. S'il est constant qu'elle occupe un emploi à temps plein de garde d'enfants à domicile, cet emploi est récent puisqu'elle a été embauchée seulement le 1er mars 2017, soit tout juste un mois avant l'arrêté en litige. Dans ces conditions, c'est à tort que, pour annuler l'arrêté du 31 mars 2017, le tribunal administratif s'est fondé sur la circonstance que le préfet aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cet arrêté sur la situation personnelle et familiale de Mme E....

Sur la légalité de l'arrêté du 31 mars 2017 :

3. Il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme E...devant le tribunal administratif de Strasbourg et devant la cour.

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable. ". L'article L. 122.1 du même code dispose : " Les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix. (...) ".

5. Il ressort des pièces du dossier que par un courrier recommandé du 6 février 2017 adressée à l'adresse communiquée par Mme E...aux services de la préfecture, le préfet du Haut-Rhin a informé cette dernière de ce qu'il envisageait de procéder, en application de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, au retrait du titre de séjour dont elle bénéficiait et l'a invitée à présenter ses observations. Il ressort également de l'avis de réception postal produit par le préfet que MmeE..., avisée de la mise à disposition de ce pli, ne s'est pas présentée auprès du guichet postal pour le récupérer. Par suite, MmeE..., à qui il appartenait en tout état de cause, par application de l'article R. 321-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de signaler à la préfecture un éventuel changement de domicile, n'est pas fondée à se plaindre de ce qu'elle n'aurait pas réceptionné ce pli et à soutenir que l'arrêté attaqué aurait été pris en méconnaissance des dispositions précitées des articles L. 122-1 et L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 311-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le titre de séjour est retiré : (...) 8° Si l'étranger titulaire de la carte de séjour temporaire ou de la carte de séjour " pluriannuelle " cesse de remplir l'une des conditions exigées pour sa délivrance. (...) ". L'article L. 313-11 du même code dispose : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ; (...) ". Aux termes de l'article L. 313-12 du même code : " (...) Le renouvellement de la carte de séjour délivrée au titre du 4° de l'article L. 313-11 est subordonné au fait que la communauté de vie n'ait pas cessé, sauf si elle résulte du décès du conjoint français. Toutefois, lorsque l'étranger a subi des violences familiales ou conjugales et que la communauté de vie a été rompue, l'autorité administrative ne peut procéder au retrait du titre de séjour de l'étranger et en accorde le renouvellement. En cas de violence commise après l'arrivée en France du conjoint étranger mais avant la première délivrance de la carte de séjour temporaire, le conjoint étranger se voit délivrer, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale". (...) ".

7. Il ressort des pièces du dossier que par un courrier du 10 janvier 2017, M. E...a informé le préfet du Haut-Rhin de ce qu'il était séparé de son épouse depuis le 30 juillet 2016. Mme E... ne conteste pas la rupture de la communauté de vie. Elle soutient toutefois que le 11 septembre 2016, à son retour d'un voyage au Maroc, elle n'a pu regagner le domicile conjugal, son mari ayant, dans l'intervalle, changé la serrure de la porte d'entrée. Elle indique également qu'il aurait à cette occasion levé la main sur elle. Ses allégations ne sont toutefois pas établies par les pièces du dossier. Il ressort en effet de l'historique établi par la gendarmerie de Wittelsheim que la patrouille envoyée au domicile de M. E...le 11 septembre 2016 n'a relevé aucune violence et a jugé la situation calme. Par ailleurs, si Mme E...se prévaut du dépôt le 12 juin 2018 d'une main courante auprès du commissariat de police de Mulhouse à l'encontre de son mari pour des faits de menaces et d'injures, elle ne donne aucune indication sur la date des faits allégués pas plus que sur le sort réservé à cette main courante. Les éléments produits par Mme E...ne suffisant pas à tenir pour établies les violences conjugales dont elle dit avoir été victime, elle n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté du préfet du Haut-Rhin du 31 mars 2017 aurait été édicté en méconnaissance des dispositions précitées des articles L. 313-11 4° et L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 311-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Tout étranger, âgé de plus de dix-huit ans ou qui sollicite un titre de séjour en application de l'article L. 311-3, est tenu de se présenter, à Paris, à la préfecture de police et, dans les autres départements, à la préfecture ou à la sous-préfecture, pour y souscrire une demande de titre de séjour du type correspondant à la catégorie à laquelle il appartient. Toutefois (...) Le préfet peut également prescrire : 1° Que les demandes de titre de séjour appartenant aux catégories qu'il détermine soient adressées par voie postale ". Il résulte de ces dispositions que, pour introduire valablement une demande de carte de séjour, le ressortissant étranger doit se présenter physiquement auprès des services de la préfecture, sauf si l'exception prévue à l'article R. 311-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile trouve à s'appliquer.

9. Il ressort des pièces du dossier que par un courrier du 18 avril 2017, le conseil de Mme E... a sollicité du préfet du Haut-Rhin la délivrance d'une carte de séjour temporaire. Ce courrier, qui ne saurait à lui seul valoir demande de titre de séjour, est en tout état de cause postérieur à l'arrêté attaqué du 31 mars 2017. Par suite, Mme E...n'est pas fondée à soutenir qu'antérieurement à l'arrêté en litige du 31 mars 2017, elle aurait déposé une demande de titre de séjour sur un autre fondement que celui de conjointe de Français.

10. En quatrième et dernier lieu, aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour (...) ". L'article L. 312-2 dispose : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3. (...) ".

11. Il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues à l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions.

12. Mme E...n'étant pas au nombre des étrangers pouvant obtenir de plein droit un titre de séjour en application de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'était pas tenu, en application de l'article L. 312-2, de soumettre son cas à la commission du titre de séjour avant de procéder au retrait de la carte de séjour temporaire dont elle bénéficiait.

13. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Haut-Rhin est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé son arrêté du 31 mars 2017.

Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que Mme E...demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1702252 du 13 juillet 2017 du tribunal administratif de Strasbourg est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme E...née B...devant le tribunal administratif de Strasbourg ainsi que ses conclusions présentées devant la cour sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme A...E...néeB....

Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.

2

N° 17NC02003


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17NC02003
Date de la décision : 04/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. MESLAY
Rapporteur ?: M. Alain LAUBRIAT
Rapporteur public ?: M. FAVRET
Avocat(s) : MARGUET

Origine de la décision
Date de l'import : 16/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2018-10-04;17nc02003 ?
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