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07/06/2018 | FRANCE | N°17NC01930

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 07 juin 2018, 17NC01930


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...D...et son épouse Mme F...D...ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 1er décembre 2014 par laquelle la commission départementale d'aménagement foncier de la Moselle a, dans le cadre d'opérations d'aménagement foncier sur le territoire de la commune de Marthille, modifié leur compte de propriété n° 320.

Par un jugement no 1501733 du 1er juin 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision attaquée.

Procédure devant la cour

:

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 28 juillet et 22 novembre 2017 et 16 ja...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...D...et son épouse Mme F...D...ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 1er décembre 2014 par laquelle la commission départementale d'aménagement foncier de la Moselle a, dans le cadre d'opérations d'aménagement foncier sur le territoire de la commune de Marthille, modifié leur compte de propriété n° 320.

Par un jugement no 1501733 du 1er juin 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision attaquée.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 28 juillet et 22 novembre 2017 et 16 janvier 2018, le département de la Moselle, représenté par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement no 1501733 du 1er juin 2017 du tribunal administratif de Strasbourg ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. et Mme D...;

3°) de condamner M. et Mme D...à lui verser une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Le département de la Moselle soutient que :

- la décision de la commission départementale d'aménagement foncier n'ayant été contestée qu'en tant qu'elle a porté sur le compte de propriété n° 320, les autres attributions sont devenues définitives ; par suite, la remise en cause des attributions du compte de propriété n° 320 est sans intérêt ;

- M. D...ne peut pas critiquer le classement de sa parcelle d'attribution dès lors qu'il était membre de la commission communale d'aménagement foncier qui a procédé au classement des parcelles d'apport et d'attribution, lequel a été validé à l'unanimité, après consultation des propriétaires, et n'a fait l'objet d'aucune réclamation ;

- l'attribution décidée au profit du compte de propriété n° 320 respecte la règle d'équivalence en points et en surfaces fixée par l'article L. 123-4 du code rural et de la pêche maritime ;

- contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, qui a inversé la charge de la preuve, les époux D...ont bénéficié d'une amélioration de leurs conditions d'exploitation dès lors qu'ils ont reçu une grande parcelle d'attribution en échange de trois parcelles d'apport, que cette parcelle s'est rapprochée de plus de 700 mètres de leur centre d'exploitation, qu'elle est, pour sa plus grande partie, peu pentue et parfaitement exploitable, que son classement a été fixé en tenant compte de son relief et qu'il n'est pas démontré qu'elle est affectée par la présence d'une décharge.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 14 novembre et 28 décembre 2017, M. et MmeD..., représentés par MeE..., concluent au rejet de la requête et à la condamnation du département de la Moselle à leur verser une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. et Mme D...soutiennent qu'aucun des moyens soulevés par le requérant n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Rees, premier conseiller,

- les conclusions de M. Favret, rapporteur public,

- et les observations de Me A...pour le département de la Moselle, ainsi que celles de Me E...pour M. et MmeD....

Considérant ce qui suit :

1. Dans le cadre des opérations d'aménagement foncier ordonnées sur le territoire de la commune de Marthille, la commission départementale d'aménagement foncier de la Moselle, statuant sur une réclamation introduite par M. C...G..., a modifié le compte de propriété n° 320 de M. et Mme D...en leur attribuant, en échange de leurs trois parcelles d'apport, une unique parcelle cadastrée section 11 n° 1042.

2. Le département de la Moselle relève appel du jugement du 1er juin 2017 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision de la commission départementale d'aménagement foncier de la Moselle en tant qu'elle a modifié le compte de propriété n° 320 de M. et MmeD....

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la recevabilité de la demande présentée devant le tribunal :

3. Le département fait valoir que la demande présentée par M. et Mme D...devant le tribunal est sans objet ou intérêt dès lors qu'ils ont choisi de ne remettre en cause que les attributions de leur propre compte et que les attributions des autres comptes sont ainsi devenues définitives.

4. Toutefois dès lors que la décision de la commission départementale d'aménagement foncier a pour objet de modifier la situation de M. et Mme D...en leur attribuant une nouvelle parcelle en échange de leurs trois parcelles d'apport, elle fait grief à ces derniers. Par ailleurs, ils n'ont qualité pour la contester qu'en tant qu'elle concerne leur propre compte de propriété. Enfin, en vertu des articles L. 121-10 et L. 121-11 du code rural et de la pêche maritime, lorsque le juge administratif annule une décision de la commission départementale d'aménagement foncier, celle-ci est tenue, afin d'exécuter la chose jugée, de se prononcer à nouveau sur l'ensemble des attributions concernées, qui sont ainsi susceptibles d'être remises en cause.

5. Par conséquent, le département de la Moselle n'est pas fondé à soutenir que la demande présentée par M. et MmeD..., qui n'est dépourvue ni d'objet ni de portée utile, serait irrecevable.

En ce qui concerne la légalité de la décision attaquée :

6. Aux termes des dispositions de l'article L. 123-1 du code rural et de la pêche maritime : " Le remembrement applicable aux propriétés rurales non bâties, se fait au moyen d'une nouvelle distribution des parcelles morcelées et dispersées. Il a principalement pour but, par la constitution d'exploitations rurales d'un seul tenant ou à grandes parcelles bien groupées, d'améliorer l'exploitation agricole des biens qui y sont soumis ".

7. En premier lieu, si le département fait valoir que le classement des terres établi par la commission communale d'aménagement foncier de Marthille n'a fait l'objet d'aucune contestation et que la règle d'équivalence en surfaces et en points posée par l'article L. 123-4 du code rural et de la pêche maritime a été respectée, ces circonstances sont sans incidence pour l'application de l'article L. 123-1 du même code.

8. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que M. et Mme D...ont apporté au compte de propriété n° 320 trois parcelles, formant deux îlots éloignés l'un de l'autre, et situés en moyenne à 6,9 kilomètres de leur centre d'exploitation. En échange, ils ont reçu une parcelle d'un seul tenant située à 6,14 kilomètres de leur centre d'exploitation.

9. Cette parcelle, que le précédent propriétaire exploitait en pré pour la pâture de son élevage de bovins, est composée de deux larges parties de forme trapézoïdale, reliées entre elles par une partie plus étroite. Il ressort des pièces du dossier, notamment des plans topographiques produits par M. et MmeD..., que le relief de la parcelle est très irrégulier, avec de nombreux dévers en tous sens. La parcelle comporte des pentes de plus de 10 % sur environ la moitié de sa superficie et de plus de 15 % sur trois vastes zones, dont la partie centrale où la déclivité des pentes atteint par endroits plus de 25 % à la jonction entre les deux parties trapézoïdales. Le relief de la parcelle est ainsi de nature à en rendre difficile l'exploitation en culture céréalière par les engins mécaniques de M. et MmeD..., tout particulièrement au niveau de sa partie centrale et pour le passage de l'une à l'autre des deux parties trapézoïdales. En comparaison, s'il est constant que l'une des trois parcelles d'apport comporte également une forte pente, il n'est pas contesté que cette pente est régulière et que son exploitation par des engins mécaniques ne présente dès lors pas de difficulté particulière. Au total, il ressort des pièces du dossier que les avantages procurés par le regroupement parcellaire et le rapprochement du centre d'exploitation ne suffisent pas à compenser les difficultés d'exploitation induites, pour l'activité agricole de M. et MmeD..., par le relief de la parcelle d'attribution.

10. Dans ces conditions, le département de la Moselle n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal s'est fondé sur le moyen tiré de ce que la décision litigieuse a pour effet d'aggraver les conditions d'exploitation de M. et Mme D...et méconnaît ainsi les dispositions de l'article L. 123-1 du code rural et de la pêche maritime précité.

11. Il résulte de tout ce qui précède que le département de la Moselle n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision litigieuse. Dès lors, ses conclusions à fin d'annulation ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y pas lieu à cette condamnation ".

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. et Mme D...qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, la somme que le département de la Moselle demande au titre des frais exposés par lui en appel et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge du département de la Moselle une somme de 1 500 euros à verser à M. et Mme D...au titre de ces mêmes dispositions.

Par ces motifs,

D E C I D E :

Article 1er : La requête du département de la Moselle est rejetée.

Article 2 : Le département de la Moselle versera à M. et Mme D...une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au département de la Moselle et à M. B...D...et à Mme F...D....

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N° 17NC01930


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17NC01930
Date de la décision : 07/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

03-04-02-005 Agriculture et forêts. Remembrement foncier agricole. Attributions et composition des lots. Amélioration des conditions d'exploitation.


Composition du Tribunal
Président : M. MESLAY
Rapporteur ?: M. Philippe REES
Rapporteur public ?: M. FAVRET
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS ASSOCIÉS KARM - ZAIGER

Origine de la décision
Date de l'import : 12/06/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2018-06-07;17nc01930 ?
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