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28/06/2018 | FRANCE | N°17NC01867

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 28 juin 2018, 17NC01867


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile d'exploitation agricole (SCEA) de la Combe Martinet a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler, d'une part la décision du 23 avril 2015 par laquelle le préfet de la Haute-Marne a prononcé la déchéance partielle de ses droits à l'aide relative au dispositif agroenvironnemental de conversion à l'agriculture biologique, a prononcé des pénalités à son encontre et lui a ordonné le reversement des sommes indûment perçues, d'autre part la décision implicite d

e rejet de son recours hiérarchique.

Par un jugement n° 1501897 du 20 juin 2017,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile d'exploitation agricole (SCEA) de la Combe Martinet a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler, d'une part la décision du 23 avril 2015 par laquelle le préfet de la Haute-Marne a prononcé la déchéance partielle de ses droits à l'aide relative au dispositif agroenvironnemental de conversion à l'agriculture biologique, a prononcé des pénalités à son encontre et lui a ordonné le reversement des sommes indûment perçues, d'autre part la décision implicite de rejet de son recours hiérarchique.

Par un jugement n° 1501897 du 20 juin 2017, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 26 juillet 2017, la SCEA de la Combe Martinet, représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 20 juin 2017 ;

2°) d'annuler la décision du préfet de la Haute-Marne du 23 avril 2015 ainsi que la décision implicite rejetant son recours hiérarchique ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La SCEA de la Combe Martinet soutient que :

- le retrait par le préfet de sa précédente décision datée du 12 février 2013 faisait obstacle à ce que le préfet reprenne une nouvelle décision ayant le même objet que celle du 12 février 2013, sauf à méconnaître son droit à un recours juridictionnel effectif ;

- elle est de bonne foi, elle n'a procédé à un échange de parcelles qu'à la demande et dans l'intérêt du lycée agricole de Chaumont et cet échange n'a pas entraîné une diminution des surfaces qu'elle exploite.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 mars 2018, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation conclut au rejet de la requête.

Le ministre soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 29 mars 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 12 avril 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (CE) n° 1698/2005 du Conseil du 20 septembre 2005 ;

- le règlement (UE) n° 65/2011 de la Commission européenne du 27 janvier 2011 ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Laubriat, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Favret, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Le 12 mai 2010, la SCEA de la Combe Martinet, dont le siège social est situé à Verbiesles dans le département de la Haute-Marne, a déposé une demande en vue de bénéficier de paiements agroenvironnementaux au titre du dispositif de soutien à la conversion à l'agriculture biologique institué par la France sur le fondement des articles 36 à 39 du règlement (CE) n° 1698/2005 du Conseil du 20 septembre 2005. Par une décision du 19 juillet 2011, le préfet de la Haute-Marne a octroyé à la SCEA de la Combe Martinet le bénéfice d'une aide relative au dispositif agroenvironnemental dit CAB 2010. En contrepartie de cette aide, la SCEA s'engageait à respecter les contraintes liées au cahier des charges de ce dispositif sur une période de 5 ans courant à compter du 17 mai 2010 jusqu'au 14 mai 2015. Lors d'un contrôle administratif réalisé en 2012, la direction départementale des territoires a constaté des écarts, pour certains îlots, entre les surfaces sur lesquelles la SCEA s'était engagée et les surfaces effectivement exploitées. Après mise en oeuvre de la procédure contradictoire, le préfet a, par une décision du 23 avril 2015, prononcé la déchéance partielle des droits de la SCEA à l'aide relative au dispositif agroenvironnemental de conversion à l'agriculture biologique, lui a infligé des pénalités et ordonné le reversement des sommes indûment perçues. Le 11 juin 2015, la SCEA a formé un recours hiérarchique auprès du ministre de l'agriculture qui a été implicitement rejeté le 11 août 2015. La SCEA de la Combe Martinet fait appel du jugement du 20 juin 2017 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Haute-Marne du 23 avril 2015 ainsi que de la décision implicite de rejet de son recours hiérarchique.

Sur le moyen tiré de la méconnaissance du droit au recours de la société requérante ;

2. Il ressort des pièces du dossier que par un courrier du 12 février 2013, notifié le 1er mars 2013, le préfet de la Haute-Marne avait déjà attribué à la SCEA de la Combe Martinet une aide au titre des terres arables d'un montant de 23 274 euros correspondant à une aide de 28 230 euros diminuée de pénalités d'un montant de 4 956 euros. Alors que la SCEA avait sollicité le 17 juillet 2013 auprès du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne l'annulation de cette décision, le préfet, conscient de ce que sa décision était entachée d'un défaut de motivation, l'a retirée le 13 mai 2014 et le tribunal administratif a prononcé un non lieu à statuer sur la demande de la SCEA.

3. En premier lieu, en prononçant par la décision contestée du 23 avril 2015 la déchéance partielle des droits de la SCEA à l'aide relative au dispositif agroenvironnemental de conversion à l'agriculture biologique et en lui infligeant des pénalités le préfet de la Haute-Marne s'est borné à tirer les conséquences du contrôle administratif réalisé en 2012 sans opérer, contrairement à ce que soutient la société requérante, un nouveau contrôle.

4. En second lieu, le retrait par le préfet de sa précédente décision du 12 février 2013 pour vice de forme ne faisait pas obstacle à ce qu'il reprenne le 23 avril 2015 une nouvelle décision ayant le même objet. Par suite, la SCEA de la Combe Martinet, qui a pu valablement solliciter l'annulation de cette décision dans le cadre du présent litige, n'est pas fondée à soutenir qu'en prenant une nouvelle décision le préfet l'a privée de son droit à un recours effectif.

Sur le moyen tiré de l'erreur d'appréciation :

5. Aux termes de l'article D. 341-7 du code rural et de la pêche maritime dans sa rédaction alors applicable : " Les paiements agroenvironnementaux mentionnés à l'article 39 du règlement (CE) n° 1698/2005 du Conseil du 20 septembre 2005 concernant le soutien au développement rural par le Fonds européen agricole pour le développement rural sont accordés aux personnes mentionnées à l'article D. 341-8 qui souscrivent des engagements agroenvironnementaux en vue de mettre en oeuvre une ou plusieurs mesures en faveur de la protection et de l'amélioration de l'environnement. / Un engagement agroenvironnemental est souscrit pour une durée minimale de cinq ans et maximale de sept ans. / Les mesures qui peuvent être mises en oeuvre au titre d'un engagement agroenvironnemental sont énumérées dans les dispositifs dits " nationaux ", " déconcentrés à cahier des charges national " et " déconcentrés zonés " décrits dans les programmes de développement rural adoptés en application de l'article 15 du règlement (CE) n° 1698/2005 susmentionné. (...)Chaque mesure agroenvironnementale fait l'objet d'un cahier des charges, qui précise : -les objectifs poursuivis ; -le champ d'application de la mesure ; -le cas échéant, les critères d'éligibilité spécifiques ; -les obligations agroenvironnementales ; -les paiements susceptibles d'être versés en contrepartie des mesures souscrites ; -les modalités de contrôle et les sanctions encourues. (...) / Les modalités d'application du présent article sont précisées par arrêté conjoint du ministre chargé de l'agriculture, du ministre chargé du budget et du ministre chargé de l'écologie ". Aux termes de l'article D. 341-10 du code rural et de la pêche maritime : " A compter de la date limite de dépôt de la demande et pendant toute la durée de son engagement, le bénéficiaire est tenu de respecter : (...) 4° Les obligations fixées dans les cahiers des charges des différentes mesures agroenvironnementales souscrites. ". L'article D. 341-15 du même code dispose : " Lorsque le bénéficiaire ne respecte pas les obligations définies au 4° de l'article D. 341-10, le préfet réduit le montant ou refuse les paiements annuels. / La réduction des paiements est déterminée en fonction de la gravité, de l'étendue et du caractère persistant du manquement constatés, tels que définis aux articles 16, paragraphes 2 à 7,17 et 18 du règlement (UE) n° 65/2011 de la Commission du 27 janvier 2011 susmentionné, selon des modalités définies par arrêté conjoint des ministres chargés de l'agriculture, du budget et de l'écologie / (...). ". L'article 16 du règlement (UE) n° 65/2011 de la Commission du 27 janvier 2011 portant modalités d'application du règlement (CE) n° 1698/2005 du Conseil en ce qui concerne l'application de procédures de contrôle et de conditionnalité pour les mesures de soutien au développement rural dispose : " (...) Si la superficie déclarée dans la demande de paiement est supérieure à la superficie déterminée pour ce groupe de cultures, l'aide est calculée sur la base de la superficie déterminée pour ce groupe de cultures. (...) Dans le cas visé au paragraphe 3, deuxième alinéa, le montant de l'aide est calculé sur la base de la superficie déterminée, réduite du double de la différence constatée, si celle-ci dépasse 3 % ou deux hectares, mais n'excède pas 20 % de la superficie déterminée. Si la différence constatée est supérieure à 20 % de la surface déterminée, aucune aide n'est accordée pour le groupe de cultures considéré (...) ".

6. Pour contester le montant de l'aide qui lui a été attribuée, la SCEA de la Combe Martinet fait valoir qu'elle est de bonne foi, qu'elle n'a jamais dissimulé la date de prise d'effet de son engagement de conversion à l'agriculture biologique, qu'elle n'a procédé à un échange de parcelles qu'à la demande et dans l'intérêt du lycée agricole de Chaumont et que cet échange n'aurait pas entraîné une diminution de ses surfaces d'exploitation.

7. Il ressort des pièces du dossier que dans le cadre de la déclaration qu'elle a souscrite le 12 mai 2010, la SCEA de la Combe Martinet s'était engagée à convertir 153 ha 54 ares de terres arables à l'agriculture biologique. Le 14 mai 2012, la requérante a transmis au service de la préfecture de la Haute-Marne sa déclaration annuelle du respect de ses engagements faisant état d'une demande d'aide à la conversion à l'agriculture biologique de 141 ha 15 ares de terres arables, soit un écart de 12 ha 39 au titre de l'année 2012 entre les surfaces qu'elle s'était engagée à convertir et celles effectivement converties. Si la SCEA fait valoir que l'échange de parcelles auquel elle a procédé avec le lycée agricole de Chaumont n'a pas entraîné de diminution de surface, elle n'apporte aucun élément de nature à l'établir alors que c'est elle-même qui a déclaré n'exploiter en conversion que 141 ha 15 de terres arables au lieu des 153 ha 54 ares auxquels elle s'était engagée. Cet écart étant supérieur au seuil prévu à l'article 16 précité du règlement n° 65/2011 de 3 % de la superficie déterminée, le montant de l'aide auquel la requérante pouvait prétendre devait être calculé sur la base de la superficie déterminée -soit en l'espèce 141 ha 15 ares- réduite du double de la différence constatée, soit 24 ha 78 ares. En accordant une aide calculée sur une superficie de 116 ha et 37 ares, le préfet n'a donc pas commis d'erreur d'appréciation. La circonstance que la SCEA soit de bonne foi est sans incidence, les modalités de calcul de l'aide en cas d'écart entre la superficie déclarée et la superficie effectivement exploitée étant déterminées par l'article 16 du règlement (UE) n° 65/2011de la Commission du 27 janvier 2011 qui ne laisse aucune marge d'appréciation aux autorités nationales. Est également sans incidence la circonstance que la SCEA n'ait jamais dissimulé avoir commencé son processus de conversion en juillet 2010 et non comme prévu en mai 2010 dès lors que ce n'est pas ce manquement qui a donné lieu à déduction de pénalités sur le montant de l'aide auquel elle aurait pu prétendre.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la SCEA de la Combe Martinet n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

Par ces motifs,

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SCEA de la Combe Martinet est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile d'exploitation agricole de la Combe Martinet et au ministre de l'agriculture et de l'alimentation.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Marne.

2

N° 17NC01867


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17NC01867
Date de la décision : 28/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

03-03-05-01 Agriculture et forêts. Exploitations agricoles. Aides à l'exploitation.


Composition du Tribunal
Président : Mme STEFANSKI
Rapporteur ?: M. Alain LAUBRIAT
Rapporteur public ?: M. FAVRET
Avocat(s) : SCP WILHELEM - BOURRON - WILHELEM

Origine de la décision
Date de l'import : 10/07/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2018-06-28;17nc01867 ?
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