Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme C...et Marilyne D...ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler le titre exécutoire émis à leur encontre le 2 décembre 2014 par le maire de la commune d'Ittenheim, pour un montant de 6 994,61 euros, et de les décharger de l'obligation de régler cette somme.
Par un jugement no 1500803 du 17 mai 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé le titre exécutoire et a entièrement déchargé M. et Mme D...de l'obligation de payer.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 11 juillet et 31 octobre 2017, la commune d'Ittenheim, représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement no 1500803 du 17 mai 2017 du tribunal administratif de Strasbourg ;
2°) de rejeter la demande de M. et Mme D...;
3°) de condamner M. et Mme D...à lui verser une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La commune d'Ittenheim soutient que :
- le jugement est irrégulier en ce qu'il n'a pas été signé par le magistrat compétent ;
- la taxe de riverain mise à la charge de M. et Mme D...correspond à des travaux de premier établissement d'une voie au sens de l'article 4 de la loi du 21 mai 1879 dès lors que la voie préexistante n'avait pas les caractéristiques d'une voie urbaine ;
- la taxe de riverain prévue par l'article 4 de la loi du 21 mai 1879 est applicable sur le territoire de la commune d'Ittenheim ;
- la somme mise à la charge de M. et Mme D...correspond à la quote-part des frais de réalisation de la voie, calculée en tenant compte des deux côtés de celle-ci et de la longueur de façade de leur terrain.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 octobre 2017, M. et Mme C...et MarilyneD..., représentés par MeE..., concluent au rejet de la requête et à la condamnation de la commune d'Ittenheim à leur verser une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. et Mme D...soutiennent qu'aucun des moyens soulevés par la commune n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- la loi locale du 21 mai 1879 portant restriction à la liberté de construire dans les nouveaux quartiers de Strasbourg ;
- la loi locale du 6 janvier 1892 portant restriction à la liberté de construire ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Rees, premier conseiller,
- les conclusions de M. Favret, rapporteur public,
- et les observations de MeB..., pour la commune d'Ittenheim.
Considérant ce qui suit :
1. A la suite de travaux de voirie réalisés en 2014 rue du Stade, le conseil municipal de la commune d'Ittenheim a, par une délibération du 24 novembre 2014, décidé d'appliquer la taxe de riverains prévue par la loi locale du 21 mai 1879 et fixé son taux. En vue du recouvrement de cette taxe, le maire a émis, le 2 décembre 2014, un titre exécutoire d'un montant de 6 994,61 euros à l'encontre de M. et MmeD..., propriétaires d'une maison riveraine de la rue du Stade.
2. La commune d'Ittenheim relève appel du jugement du 17 mai 2017 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a annulé ce titre exécutoire.
Sur la régularité du jugement :
3. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation du jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ".
4. Il ressort des pièces du dossier de première instance que la minute du jugement attaqué comporte la signature du président de la formation de jugement, celle du rapporteur et celle du greffier d'audience. La circonstance que l'ampliation du jugement notifiée à la requérante ne comporte pas la signature des magistrats qui l'ont rendu est sans incidence sur sa régularité. Ainsi, le moyen tiré de ce que ce jugement serait irrégulier, faute d'avoir été signé, manque en fait et doit être écarté.
Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal :
5. Le tribunal a annulé le titre exécutoire en litige au motif que, eu égard aux aménagements dont bénéficiait déjà la rue du Stade, les travaux de voirie réalisés en 2014 n'ont pas constitué des travaux de premier établissement au sens de la loi locale du 21 mai 1879.
6. Aux termes de l'article L. 2543-6 du code général des collectivités territoriales, alors applicable : " Les communes dans lesquelles s'appliquent les dispositions des lois locales du 21 mai 1879 portant des restrictions à la liberté de construire dans les nouveaux quartiers de la ville de Strasbourg et du 6 janvier 1892 portant des restrictions à la liberté de construire perçoivent la participation des propriétaires riverains aux frais du premier établissement de la voie ". Aux termes de l'article 4 de la loi locale du 21 mai 1879 portant restriction à la liberté de construire dans les nouveaux quartiers de la ville de Strasbourg, alors applicable : " Les propriétaires riverains d'une voie sont tenus, en proportion de la longueur de la façade de leurs terrains, de supporter, outre le prix du terrain nécessaire pour la voie, les frais de premier établissement, du nivellement, de l'écoulement des eaux, du pavage et des trottoirs (...) le paiement de la quote-part des frais dont est grevé chaque terrain devra avoir lieu dès que les lotissements y sont élevés ".
7. La loi locale du 21 mai 1879 a eu pour but de faire contribuer aux dépenses occasionnées par les travaux de premier établissement des voies situées dans les nouveaux quartiers tous les propriétaires d'immeubles bâtis riverains de ces voies, quelle que soit la date de l'édification de ces bâtiments. Il résulte de ses dispositions, précitées, que la taxe de riverains est due par chacun des propriétaires riverains à raison des frais de premier établissement de la voie comprenant la réalisation, dans des matériaux durables et appropriés à leur destination, du nivellement, de l'écoulement des eaux, du pavage et de l'aménagement des trottoirs, que ces travaux soient réalisés en tout ou partie, en une fois ou de façon échelonnée. Ces frais de premier établissement sont déterminés par catégorie de travaux.
8. La circonstance que le maire ait, dès 2010, réglementé le stationnement dans la rue du Stade est sans incidence sur la qualification des travaux réalisés en 2014, qui ne dépend que des caractéristiques que possédait déjà la voie avant ces travaux et non du régime juridique de son utilisation. Il en va de même de la circonstance que la rue du Stade était déjà équipée d'un éclairage public dès lors qu'un équipement de cette nature n'a pas à être pris en compte pour l'application de la loi locale du 21 mai 1879.
9. Il résulte de l'instruction qu'afin de permettre aux équipes visiteuses et aux spectateurs d'accéder au stade de football dont elle tire son nom, la rue du Stade a été rendue carrossable dès les années 1980 par la réalisation d'une chaussée bitumée, ouverte à la circulation. Il ne résulte pas de l'instruction que cette chaussée, qui avait d'ailleurs fait l'objet de précédents travaux en 2008 et 2012, revêtait encore un caractère provisoire avant la réalisation des travaux de voirie en 2014. Par suite, ceux-ci n'ont pas constitué des travaux de premier établissement de la voie au sens de loi locale du 21 mai 1879.
10. En revanche, il résulte de l'instruction, notamment des photographies produites par la commune et par les intimés qu'avant la réalisation des travaux de voirie en 2014, la rue du Stade était dépourvue de trottoirs et n'était dotée, dans ses premiers mètres et seulement à partir de la rue d'Achenheim, que d'une rigole centrale et d'une bouche d'évacuation des eaux sommaires. La circonstance que le décompte général du marché de travaux mentionne des prestations de dépose de pièces de bordure de trottoir, file de pavés et bordurettes, pour des montants au demeurant minimes, n'est pas de nature à remettre en cause les constats visuels qui ressortent de ces photographies. Dans ces conditions, les travaux de réalisation des trottoirs et du système d'écoulement des eaux mis en place en 2014 sur toute la longueur de la rue constituent des travaux de premier établissement de la voie au sens de loi locale du 21 mai 1879.
11. Dès lors, la commune d'Ittenheim est fondée à soutenir que c'est à tort que, pour annuler le titre exécutoire en litige, le tribunal s'est fondé sur le moyen tiré de ce que la rue du Stade présentait déjà, avant les travaux d'aménagement réalisés par la commune en 2014, l'ensemble des caractéristiques d'une voie urbaine.
12. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. et Mme D..., tant devant le tribunal que devant elle.
Sur les autres moyens soulevés par M. et MmeD... :
13. En premier lieu, aux termes de l'article 3 de la loi locale du 6 janvier 1892 alors applicable : " Les dispositions (...) de la loi du 21 mai 1879 pourront (...) être étendues à d'autres communes (...) lorsque le conseil municipal le demande ". Contrairement à ce que font valoir M. et MmeD..., il résulte de l'instruction que la taxe de riverains a été étendue à l'ensemble de la commune d'Ittenheim, à la demande de cette dernière, par arrêté préfectoral du 27 octobre 1969.
14. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction, en particulier du décompte général du marché de travaux, que, déduction faite du coût des travaux relatifs à la chaussée et aux espaces verts, le coût total des seuls travaux relatifs aux trottoirs et au système d'écoulement des eaux s'est élevé à la somme de 64 648,78 euros hors taxes. Or, il résulte de l'instruction que la commune a fixé à la somme, inférieure, de 61 848,30 euros le montant des dépenses mises à la charge des riverains au titre de la taxe litigieuse et que la taxe exigée de M. et Mme D... a été calculée sur la base de ce montant. Dans ces conditions, ces derniers ne sont pas fondés à soutenir que la somme mise à leur charge ne correspond pas à des travaux de premier établissement de la voie au sens de la loi locale du 21 mai 1879.
15. En troisième lieu, il résulte de l'instruction que le taux de la taxe résulte de la division du montant global des dépenses mises à la charge des riverains par la somme des longueurs en mètres de chacun des côtés de la rue ayant fait l'objet des travaux, et que le montant de la taxe de riverains à laquelle ont été assujettis M. et Mme D...est le produit de la multiplication de ce taux par la longueur de la façade de leur propriété. En procédant de la sorte, la commune a fait une exacte application des dispositions de la loi locale du 21 mai 1879.
16. Il résulte de tout ce qui précède que la commune d'Ittenheim est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé le titre exécutoire litigieux. Dès lors, elle est fondée à demander l'annulation du jugement et le rejet de la demande présentée par M. et Mme D...devant le tribunal.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
17. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y pas lieu à cette condamnation ".
18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune d'Ittenheim qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. et Mme D...demandent au titre des frais exposés par eux en appel et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de M. et Mme D...une somme de 1 000 euros à verser à la commune d'Ittenheim au titre de ces mêmes dispositions.
Par ces motifs,
DECIDE :
Article 1er : Le jugement no 1500803 du 17 mai 2017 du tribunal administratif de Strasbourg est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. et Mme C...et Marilyne D...devant le tribunal administratif de Strasbourg est rejetée.
Article 3 : M. et Mme C...et Marilyne D...verseront à la commune d'Ittenheim une somme de 1 000 (mille) euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune d'Ittenheim, ainsi qu'à M. et Mme C... et MarilyneD....
Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.
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N° 17NC01682