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29/03/2018 | FRANCE | N°17NC01119

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 29 mars 2018, 17NC01119


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Vest a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 12 décembre 2014 par lequel le préfet du Haut-Rhin a prononcé à son encontre des amendes administratives en matière d'affichage publicitaire au titre de dispositifs publicitaires implantés section 18, parcelle 336 à Hochstatt, ainsi que le titre exécutoire émis à son encontre le 13 février 2015 par le maire de la commune de Hochstatt, en vue du recouvrement de ces amendes, pour un montant de 13 500 euros.

Par un jugement no 1501855 et 1502278 du 15 mars 2017, le tribunal administratif de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Vest a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 12 décembre 2014 par lequel le préfet du Haut-Rhin a prononcé à son encontre des amendes administratives en matière d'affichage publicitaire au titre de dispositifs publicitaires implantés section 18, parcelle 336 à Hochstatt, ainsi que le titre exécutoire émis à son encontre le 13 février 2015 par le maire de la commune de Hochstatt, en vue du recouvrement de ces amendes, pour un montant de 13 500 euros.

Par un jugement no 1501855 et 1502278 du 15 mars 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 15 mai 2017, la société Vest, représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement no 1501855 et 1502278 du 15 mars 2017 du tribunal administratif de Strasbourg ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Haut-Rhin du 12 décembre 2014 et le titre exécutoire émis par le maire de la commune de Hochstatt le 13 février 2015 ;

3°) de condamner solidairement l'Etat et la commune de Hochstatt à lui verser une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société Vest soutient que :

- son appel est recevable ;

- elle est recevable à exciper de l'illégalité de l'arrêté du 12 décembre 2014 à l'appui de ses conclusions dirigées contre le titre exécutoire pris sur le fondement de cet arrêté ;

- l'arrêté du 12 décembre 2014 est illégal car : le préfet a prononcé autant d'amendes qu'il existait d'infractions ; le dispositif publicitaire litigieux a fait l'objet d'une déclaration en mairie ; les infractions relatives à l'absence d'élément d'identification sur le dispositif et l'absence d'accord du propriétaire du terrain n'ont pas été relevées dans le procès-verbal dressé le 30 septembre 2014 et ne sont pas constituées.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 juin 2017, la commune de Hochstatt, représentée par MeA..., conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la société Vest à lui verser une somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La commune de Hochstatt soutient qu'aucun des moyens soulevés par la requérante n'est fondé.

Par un mémoire, enregistré le 12 juillet 2017, le ministre de l'intérieur informe la cour de ce qu'il appartient au ministre de la transition écologique et solidaire d'assurer la défense de l'Etat à la présente instance.

Par un mémoire, enregistré le 10 octobre 2017, le ministre de la transition écologique et solidaire conclut au rejet de la requête.

Le ministre de la transition écologique et solidaire soutient qu'aucun des moyens soulevés par la requérante n'est fondé.

L'instruction a été close le 17 octobre 2017.

Le 20 novembre 2017, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré du défaut de motivation des conclusions d'appel principal de la société Vest en tant qu'elles concernent sa demande dirigée contre l'arrêté préfectoral du 12 décembre 2014.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement,

- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Rees, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Favret, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Le 30 septembre 2014, les gardes champêtres du syndicat mixte intercommunal du Haut-Rhin ont constaté, route de Didenheim, dans l'agglomération de la commune de Hochstatt, l'implantation de trois dispositifs publicitaires : une coque de piscine posée sur le sol et dressée verticalement, entourée d'une clôture comportant deux panneaux, mentionnant le nom, l'adresse et le numéro de téléphone de la société Vest. Ils ont également constaté que ces dispositifs étaient, à plusieurs titres, en infraction avec les dispositions du code de l'environnement relatives à la publicité.

2. Par un arrêté du 12 décembre 2014, le préfet du Haut-Rhin, se fondant sur ce procès-verbal, a prononcé un total de 9 amendes de 1 500 euros chacune à l'encontre de la société Vest. Le 13 février 2015, le maire de la commune de Hochstatt a émis un titre exécutoire pour recouvrer le produit de ces amendes.

3. La société Vest relève appel du jugement du 15 mars 2017 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 décembre 2014 et du titre exécutoire émis le 13 février 2015.

Sur la recevabilité de l'appel du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté la demande dirigée contre l'arrêté préfectoral du 12 décembre 2014 :

4. Le tribunal a rejeté la demande de la société Vest dirigée contre l'arrêté préfectoral du 12 décembre 2014 au motif qu'elle était tardive et donc, irrecevable. Si la société Vest sollicite à nouveau, en appel, l'annulation de cet arrêté, elle n'assortit ses conclusions d'aucun moyen, si ce n'est pour admettre expressément que sa demande était effectivement tardive.

5. Ainsi, l'appel de la société doit être regardé comme ne contestant pas le jugement attaqué en tant qu'il porte sur ses conclusions dirigées contre l'arrêté préfectoral du 12 décembre 2014.

Sur la fin de non-recevoir opposée en première instance tirée du défaut de réclamation préalable à l'introduction de la demande dirigée contre le titre exécutoire du 13 février 2015 :

6. Devant les premiers juges, le préfet du Haut-Rhin a fait valoir que la demande de la société Vest tendant à l'annulation du titre exécutoire du 13 février 2015 était irrecevable, faute pour la requérante d'avoir présenté une réclamation préalable auprès du comptable chargé du recouvrement de la créance, en application des articles 117 à 119 du décret du 7 novembre 2012 susvisé.

7. Ces articles figurent dans le titre II de ce décret, relatif à la gestion budgétaire et comptable de l'Etat. L'article 4 du décret prévoit que les dispositions de ce titre II ne s'appliquent pas aux personnes morales mentionnées au 2° de son article 1er, au nombre desquelles figurent les collectivités territoriales. Le titre exécutoire litigieux ayant été émis par l'ordonnateur d'une collectivité territoriale, le défaut d'accomplissement des formalités prévues par les articles 117 à 119 ne peut pas être utilement opposé à la requérante. Par ailleurs, il ne ressort d'aucune disposition légale ou réglementaire que l'introduction d'un recours juridictionnel contre un titre exécutoire d'une collectivité territoriale est subordonnée à l'exercice préalable d'un recours administratif. Dès lors, la fin de non-recevoir soulevée par le préfet du Haut-Rhin en première instance ne peut qu'être écartée.

Sur la légalité du titre exécutoire émis le 13 février 2015 :

En ce qui concerne la recevabilité de l'exception d'illégalité de l'arrêté préfectoral du 12 décembre 2014 :

8. A l'appui de sa demande tendant à l'annulation du titre exécutoire émis le 13 février 2015, la société Vest a soulevé un moyen unique, tiré de l'illégalité de l'arrêté préfectoral du 12 décembre 2014 à la suite duquel le titre litigieux a été émis. Le tribunal a considéré que, ledit arrêté étant devenu définitif à la date à laquelle la société Vest a excipé de son illégalité, son moyen devait être écarté comme irrecevable.

9. L'illégalité d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, ne peut être utilement invoquée par voie d'exception à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative ultérieure que si cette dernière décision a été prise pour l'application du premier acte ou s'il en constitue la base légale.

10. S'agissant d'un acte réglementaire, une telle exception peut être formée à toute époque, même après l'expiration du délai du recours contentieux contre cet acte. S'agissant d'un acte non réglementaire, l'exception n'est, en revanche, recevable que si l'acte n'est pas devenu définitif à la date à laquelle elle est invoquée, sauf dans le cas où l'acte et la décision ultérieure constituant les éléments d'une même opération complexe, l'illégalité dont l'acte serait entaché peut être invoquée en dépit du caractère définitif de cet acte.

11. Aux termes des dispositions de l'article L. 581-26 du code de l'environnement : " Sans préjudice des dispositions des articles L. 581-30 et L. 581-34, est punie d'une amende d'un montant de 1500 euros la personne qui a apposé ou fait apposer un dispositif ou matériel visé à l'article L. 581-6, sans déclaration préalable ou non conforme à cette déclaration. Le manquement est constaté par un procès-verbal établi par un fonctionnaire ou agent mentionné à l'article L. 581-40. Une copie du procès-verbal est adressée à la personne visée. Le manquement ainsi relevé donne lieu à une amende prononcée par le préfet. L'amende est recouvrée, dans les conditions prévues par les dispositions relatives aux produits communaux, au bénéfice de la commune sur le territoire de laquelle le manquement a été constaté. La personne visée a accès au dossier et est mise à même de présenter ses observations écrites, dans un délai d'un mois, sur le projet de sanction de l'administration. La décision du préfet, qui doit être motivée, est susceptible d'un recours de pleine juridiction. Les dispositions du présent article sont applicables en cas d'infraction aux dispositions des articles L. 581-4, L. 581-5 et L. 581-24 ".

12. Il résulte de ces dispositions que la décision individuelle par laquelle le préfet prononce l'amende et l'acte par lequel cette amende est recouvrée forment une opération administrative unique comportant un lien tel qu'un requérant est encore recevable à invoquer par la voie de l'exception les illégalités affectant la décision préfectorale, alors qu'elle aurait acquis un caractère définitif.

13. Par conséquent, la société Vest est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont considéré qu'elle n'était pas recevable à exciper de l'illégalité de l'arrêté préfectoral du 12 décembre 2014.

En ce qui concerne le bien-fondé de l'exception d'illégalité de l'arrêté préfectoral du 12 décembre 2014 :

14. Par son arrêté du 12 décembre 2014, le préfet du Haut-Rhin a prononcé 9 amendes d'un montant unitaire de 1 500 euros à l'encontre de la société Vest. Il s'est fondé sur la circonstance que la société avait implanté trois dispositifs publicitaires distincts, pour chacun desquels il a retenu trois infractions : l'absence de déclaration préalable, en méconnaissance de l'article L. 581-26 du code de l'environnement, l'absence de mention du nom et de l'adresse ou la dénomination ou la raison sociale de la personne qui l'a apposé ou fait apposer, en méconnaissance de l'article L. 581-5 du même code, et l'absence d'accord préalable du propriétaire du terrain, en méconnaissance de l'article L. 581-24 du même code.

S'agissant de l'absence de déclaration préalable :

15. La société Vest soutient que le manquement relatif à l'absence de déclaration préalable n'est pas établi, dès lors qu'elle a effectué une déclaration en mairie.

16. Toutefois, aux termes de l'article L. 581-14-2 du code de l'environnement : " Les compétences en matière de police de la publicité sont exercées par le préfet. Toutefois, s'il existe un règlement local de publicité, ces compétences sont exercées par le maire au nom de la commune. (...) ". Or, il est constant que la commune de Hochstatt est dépourvue d'un règlement local de publicité. La déclaration aurait donc dû être faite auprès du préfet et non de la commune. Par suite, le formulaire de déclaration préalable à la réalisation de constructions et travaux non soumis à permis de construire, déposé en mairie le 13 mai 2013 au titre du droit de l'urbanisme, ne saurait constituer la déclaration de dispositifs publicitaires prévue par l'article L. 581-26 du code de l'environnement.

17. Par ailleurs, il résulte des dispositions de l'article L. 581-26 du code de l'environnement précité que chaque manquement donne lieu à une amende. Aucun des trois dispositifs publicitaires distincts en litige n'ayant fait l'objet de la déclaration préalable prévue par cet article, c'est par une exacte application de ces dispositions que le préfet a prononcé une amende pour chacun d'entre eux, soit la somme totale de 4 500 euros.

S'agissant des autres manquements :

18. Il résulte des dispositions de l'article L. 581-26 du code de l'environnement précité que le préfet ne peut légalement prononcer une amende qu'à raison d'un manquement constaté et relevé par un procès-verbal.

19. Il résulte de l'instruction que le procès-verbal dressé le 30 septembre 2014, sur lequel s'est fondé le préfet du Haut-Rhin, relève trois infractions à la législation : l'apposition de panneaux publicitaires en agglomération sur une clôture non aveugle, la mise en place d'un dispositif publicitaire au sol dans une agglomération de moins de 10 000 habitants et l'installation d'une publicité en agglomération sans déclaration préalable. Les gardes champêtres auteurs du procès-verbal n'ont, en revanche, relevé aucun manquement aux articles L. 581-5 et L. 581-24 du code de l'environnement.

20. Par conséquent, la société Vest est fondée à soutenir que le préfet ne pouvait pas légalement lui infliger des amendes au titre de la méconnaissance de ces articles.

21. Il résulte de tout ce qui précède que la société Vest est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal n'a pas annulé le titre exécutoire du 13 février 2015 en tant qu'il a mis à sa charge une somme supérieure à 4 500 euros. Le jugement doit être réformé dans cette mesure.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

22. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Vest, qui n'est pas pour l'essentiel la partie perdante dans la présente instance, la somme que la commune de Hochstatt demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

23. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions de mettre à la charge de la commune de Hochstatt la somme que la société Vest demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Par ces motifs,

DECIDE :

Article 1er : Le titre exécutoire émis par le maire de la commune de Hochstatt le 13 février 2015 est annulé en tant qu'il met à la charge de la société Vest une somme supérieure à 4 500 euros.

Article 2 : Le jugement no 1501855 et 1502278 du 15 mars 2017 du tribunal administratif de Strasbourg est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la société Vest et les conclusions de la commune de Hochstatt tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Vest, à la commune de Hochstatt et au ministre de la transition écologique et solidaire.

Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.

2

N° 17NC01119


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17NC01119
Date de la décision : 29/03/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

02-01-01-02 Affichage et publicité. Affichage. Pouvoirs des autorités compétentes. Préfets.


Composition du Tribunal
Président : Mme STEFANSKI
Rapporteur ?: M. Philippe REES
Rapporteur public ?: M. FAVRET
Avocat(s) : ALEXANDRE TABAK

Origine de la décision
Date de l'import : 03/04/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2018-03-29;17nc01119 ?
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