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18/04/2018 | FRANCE | N°17NC00482

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 18 avril 2018, 17NC00482


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Commission de protection des eaux de Franche-Comté (CPEPESC) a demandé au tribunal administratif de Besançon, d'une part, d'annuler la décision du 23 avril 2014 par laquelle la préfète de la Haute-Saône a refusé de mettre en demeure la SCEA de la Vigne du Padoux de déposer un dossier de demande de dérogation au titre de la destruction d'habitats d'espèces protégées, d'autre part, d'enjoindre à la préfète de la Haute-Saône de mettre en demeure la SCEA de la Vigne du Padoux de déposer un dossier

de demande de dérogation au titre de la destruction d'habitats d'espèces protégé...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La Commission de protection des eaux de Franche-Comté (CPEPESC) a demandé au tribunal administratif de Besançon, d'une part, d'annuler la décision du 23 avril 2014 par laquelle la préfète de la Haute-Saône a refusé de mettre en demeure la SCEA de la Vigne du Padoux de déposer un dossier de demande de dérogation au titre de la destruction d'habitats d'espèces protégées, d'autre part, d'enjoindre à la préfète de la Haute-Saône de mettre en demeure la SCEA de la Vigne du Padoux de déposer un dossier de demande de dérogation au titre de la destruction d'habitats d'espèces protégées, de suspendre l'exploitation des parcelles litigieuses dans l'attente de sa décision sur la demande de dérogation, enfin de prescrire des mesures de réparation adaptées.

Par un jugement n° 1401058 du 22 décembre 2016, le tribunal administratif de Besançon a annulé la décision de la préfète de la Haute-Saône du 23 avril 2014 et lui a enjoint d'une part, de mettre en demeure la SCEA de la Vigne du Padoux de déposer un dossier de demande de dérogation à l'interdiction de destruction d'habitats d'espèces protégées dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement, d'autre part, de suspendre l'exploitation des parcelles en cause jusqu'à ce qu'elle ait statué sur la demande de dérogation.

Procédure devant la cour :

Par un recours enregistré le 27 février 2017, complété par des mémoires enregistrés les 26 septembre et 23 octobre 2017, le ministre de la transition écologique et solidaire demande à la cour :

1°) de constater qu'il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions présentées par la commission de protection des eaux de Franche-Comté devant le tribunal administratif de Besançon ;

2°) à titre subsidiaire, d'annuler le jugement du tribunal administratif de Besançon du 22 décembre 2016 et de rejeter la demande présentée par la Commission de protection des eaux de Franche-Comté devant le tribunal administratif de Besançon.

Le ministre soutient que :

- le dépôt par les responsables de la SCEA de la Vigne du Padoux d'un dossier de demande de dérogation au titre de la destruction d'habitats d'espèces protégées prive d'objet la demande présentée par la Commission de protection des eaux de Franche-Comté devant le tribunal administratif de Besançon ;

- les parcelles en cause ayant été classées comme zones vulnérables à la pollution par les nitrates d'origine agricole par des arrêtés des 21 février et 24 mai 2017, il est impossible d'appliquer la décision du tribunal administratif de Besançon enjoignant au préfet de suspendre l'exploitation de ces parcelles sans contrevenir à ces arrêtés ;

- le jugement du tribunal administratif de Besançon du 22 décembre 2016, qui n'indique pas en quoi la suspension de l'exploitation des terres était nécessaire, est entaché d'un défaut de motivation ;

- le tribunal a commis une erreur de droit en refusant de tenir compte d'éléments postérieurs à la décision du préfet de la Haute-Saône du 23 avril 2014 pour apprécier la légalité de cette décision ;

- l'édiction d'une mise en demeure de déposer un dossier de demande de dérogation au titre de la destruction d'habitats d'espèces protégées ne présentait pas d'utilité à la date à laquelle le tribunal a statué dès lors que la SCEA de la Vigne du Padoux s'était engagée à mettre en oeuvre des mesures de restauration.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 10 juillet et 9 octobre 2017 et 22 mars 2018, la Commission de protection des eaux de Franche-Comté demande à la cour :

1°) de rejeter le recours du ministre de la transition écologique et solidaire ;

2°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Saône de prescrire des mesures de réparation adaptées en application des dispositions des articles L. 162-9 et suivants du code de l'environnement ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au titre des frais de première instance et d'appel.

La Commission de protection des eaux de Franche-Comté soutient que :

- le dépôt par la SCEA de la Vigne du Padoux d'un dossier de demande de dérogation au titre de la destruction d'habitats d'espèces protégées, qui n'est pas produit à l'instance, ne prive pas d'objet sa demande de première instance ;

- la suspension de l'exploitation des terres dans l'attente de la réponse du préfet sur la demande de dérogation offrait une garantie à l'accomplissement de la mise en demeure ;

- le jugement n'est pas entaché d'insuffisance de motivation dès lors qu'il ressort de ces motifs que le tribunal a estimé que les enjeux patrimoniaux étaient tels qu'ils nécessitaient que l'autorité administrative, en attendant qu'elle ait statué sur la demande de dérogation à l'interdiction de destruction d'habitats d'espèces protégées, prenne des mesures conservatoires pour ne pas aggraver la situation ;

- les engagements pris par la SCEA de la Vigne du Padoux n'étant pas susceptibles de lui permettre d'obtenir la dérogation à l'interdiction de destruction d'habitats d'espèces protégées, le tribunal était fondé à ne pas tenir compte de ces engagements ;

- en tout état de cause, les engagements pris par la SCEA n'ont pas été mis en oeuvre ;

- le refus d'agir du préfet constitue une violation des dispositions de l'article L. 110-1 du code de l'environnement ;

- c'est à tort que le tribunal a rejeté les conclusions de sa demande tendant à enjoindre au préfet de la Haute-Saône de prescrire des mesures de réparation sur le fondement des articles L. 162-9 et suivants du code de l'environnement.

Le recours a été communiqué à la SCEA de la Vigne du Padoux, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Par ordonnance du 28 septembre 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 12 octobre 2017.

Par courriers des 28 septembre 2017 et 5 février 2018, des pièces complémentaires ont été demandées au ministre de la transition écologique et solidaire pour compléter l'instruction.

Par des courriers des 2 octobre 2017 et 12 février 2018, le ministre de la transition écologique et solidaire a répondu aux demandes des 28 septembre 2017 et 5 février 2018.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- l'arrêté du 19 février 2007 fixant les conditions de demande et d'instruction des dérogations définies au 4° de l'article L. 411-2 du code de l'environnement portant sur des espèces de faune et de flore sauvages protégées ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Laubriat, premier conseiller,

- les conclusions de M. Favret, rapporteur public,

- et les observations de M. Morin, président de la Commission de protection des eaux de Franche-Comté.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'environnement dans sa rédaction résultant de la loi n° 2010-788 : " I. - Lorsqu'un intérêt scientifique particulier ou que les nécessités de la préservation du patrimoine naturel justifient la conservation de sites d'intérêt géologique, d'habitats naturels, d'espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées et de leurs habitats, sont interdits : (...) 3° La destruction, l'altération ou la dégradation de ces habitats naturels ou de ces habitats d'espèces ; (...) ". L'article L. 411-2 du même code dispose : " Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions dans lesquelles sont fixées : (...) 4° La délivrance de dérogations aux interdictions mentionnées aux 1°, 2° et 3° de l'article L. 411-1, à condition qu'il n'existe pas d'autre solution satisfaisante et que la dérogation ne nuise pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle : (...) c) Dans l'intérêt de la santé et de la sécurité publiques ou pour d'autres raisons impératives d'intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, et pour des motifs qui comporteraient des conséquences bénéfiques primordiales pour l'environnement ; (...) ". Les articles R. 411-6 à R. 411-14 du code de l'environnement ainsi qu'un arrêté du 19 février 2007 déterminent les conditions dans lesquelles sont délivrées les dérogations prévues notamment au 4° de l'article L. 411-2.

2. En 2013, la SCEA de la Vigne du Padoux, société nouvellement créée, a, dans le cadre de la reconversion d'une exploitation laitière existante, entrepris des travaux de mise en culture de 78 hectares de prairie permanente situés dans les communes de Semmadon et Oigney en Haute-Saône. Par un courrier du 25 février 2014, la Commission de protection des eaux de Franche-Comté (CPEPESC) a demandé au préfet de la Haute-Saône de mettre en demeure la SCEA de la Vigne du Padoux de déposer une demande de dérogation à l'interdiction de destruction des habitats d'espèces protégées pour les travaux déjà réalisés et pour les travaux à venir si ceux-ci devaient remettre en cause l'état de conservation d'espèces protégées. A la suite d'une visite sur place le 3 avril 2014, la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement de Bourgogne-Franche-Comté a établi, le 18 avril 2014, un rapport de manquement administratif sur le fondement de l'article L. 171-6 du code de l'environnement. Par un courrier du 23 avril 2014, le préfet de la Haute-Saône a informé la commission de protection des eaux de Franche-Comté de l'état des procédures engagées à l'encontre de la SCEA. La Commission de protection des eaux de Franche-Comté a interprété ce courrier comme une décision de rejet de sa demande du 25 février 2014 et a saisi le tribunal administratif de Besançon d'une requête tendant à son annulation. Par l'article 1er de son jugement du 22 décembre 2016, le tribunal administratif de Besançon a annulé la décision du préfet de la Haute-Saône du 23 avril 2014. Les articles 2 et 3 du jugement font par ailleurs droit aux conclusions en injonction présentées par la Commission de protection des eaux de Franche-Comté en enjoignant à la préfète de la Haute-Saône, d'une part de mettre en demeure, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement, les responsables des travaux réalisés sur les parcelles de la SCEA de la Vigne du Padoux de déposer un dossier de demande de dérogation à l'interdiction de destruction d'habitats d'espèces protégées, d'autre part de prendre, en application de l'article L. 171-2 du code de l'environnement, et dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, des mesures conservatoires visant à geler l'exploitation des parcelles litigieuses en attendant qu'il ait été statué sur la demande de dérogation visée à l'article 2. Par le présent recours, le ministre de la transition écologique et solidaire fait appel de ce jugement. Dans le dernier état de ses écritures, il demande à la cour de prononcer un non lieu à statuer et, à titre subsidiaire, d'annuler le jugement du tribunal administratif de Besançon du 22 décembre 2016 et de rejeter la demande présentée par la CPEPESC devant ce tribunal. La Commission de protection des eaux de Franche-Comté conclut au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Haute-Saône de prescrire des mesures de réparation adaptées en application des dispositions de l'article L. 162-9 et suivants du code de l'environnement.

Sur l'appel principal :

En ce qui concerne les conclusions à fin de non lieu à statuer :

3. L'article L. 171-7 du code de l'environnement inséré dans le livre 1er de ce code relatif aux dispositions communes dispose que : " Indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées, lorsque des installations ou ouvrages sont exploités, des objets et dispositifs sont utilisés ou des travaux, opérations, activités ou aménagements sont réalisés sans avoir fait l'objet de l'autorisation, de l'enregistrement, de l'agrément, de l'homologation, de la certification ou de la déclaration requis en application des dispositions du présent code, ou sans avoir tenu compte d'une opposition à déclaration, l'autorité administrative compétente met l'intéressé en demeure de régulariser sa situation dans un délai qu'elle détermine. (...) ". L'article L. 171-11 du même code précise : " Les décisions administratives à caractère de sanction prises en application des dispositions de la présente section sont soumises à un contentieux de pleine juridiction ".

4. Il appartient au juge de plein contentieux de se prononcer sur l'étendue des droits et obligations accordés aux exploitants ou mis à leur charge par l'autorité compétente au regard des circonstances de fait et de droit existant à la date à laquelle il statue.

5. Il est constant que le 21 février 2017, la SCEA de la Vigne du Padoux a, sur le fondement des dispositions précitées du 4° de l'article L. 411-2 du code de l'environnement, déposé auprès de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement de Bourgogne-Franche-Comté un dossier de demande de dérogation à l'interdiction de destruction d'habitats d'espèces protégés. Il ne résulte pas de l'instruction que le dossier de cette demande serait incomplet au regard des dispositions de l'article 2 de l'arrêté du 19 février 2007 fixant les conditions de demande et d'instruction des dérogations définies au 4° de l'article L. 411-2 du code de l'environnement. Le dépôt par la SCEA de la Vigne du Padoux d'un dossier de demande de dérogation au titre du régime de protection des habitats d'espèces protégées prive ainsi d'objet les conclusions de la demande présentée par la Commission de protection des eaux de Franche-Comté devant le tribunal administratif de Besançon tendant à l'annulation de la décision du 23 avril 2014 par laquelle le préfet de la Haute-Saône avait refusé de mettre en demeure la SCEA de déposer un tel dossier. Par suite, il n'y a plus lieu de statuer sur la contestation par la Commission de protection des eaux de Franche-Comté de la décision du préfet de la Haute-Saône du 23 avril 2014. Il n'y a également plus lieu de statuer sur les conclusions de la demande de la Commission de protection des eaux de Franche-Comté tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Haute-Saône de mettre en demeure les responsables des travaux réalisés sur les parcelles de la SCEA de la Vigne du Padoux de déposer un dossier de demande de dérogation à l'interdiction de destruction d'habitats d'espèces protégées.

En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation de l'article 3 du jugement du tribunal administratif de Besançon du 22 décembre 2016 :

6. L'alinéa 2 de l'article L. 171-7 du code de l'environnement dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 11 janvier 2012 dispose que l'autorité administrative compétente qui a mis en demeure l'intéressé de régulariser sa situation " peut édicter des mesures conservatoires et suspendre le fonctionnement des installations et ouvrages ou la poursuite des travaux, opérations ou activités jusqu'à ce qu'il ait été statué sur la déclaration ou sur la demande d'autorisation, d'enregistrement, d'agrément, d'homologation ou de certification ".

7. Par l'article 3 de son jugement du 22 décembre 2016, le tribunal administratif de Besançon a enjoint à la préfète de la Haute-Saône de prendre des mesures conservatoires visant à geler l'exploitation des parcelles litigieuses jusqu'à ce qu'elle statue sur la demande de dérogation à l'interdiction de destruction d'habitats d'espèces protégées que la SCEA de la Vigne du Padoux devait présenter.

8. Les dispositions précitées de l'alinéa 2 de l'article L. 171-7 du code de l'environnement ouvrent à l'autorité administrative la possibilité de suspendre le fonctionnement des installations et ouvrages ou la poursuite des travaux jusqu'à ce qu'elle statue sur la demande de dérogation. L'autorité administrative n'étant pas ainsi tenue de prononcer cette mesure de suspension, les premiers juges ne pouvaient considérer que l'annulation de la décision du préfet refusant de mettre en demeure la SCEA de déposer un dossier de demande de dérogation impliquait nécessairement de ce seul fait, sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, qu'il soit enjoint au préfet de prescrire la suspension de l'exploitation des terres en litige. Par suite le ministre de la transition écologique et solidaire est fondé à soutenir que les premiers juges ont commis une erreur de droit.

9. La suspension du fonctionnement des installations ou ouvrages ou la suspension des travaux, qui sont des mesures visant à conserver la situation en état en attendant une éventuelle régularisation, doit être prononcée par l'autorité administrative s'il apparaît que la poursuite de l'exploitation des installations ou ouvrages ou la poursuite des travaux rendra impossible toute remise des lieux à l'état initial en cas de refus de régularisation.

10. En l'espèce, la suspension par la SCEA de la Vigne du Padoux de l'exploitation des parcelles en cause ne serait pas de nature à conserver en l'état les habitats des espèces protégées, qui ont déjà été détruits par le retournement des prairies, l'arasement des haies et le comblement des mares. Le gel de toute exploitation des terres pourrait même participer à l'aggravation de la situation en favorisant le phénomène de lessivage des sols. Par suite, l'article 3 du jugement du 22 décembre 2016 doit être annulé.

Sur l'appel incident :

11. Aux termes de l'article L. 162-9 du code de l'environnement intégré au titre VI du livre Ier du code de l'environnement : " Les mesures de réparation des dommages affectant les eaux et les espèces et habitats mentionnés aux 2° et 3° du I de l'article L. 161-1 visent à rétablir ces ressources naturelles et leurs services écologiques dans leur état initial et à éliminer tout risque d'atteinte grave à la santé humaine (...) ". L'article L. 161-1 du code du l'environnement qui définit le champ d'application des mesures de prévention et réparation de certains dommages causés à l'environnement prévoit que : " I. - Constituent des dommages causés à l'environnement au sens du présent titre les détériorations directes ou indirectes mesurables de l'environnement qui : (...) 3° Affectent gravement le maintien ou le rétablissement dans un état de conservation favorable : (...) b) Des habitats des espèces visées au 2 de l'article 4, à l'annexe I de la directive 79/409/ CEE du Conseil, du 2 avril 1979, précitée et à l'annexe II de la directive 92/43/ CEE du Conseil, du 21 mai 1992, précitée ainsi que des habitats naturels énumérés à l'annexe I de la même directive 92/43/ CEE du Conseil, du 21 mai 1992 (...). / II. - Le présent titre ne s'applique pas aux dommages ou à la menace imminente des dommages visés au 3° du I causés par : (...) 2° Une activité autorisée ou approuvée en application des articles L. 411-2, L. 411-4, L. 411-5 ou L. 411-6, dès lors que les prescriptions découlant de ces articles ont été respectées (...) ". Aux termes du quatrième alinéa de l'article L. 171-7 du code de l'environnement : " Si, à l'expiration du délai imparti, il n'a pas été déféré à la mise en demeure, ou si la demande d'autorisation, d'enregistrement, d'agrément, d'homologation ou de certification est rejetée, ou s'il est fait opposition à la déclaration, l'autorité administrative compétente peut : (...) ; 2° Ordonner la fermeture ou la suppression des installations ou ouvrages, la cessation définitive des travaux, opérations ou activités ainsi que la remise en état des lieux (...) ".

12. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que si l'autorité administrative a été saisie d'une demande de dérogation à l'interdiction de destruction d'habitats d'espèces protégées sur le fondement des dispositions de l'article L. 411-2 du code de l'environnement, le pétitionnaire ne peut être astreint à une obligation de réparation sur le fondement de l'article L. 162-9 du code de l'environnement. En un tel cas, la remise en état des lieux ne peut être ordonnée sur le fondement des dispositions de l'alinéa 4 de l'article L. 171-7 du code de l'environnement qu'après que le préfet a rejeté la demande de dérogation.

13. Aux termes de l'article R. 411-6 du code de l'environnement : " Les dérogations définies au 4° de l'article L. 411-2 sont accordées par le préfet, sauf dans les cas prévus aux articles R. 411-7 et R. 411-8. / Le silence gardé pendant plus de quatre mois par l'autorité administrative sur une demande de dérogation vaut décision de rejet (...) ".

14. Comme il a été indiqué précédemment, le dossier de demande de dérogation à l'interdiction de destruction d'habitats d'espèces protégées déposé par la SCEA de la Vigne du Padoux a été réceptionné par la DREAL Bourgogne Franche-Comté le 21 février 2017. Le silence gardé par le préfet sur cette demande depuis plus de quatre mois a fait naître une décision implicite de rejet depuis le 21 juin 2017.

15. Il résulte des dispositions précitées de l'alinéa 4 de l'article L. 171-7 du code de l'environnement que si l'autorité administrative qui a rejeté une demande de dérogation à l'interdiction de destruction d'habitats d'espèces protégées peut ordonner la remise en état des lieux, elle n'est pas tenue de le faire. Par ailleurs, l'état d'instruction du dossier ne permet pas, en tout état de cause, de déterminer les mesures qu'il conviendrait d'enjoindre au préfet de prescrire, et que cette autorité administrative pourrait être amenée à prendre en application de l'article L. 171-7 précité, pour remettre les lieux dans leur état initial. Par suite, les conclusions d'appel incident de la Commission de protection des eaux de Franche-Comté tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Haute-Saône de prescrire des mesures de réparation adaptées ne peuvent, en l'état de l'instruction, être accueillies.

16. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de la transition écologique et solidaire est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 3 du jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a enjoint à la préfète de la Haute-Saône de prendre des mesures conservatoires visant à geler l'exploitation des parcelles litigieuses jusqu'à ce qu'elle ait statué sur la demande de dérogation à l'interdiction de destruction d'habitats d'espèces protégées présentée par la SCEA de la Vigne du Padoux.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la Commission de protection des eaux de Franche-Comté demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

Par ces motifs,

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions du recours tendant à l'annulation des articles 1er et 2 du jugement du tribunal administratif de Besançon du 22 décembre 2016.

Article 2 : L'article 3 du jugement du tribunal administratif de Besançon du 22 décembre 2016 est annulé.

Article 3 : Les conclusions de la demande présentée par la Commission de protection des eaux de Franche-Comté devant le tribunal administratif de Besançon tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Haute-Saône de suspendre l'exploitation des parcelles litigieuses dans l'attente de la décision de ce dernier sur la demande présentée par la SCEA de la Vigne du Padoux de dérogation à l'interdiction de destruction d'habitats d'espèces protégées sont rejetées.

Article 4 : Les conclusions d'appel incident de la Commission de protection des eaux de Franche-Comté ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de la transition écologique et solidaire, à la Commission de protection des eaux de Franche-Comté et à la SCEA de la Vigne du Padoux.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Saône.

2

N° 17NC00482


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17NC00482
Date de la décision : 18/04/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

44-045-01 Nature et environnement.


Composition du Tribunal
Président : M. MESLAY
Rapporteur ?: M. Alain LAUBRIAT
Rapporteur public ?: M. FAVRET
Avocat(s) : SELARL JULIE DUFOUR

Origine de la décision
Date de l'import : 24/04/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2018-04-18;17nc00482 ?
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