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14/12/2017 | FRANCE | N°17NC00480

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 14 décembre 2017, 17NC00480


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B...a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision du 6 janvier 2017 par laquelle le préfet des Ardennes a décidé sa remise aux autorités hongroises.

Par un jugement n° 1700179 du 9 février 2017, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé la décision attaquée.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 27 février 2017, le préfet des Ardennes demande à la cour d'annuler le jugement n° 1700179 du 9 fév

rier 2017 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne et de rejeter la demande de M. D... B.......

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B...a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la décision du 6 janvier 2017 par laquelle le préfet des Ardennes a décidé sa remise aux autorités hongroises.

Par un jugement n° 1700179 du 9 février 2017, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé la décision attaquée.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 27 février 2017, le préfet des Ardennes demande à la cour d'annuler le jugement n° 1700179 du 9 février 2017 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne et de rejeter la demande de M. D... B....

Le préfet des Ardennes soutient qu'il n'a pas méconnu le droit d'asile dès lors que, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, il n'est pas établi qu'il existait, à la date à laquelle est intervenu l'arrêté contesté, des motifs sérieux et avérés de croire que, si M. B...était effectivement remis aux autorités hongroises, il ne bénéficierait pas personnellement d'un examen de sa demande d'asile dans des conditions conformes aux garanties exigées par le respect du droit d'asile et risquerait ainsi de subir des traitements contraires à l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 juin 2017, M.B..., représenté par MeA..., conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son avocat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par le préfet n'est fondé.

L'instruction a été close le 19 juin 2017.

M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision en date du 29 mai 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Rees, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D... B..., né le 3 mars 1995, de nationalité afghane, est entré irrégulièrement sur le territoire national le 22 juillet 2016, selon ses déclarations. Le 23 septembre suivant, il y a sollicité la reconnaissance du statut de réfugié. L'examen de ses empreintes digitales ayant révélé qu'elles avaient déjà été relevées en Hongrie, le préfet des Ardennes a, le 27 septembre 2016, saisi les autorités hongroises d'une demande de reprise en charge de l'intéressé. Se fondant sur leur accord implicite, le préfet a, par un arrêté du 6 janvier 2017, décidé de remettre M. B...aux autorités hongroises.

2. Le préfet des Ardennes relève appel du jugement du 9 février 2017 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé cet arrêté.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :

3. Il ressort des termes du jugement attaqué que le tribunal de Châlons-en-Champagne a annulé l'arrêté en litige au motif qu'il existait des raisons sérieuses et avérées de croire que, s'il était effectivement remis aux autorités hongroises, M. B...ne bénéficierait pas personnellement d'un examen de sa demande d'asile dans des conditions conformes aux garanties exigées par le respect du droit d'asile et risquerait ainsi de subir des traitements contraires à l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

4. Aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, dont M. B...a invoqué la méconnaissance : " Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement ".

5. Aux termes de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dont M. B...a également invoqué la méconnaissance au soutien de son moyen : " Nul ne peut être soumis à la torture, ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

6. En se bornant à soutenir qu'il a été maltraité et blessé à l'épaule par des coups portés par la police hongroise lorsqu'il se trouvait en Hongrie, et à faire état des déclarations, certes alarmantes, du Haut Commissaire des Nations-Unies aux droits de l'homme, tenues en septembre 2015, quant à l'attitude des autorités hongroises vis-à-vis des demandeurs d'asile à l'époque, M. B...n'établit pas qu'à la date de la décision attaquée, en cas de retour en Hongrie, il aurait été privé d'un examen de sa demande d'asile et aurait été personnellement exposé au risque d'un traitement contraire à l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Dès lors, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en ne faisant pas usage du pouvoir discrétionnaire que lui confère l'article 17 du règlement précité, le préfet a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.

7. Le préfet est ainsi fondé à soutenir que c'est à tort que, pour annuler son arrêté, le tribunal s'est fondé sur le motif rappelé au point 3.

8. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B...tant devant le tribunal administratif de Strasbourg que devant la cour en appel.

Sur les autres moyens soulevés par M.B... :

9. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que la demande de reprise en charge du 27 septembre 2016 n'a pas été présentée aux autorités hongroises conformément aux dispositions des articles 23 et 24 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Au demeurant, il ressort des pièces du dossier que les autorités françaises se sont vu remettre par les autorités européennes un constat d'accord implicite de la Hongrie, lequel est de nature à démontrer la régularité de la demande de reprise en charge.

10. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que, conformément à l'article 5 du même règlement, M. B...a été reçu en entretien individuel, comme en atteste le compte-rendu de cet entretien, daté du 23 septembre 2016 et signé par l'intéressé.

11. En troisième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement UE n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : / a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un État membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un État membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'État membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; / b) des critères de détermination de l'État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un État membre peut mener à la désignation de cet État membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; / c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les États membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; / d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; (...) / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend (...) ".

12. Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement du 26 juin 2013 doit se voir remettre, dès le moment où le préfet est informé de ce qu'il est susceptible d'entrer dans le champ d'application de ce règlement, une information complète sur ses droits, par écrit et dans une langue qu'il comprend. Cette information doit comprendre l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement.

13. Il ressort des pièces du dossier que M. B...s'est vu remettre, contre signature, par les services de la préfecture, un document intitulé " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de l'analyse de ma demande ' " (brochure A), un autre intitulé " Je suis sous procédure Dublin - qu'est-ce que cela signifie ' " (brochure B) et un dernier intitulé " Guide du demandeur d'asile ". Il n'est pas contesté que ces documents, rédigés en langue pachtoune, que M. B...a déclaré comprendre, comportent l'ensemble des éléments d'information énumérés par les dispositions précitées de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.

14. En quatrième et dernier lieu, M. B...ne peut pas utilement faire valoir que le préfet a méconnu les dispositions de l'article 26 du même règlement, qui concernent les formalités de notification de la décision en litige, lesquelles sont par définition postérieures à la date de son édiction, à laquelle sa légalité doit s'apprécier.

15. En conclusion de tout ce qui précède, le préfet des Ardennes est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé l'arrêté du 6 janvier 2017 par lequel il a décidé de remettre M. B...aux autorités hongroises. Dès lors, il est fondé à demander l'annulation de ce jugement ainsi que le rejet de la demande présentée devant le tribunal par M.B.... Par voie de conséquence, les conclusions de M. B...à fin d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées.

Par ces motifs,

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1700179 du 9 février 2017 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. D...B...devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne et les conclusions présentées devant la cour à fin d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. D...B....

Copie en sera adressée au préfet des Ardennes et à M. le Procureurde la République, près le tribunal de grande instance de Charleville-Mézières.

2

N° 17NC00480


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17NC00480
Date de la décision : 14/12/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095-02-03


Composition du Tribunal
Président : M. MESLAY
Rapporteur ?: M. Philippe REES
Rapporteur public ?: M. FAVRET
Avocat(s) : LEBAAD

Origine de la décision
Date de l'import : 02/01/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2017-12-14;17nc00480 ?
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