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18/04/2018 | FRANCE | N°17NC00151

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 18 avril 2018, 17NC00151


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...C...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler le permis de construire tacite accordé le 3 mai 2014 par le maire de Béning-les-Saint-Avold, agissant au nom de l'Etat, à la SCI Marilou.

Par un jugement n° 1403549 du 1er décembre 2016, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé le permis de construire tacite du 3 mai 2014 et a rejeté le surplus des conclusions de M.C....

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 24 janvier

, 23 octobre, 17 novembre et 6 décembre 2017, la SCI Marilou, représentée par MeD..., demand...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...C...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler le permis de construire tacite accordé le 3 mai 2014 par le maire de Béning-les-Saint-Avold, agissant au nom de l'Etat, à la SCI Marilou.

Par un jugement n° 1403549 du 1er décembre 2016, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé le permis de construire tacite du 3 mai 2014 et a rejeté le surplus des conclusions de M.C....

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 24 janvier, 23 octobre, 17 novembre et 6 décembre 2017, la SCI Marilou, représentée par MeD..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg ;

2°) de rejeter la demande de première instance de M.C... ;

3°) de mettre à la charge de M. C...une somme de 2 500 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le permis de construire litigieux ne méconnaît pas l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme ;

- le moyen tiré du risque de nuisances et de troubles de jouissance est inopérant, le permis de construire étant délivré sous réserve du droit des tiers ;

- le moyen tiré d'un projet d'implantation d'une route sur sa parcelle est inopérant ;

- le permis de construire ne méconnaît pas l'article R. 111-18 du code de l'urbanisme.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 6 mai, 31 octobre, 1er décembre 2017, M.C..., représenté par MeA..., conclut :

- au rejet de la requête ;

- à ce que soit mise à la charge de la SCI Marilou et du préfet de la Moselle une somme de 2 000 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

Il soutient que :

- le permis de construire contesté méconnaît l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme

- il viole l'article R. 111-18 du code de l'urbanisme ;

il méconnaît l'article R. 111-13 du code de l'urbanisme.

Un mémoire présenté par M. B...C...a été enregistré le 18 décembre.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Stefanski, président,

- les conclusions de M. Favret, rapporteur public,

- et les observations de Me A...pour M. B...C....

Considérant ce qui suit :

1. Le 30 décembre 2013, la SCI Marilou a demandé un permis de construire une maison d'habitation comportant quatre logements et quatre garages situés en fond de terrain, sur une parcelle située 28 rue du Château, dans la commune de Béning-les-Saint-Avold, dépourvue de documents d'urbanisme. Un permis de construire tacite, pris au nom de l'Etat, est né le 3 mai 2014. Le 19 juin 2014, le préfet de la Moselle a délivré à la société un certificat d'obtention du permis de construire tacite.

2. Sur demande notamment d'un des deux voisins immédiats de la construction, M. C..., le tribunal administratif de Strasbourg a annulé le permis de construire délivré à la SCI Marilou pour méconnaissance de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme. La SCI interjette appel de ce jugement.

3. Aux termes de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme dans sa rédaction issue du décret n° 2007-17 du 5 janvier 2007 en vigueur à la date de la décision contestée : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales ".

4. Il résulte de ces dispositions que, si les constructions projetées portent atteinte aux paysages naturels ou urbains avoisinants, l'autorité administrative compétente peut refuser de délivrer le permis de construire sollicité ou l'assortir de prescriptions spéciales. Pour rechercher l'existence d'une atteinte à un paysage naturel ou urbain de nature à fonder le refus de permis de construire ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de ce permis, il lui appartient d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site naturel ou urbain sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site. Les dispositions de cet article excluent qu'il soit procédé dans le second temps du raisonnement, pour apprécier la légalité des permis de construire délivrés, à une balance d'intérêts divers en présence, autres que ceux visés à l'article R. 111-21 cité ci-dessus.

5. Il ressort des pièces du dossier et notamment des plans et photographies produites, que les maisons de la rue du Château, à caractère pavillonnaire, ont des dimensions et des formes variées, comportent des nombres d'étages différents, certaines ayant deux niveaux comme la construction contestée, que les formes et couleurs de leurs façades et de leurs toits sont hétérogènes, tout comme leur implantation par rapport à la voie publique. Par suite, les lieux avoisinant la construction en litige ne présentent pas un caractère ou un intérêt particulier au sens de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme. Au surplus, à environ 200 ou 300 mètres de la construction projetée par la SCI Marilou, se trouvent d'autres petits collectifs.

6. Ainsi, en l'absence de qualité particulière du site, la construction projetée par la SCI Marilou ne pouvait porter atteinte à un site au sens de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme. Dans ces conditions, M. C...ne peut utilement se prévaloir en défense de ce que la maison projetée serait plus longue et plus haute que celle de ses voisins immédiats, qu'elle comporte quatre logements, qu'elle a deux niveaux et qu'à l'arrière, compte tenu de sa longueur, elle ne se situe pas dans l'alignement des autres constructions. Par suite, c'est à tort que le tribunal administratif de Strasbourg s'est fondé sur la méconnaissance de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme pour annuler le permis de construire contesté.

7. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C...devant le tribunal administratif de Strasbourg et devant la cour administrative d'appel.

Sur la légalité externe :

8. En premier lieu, le moyen tiré de ce que le courrier invitant le pétitionnaire à produire des pièces complémentaire n'aurait pas été adressé par lettre recommandée avec accusé de réception et que le délai de naissance du permis de construire tacite n'aurait pas commencé à courir manque en fait, dès lors que l'administration a produit, devant le tribunal administratif, l'accusé de réception du 29 janvier 2014 indiquant que le courrier avait été présenté et distribué le même jour.

9. En second lieu, la circonstance, d'ailleurs non établie, que le permis de construire n'aurait pas été régulièrement affiché sur le terrain, n'aurait d'influence que sur les délais de recours et est sans incidence sur la légalité du permis de construire contesté.

Sur la légalité externe :

10. En premier lieu, aux termes de l'article R. 111-22 du code de l'urbanisme alors en vigueur : " Dans les secteurs déjà partiellement bâtis, présentant une unité d'aspect et non compris dans des programmes de rénovation, l'autorisation de construire à une hauteur supérieure à la hauteur moyenne des constructions avoisinantes peut être refusée ou subordonnée à des prescriptions particulières. ".

11. Ainsi qu'il a été dit ci-dessus, le secteur dans lequel se situe la construction de la SCI Marilou ne présente pas d'unité d'aspect, notamment en ce qui concerne la hauteur des bâtiments. Ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 111-22 est inopérant.

12. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 111-18 du code de l'urbanisme alors en vigueur : " A moins que le bâtiment à construire ne jouxte la limite parcellaire, la distance comptée horizontalement de tout point de ce bâtiment au point de la limite parcellaire qui en est le plus rapproché doit être au moins égale à la moitié de la différence d'altitude entre ces deux points, sans pouvoir être inférieure à trois mètres ".

13. Eu égard à la finalité de cette disposition, il y a lieu, pour apprécier la distance par rapport à la limite parcellaire d'une partie d'un bâtiment comportant une toiture qui fait face à cette limite, de retenir comme étant le ou les points les plus élevés celui ou ceux qui sont situés à l'égout du toit et non au faîtage.

14. Il ressort des pièces du dossier que la façade nord de la construction de la SCI Marilou comporte, d'un côté une hauteur à l'égout du toit de 6,30 mètres et de l'autre côté de 7,10 mètres et qu'elle est située, de chaque côté, à 4 mètres des limites des propriétés voisines. Ainsi son implantation ne méconnaît pas l'article R. 111-18 du code de l'urbanisme. Il en est de même de la façade sud, haute de 6,25 mètres d'un côté et 5,70 mètres de l'autre, implantée à 3,15 mètres des limites parcellaires voisines.

15. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 111-5 du code de l'urbanisme alors en vigueur : " Le projet peut être refusé sur des terrains qui ne seraient pas desservis par des voies publiques ou privées dans des conditions répondant à son importance ou à la destination des constructions ou des aménagements envisagés, et notamment si les caractéristiques de ces voies rendent difficile la circulation ou l'utilisation des engins de lutte contre l'incendie. / Il peut également être refusé ou n'être accepté que sous réserve de prescriptions spéciales si les accès présentent un risque pour la sécurité des usagers des voies publiques ou pour celle des personnes utilisant ces accès. Cette sécurité doit être appréciée compte tenu, notamment, de la position des accès, de leur configuration ainsi que de la nature et de l'intensité du trafic. ".

16. Cette règle s'applique aux seules voies qui desservent le terrain sur lequel est projetée la construction et non aux voies situées sur le terrain de la construction elle-même. Il n'est pas soutenu et il ne ressort pas des pièces du dossier que la rue du Château ne répond pas aux exigences de l'article R. 111-5 du code de l'urbanisme. Les moyens tirés de ce que la surface située à l'arrière de la parcelle d'assiette de la construction de la SCI Marilou, ne permettrait pas aux engins de lutte contre l'incendie de faire demi-tour et de ce que les voies internes de circulation seraient trop étroites pour permettre une circulation en toute sécurité des occupants des logements sont inopérants. En tout état de cause, le service départemental d'incendie et de secours a émis un avis favorable sur le projet.

17. En quatrième lieu, aux termes de l'article R. 111-13 du code de l'urbanisme dans sa rédaction alors en vigueur : " Le projet peut être refusé si, par sa situation ou son importance, il impose, soit la réalisation par la commune d'équipements publics nouveaux hors de proportion avec ses ressources actuelles, soit un surcroît important des dépenses de fonctionnement des services publics. ".

18. Il ne ressort pas des pièces du dossier que les réseaux d'eau potable, d'assainissement et d'électricité desservant la rue du Château seraient insuffisants pour accueillir quatre logements supplémentaires. Au contraire, par courrier du 28 avril 2014 le concessionnaire a indiqué que la parcelle pouvait être desservie en eau potable et la direction départementale des territoires et ERDF n'ont émis aucune réserve sur le raccordement aux réseaux d'assainissement et d'électricité. Les photographies produites montrent du reste la présence d'un poteau électrique à proximité du terrain de la SCI Marilou. La seule circonstance invoquée par M.C..., que dans une lettre du 21 février 2014 adressée à la commune, ERDF s'est fondé sur une hypothèse de raccordement de 48kVA triphasé, ne suffit pas à démontrer que la construction litigieuse, exige un raccordement plus important qui imposerait à la commune de participer financièrement à des travaux de modification du réseau.

19. En cinquième lieu, le permis de construire étant délivré sous réserve des droits des tiers, les moyens de M. C...tenant au risque de nuisances notamment visuelles et sonores pour les voisins et à de risques d'infiltrations pour les propriétés contiguës, sont inopérants.

20. Enfin, sont sans incidence sur la légalité du permis de construire contesté, les circonstances que la commune aurait eu le projet de faire passer une route sur la parcelle acquise par la SCI Marilou, que le gérant de la société Marilou a acquis cette propriété en offrant une somme supérieure à celle proposée par la commune et que si la commune avait adopté un plan local d'urbanisme, elle aurait pu s'opposer au projet de la SCI Marilou.

21. Il résulte de ce qui précède que la SCI Marilou est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé le permis de construire tacite du 3 mai 2014.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

22. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SCI Marilou, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. C...demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

23. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions, de mettre à la charge de M. C...une somme de 1 500 euros à verser à la SCI Marilou au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Par ces motifs,

DECIDE :

Article 1er : Le jugement attaqué du tribunal administratif de Strasbourg du 1er décembre 2016 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. C...devant le tribunal administratif de Strasbourg est rejetée.

Article 3 : M. C...versera à la SCI Marilou une somme de 1 500 (mille-cinq-cents) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Marilou, à M. B...C...et au ministre de la cohésion des territoires.

Copie en sera adressée au préfet de la Moselle et à M. E...de la République près le tribunal de grande instance de Metz.

2

N° 17NC00151


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17NC00151
Date de la décision : 18/04/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03-03-01-02 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire. Légalité interne du permis de construire. Légalité au regard de la réglementation nationale. Règlement national d'urbanisme.


Composition du Tribunal
Président : M. MESLAY
Rapporteur ?: Mme Colette STEFANSKI
Rapporteur public ?: M. FAVRET
Avocat(s) : GORGOL

Origine de la décision
Date de l'import : 24/04/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2018-04-18;17nc00151 ?
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