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08/02/2018 | FRANCE | N°17NC00729

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 08 février 2018, 17NC00729


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une requête enregistrée le 12 octobre 2015 sous le n° 1502959, M. B...a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision implicite de rejet née le 20 avril 2015 du silence gardé pendant plus de deux mois par le directeur du centre pénitentiaire de Nancy-Maxéville sur sa demande, présentée le 20 février 2015, tendant à faire cesser le régime de fouilles à nu systématique auquel il était soumis à l'issue de chaque parloir.

Par une requête, enregistrée le 12 octobre 2015,

sous le n° 1502958, M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Nancy de condamne...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une requête enregistrée le 12 octobre 2015 sous le n° 1502959, M. B...a demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler la décision implicite de rejet née le 20 avril 2015 du silence gardé pendant plus de deux mois par le directeur du centre pénitentiaire de Nancy-Maxéville sur sa demande, présentée le 20 février 2015, tendant à faire cesser le régime de fouilles à nu systématique auquel il était soumis à l'issue de chaque parloir.

Par une requête, enregistrée le 12 octobre 2015, sous le n° 1502958, M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Nancy de condamner l'Etat à lui verser la somme de 100 euros en réparation du préjudice moral résultant de la fouille corporelle intégrale subie le 12 février 2015.

Par une requête enregistrée le 1er décembre 2015 sous le n° 1503453, M. B...a demandé au tribunal administratif de Nancy de condamner l'Etat à lui verser la somme de 100 euros en réparation du préjudice moral résultant de la fouille corporelle intégrale subie le 18 décembre 2014.

Par un jugement n° 1502958, 1502959 et 1503453 du 8 novembre 2016, le tribunal administratif de Nancy a rejeté les demandes de M.B....

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 27 mars 2017, M. B..., représenté par Aarpi Thémis, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nancy du 8 novembre 2016 ;

2°) d'annuler la décision implicite de rejet née le 20 avril 2015 du silence gardé pendant plus de deux mois par le directeur du centre pénitentiaire de Nancy-Maxéville sur sa demande, présentée le 20 février 2015, tendant à faire cesser le régime de fouilles à nu systématique auquel il était soumis à l'issue de chaque parloir ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 200 euros en réparation du préjudice résultant de l'illégalité des fouilles à nu systématiques auxquelles il a été soumis entre les mois de décembre 2014 à février 2015 assortie des intérêts au taux légal, eux-mêmes capitalisés ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à MeC..., sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- en refusant de mettre un terme à la pratique systématique des fouilles corporelles intégrales à l'issue des parloirs, le directeur de l'établissement pénitentiaire a violé les dispositions de l'article 57 de la loi pénitentiaire ainsi que les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il a été soumis à un régime systématique de fouilles corporelles intégrales alors qu'il n'est pas contesté que son comportement en détention ne soulevait pas de difficultés particulières et que ses fréquentations étaient connues ;

- si les fouilles corporelles intégrales ne sont plus systématiques en sortie de parloir, il n'en demeure pas moins que l'administration décide de ces fouilles de manière totalement discrétionnaire ;

- les fautes commises par l'administration en lui faisant subir sans justification des fouilles corporelles intégrales les 18 décembre 2014 et 12 février 2015 lui ont occasionné un préjudice moral dont il doit être indemnisé pour un montant total de 200 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 juillet 2017, le garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête.

Le ministre renvoie à ses observations de première instance.

Par ordonnance du 2 juin 2017, la clôture d'instruction a été fixée au 10 juillet 2017.

M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 6 février 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

-la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 ;

- le code de procédure pénale ;

- le décret n° 2010-1634 du 23 décembre 2010 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Laubriat, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Favret, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article 57 de la loi susvisée du 24 novembre 2009 dans sa rédaction alors applicable : " Les fouilles doivent être justifiées par la présomption d'une infraction ou par les risques que le comportement des personnes détenues fait courir à la sécurité des personnes et au maintien du bon ordre dans l'établissement. Leur nature et leur fréquence sont strictement adaptées à ces nécessités et à la personnalité des personnes détenues. Les fouilles intégrales ne sont possibles que si les fouilles par palpation ou l'utilisation des moyens de détection électronique sont insuffisantes (...) ". L'article R. 57-7-79 du code de procédure pénale dans sa rédaction issue du décret susvisé du 23 décembre 2010 dispose : " Les mesures de fouilles des personnes détenues, intégrales ou par palpation, sont mises en oeuvre sur décision du chef d'établissement pour prévenir les risques mentionnés au premier alinéa de l'article 57 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009. Leur nature et leur fréquence sont décidées au vu de la personnalité des personnes intéressées, des circonstances de la vie en détention et de la spécificité de l'établissement (...) ". Aux termes de l'article R. 57-7-80 du même code : " Les personnes détenues sont fouillées chaque fois qu'il existe des éléments permettant de suspecter un risque d'évasion, l'entrée, la sortie ou la circulation en détention d'objets ou substances prohibés ou dangereux pour la sécurité des personnes ou le bon ordre de l'établissement ".

2. Il résulte de ces dispositions, d'une part, que les mesures de fouilles ne sauraient revêtir un caractère systématique et doivent être justifiées par l'un des motifs qu'elles prévoient et, d'autre part, que les fouilles intégrales revêtent un caractère subsidiaire par rapport aux fouilles par palpation ou à l'utilisation de moyens de détection électronique.

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision implicite née le 20 avril 2015 :

3. Par un courrier de son conseil du 20 février 2015, M.B..., qui était incarcéré du 31 janvier 2012 au 8 juin 2015 au centre pénitentiaire de Nancy-Maxéville, a mis en demeure le directeur de ce centre pénitentiaire de mettre un terme sans délai au régime de fouilles intégrales auquel il disait être soumis. M. B...demande l'annulation de la décision implicite de rejet née du silence gardé pendant plus de deux mois sur sa demande par le directeur du centre pénitentiaire.

4. Par un jugement n° 1302530 du 23 juin 2015, le tribunal administratif de Nancy, après avoir relevé que M. B...avait fait l'objet de fouilles intégrales au retour de chacun des parloirs dont il avait bénéficié entre le 21 mars 2012 et le 5 septembre 2013, a condamné l'Etat à verser à M. B...une indemnité de 1 000 euros en réparation de son préjudice moral. M. B... ayant ainsi été indemnisé des fouilles intégrales qu'il a subies avant septembre 2013, sa demande enregistrée au tribunal administratif de Nancy sous le numéro 1502959 ne peut donc porter que sur les fouilles dont il a fait l'objet postérieurement à septembre 2013.

5. Les nécessités de l'ordre public et les contraintes du service public pénitentiaire peuvent légitimer l'application aux détenus d'un régime de fouilles corporelles intégrales. Compte tenu de la moindre efficacité des fouilles par palpation et des moyens de détection électronique, le recours à de telles opérations de fouilles, qui permettent de saisir les objets interdits ou dangereux remis aux détenus par des personnes extérieures à l'établissement à l'occasion des périodes de parloirs, apparaît justifié par la nécessité d'assurer la sécurité ainsi que le maintien de l'ordre au sein de l'établissement. Toutefois, l'exigence de proportionnalité des modalités selon lesquelles les fouilles intégrales sont organisées implique qu'elles soient strictement adaptées non seulement aux objectifs qu'elles poursuivent mais aussi à la personnalité des personnes détenues qu'elles concernent. A cette fin, il appartient au chef d'établissement de tenir compte, dans toute la mesure du possible, du comportement de chaque détenu, de ses agissements antérieurs ainsi que des circonstances de ses contacts avec des tiers.

6. Il ressort des pièces du dossier, notamment de la liste des rendez-vous de M. B...communiquée par l'administration, que l'intéressé a bénéficié, sur la période du 20 décembre 2013 au 23 avril 2015, de 30 parloirs. Sur la même période, il a subi 5 fouilles intégrales en retour de parloir. Contrairement à ce qu'il prétend, M. B...n'a donc pas fait l'objet après septembre 2013 de fouilles intégrales systématiques en retour de parloir. Par ailleurs, les fouilles intégrales opérées les 31 janvier et 16 mai 2014 ont été décidées à la suite d'un comportement suspect de M. B...en cabine. Les fouilles opérées les 27 juillet et 18 décembre 2014 ont, quant à elles, été décidées en raison de la vulnérabilité de M.B.... En effet, selon l'administration, M. B...est, compte tenu de son âge et de son ancienne profession de médecin, un détenu vulnérable, sur lequel les autres détenus peuvent faire pression pour obtenir de sa part qu'il se procure lors d'un parloir des objets, produits ou substances prohibées. Les fouilles intégrales subies par M. B...les 31 janvier, 16 mai, 27 juillet et 18 décembre 2014 étaient donc justifiées par les risques que le comportement de M. B...pouvait faire courir à la sécurité des personnes et au maintien du bon ordre dans l'établissement. Les fouilles intégrales subies par M. B...postérieurement à septembre 2013 ne présentant aucun caractère systématique et étant à chaque fois justifiés par l'un des motifs prévus par les dispositions précitées de l'article 57 de la loi du 24 novembre 2009, M. B...n'est par suite pas fondé à soutenir que la décision implicite, née le 20 avril 2015, du directeur du centre pénitentiaire de Nancy-Maxéville refusant de mettre un terme à la pratique des fouilles intégrales serait entachée d'illégalité.

Sur les conclusions indemnitaires :

7. Il ne résulte pas de l'instruction que M. B...aurait fait l'objet d'une fouille intégrale le 12 juin 2015. Par ailleurs, la fouille intégrale opérée le 18 décembre 2014 était, comme il a été dit au point 6, nécessaire et proportionnée à la finalité qu'elle poursuit. Par suite l'administration n'a commis aucune faute de nature à ouvrir à M. B...un droit à indemnisation.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté ses demandes.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. B...demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

Par ces motifs,

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B...et au garde des sceaux, ministre de la justice.

2

N° 17NC00729


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17NC00729
Date de la décision : 08/02/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Juridictions administratives et judiciaires - Exécution des jugements - Exécution des peines - Service public pénitentiaire.

Responsabilité de la puissance publique - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics - Services pénitentiaires.


Composition du Tribunal
Président : M. MESLAY
Rapporteur ?: M. Alain LAUBRIAT
Rapporteur public ?: M. FAVRET
Avocat(s) : AARPI THEMIS

Origine de la décision
Date de l'import : 20/02/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2018-02-08;17nc00729 ?
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