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23/11/2017 | FRANCE | N°17NC00229

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 23 novembre 2017, 17NC00229


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... E...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner l'hôpital intercommunal de Soultz-Issenheim à lui verser la somme de 81 122 euros en réparation du préjudice financier qu'il estime avoir subi et la somme de 10 000 euros en réparation de son préjudice moral en raison des agissements fautifs de l'hôpital intercommunal.

Par un jugement n° 1302327 du 1er décembre 2016, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête e

t un mémoire enregistrés le 2 février et le 12 octobre 2017, M. E..., représenté par MeD..., ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... E...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner l'hôpital intercommunal de Soultz-Issenheim à lui verser la somme de 81 122 euros en réparation du préjudice financier qu'il estime avoir subi et la somme de 10 000 euros en réparation de son préjudice moral en raison des agissements fautifs de l'hôpital intercommunal.

Par un jugement n° 1302327 du 1er décembre 2016, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 2 février et le 12 octobre 2017, M. E..., représenté par MeD..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif ;

2°) de condamner l'hôpital intercommunal de Soultz-Issenheim à lui verser la somme de 91 122 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis ;

3°) de mettre à la charge de l'hôpital intercommunal de Soultz-Issenheim une somme de 2 000 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, l'hôpital intercommunal de Soultz-Issenheim a commis, de manière constante et répétée, des agissements fautifs qui ont conduit à une dégradation de ses conditions de travail et ont gravement affecté sa santé ; en effet, l'hôpital a remis en cause ses compétences et l'a privé de nombreuses missions et activités, a pris des décisions conduisant à une dégradation de ses conditions de travail, ce qui a altéré sa santé ;

- son préjudice lié directement aux fautes de l'hôpital et comprend les pertes de rémunérations des tours de garde dont il a été exclu, la perte de la prime annuelle de service et des sommes liées à la compensation du pouvoir d'achat, les pertes de revenus dues à l'interdiction d'assurer une journée de formation le 26 septembre 2012, la perte de jours de congés exceptionnels pour remise de la médaille du travail qui ne lui a pas été décernée, la perte des heures supplémentaires non rémunérées, la perte de salaires liée au refus de congé de longue maladie, la perte de salaires liée à la mise à la retraite d'office ;

- son préjudice moral dû aux mesures prises contre lui justifie l'allocation d'un montant forfaitaire de 10 000 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 juillet 2017, l'hôpital intercommunal de Soultz-Issenheim, représenté par MeB..., conclut :

- au rejet de la requête ;

- à ce que soit mise à la charge de M. E...une somme de 3 000 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il n'a pas commis de fautes ;

- M. E...n'a pas été victime de harcèlement, contrairement à ce qu'il soutient ;

- les préjudices invoqués ne sont pas justifiés dans leur principe comme dans leurs montants.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- le décret n° 88-386 du 19 avril 1988 ;

- le décret n° 88-976 du 13 octobre 1988 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Stefanski, président,

- les conclusions de M. Favret, rapporteur public,

- et les observations de Me C...substituant Me D...pour M.E....

Considérant ce qui suit :

1. M. F...E...a été recruté à compter du 1er juin 2009 par l'hôpital intercommunal de Soultz-Issenheim en qualité de cadre supérieur de santé avec des fonctions de directeur des soins. M.E..., qui soutient que l'hôpital a commis des fautes car il a fait l'objet de manière constante et répétée d'agissements fautifs qui ont conduit à une dégradation de ses conditions de travail et ont gravement affecté sa santé, interjette appel du jugement du 1er décembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'hôpital à l'indemniser de ses préjudices.

2. Aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 relative aux droits et obligations des fonctionnaires : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ".

3. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements, dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral, revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral (Conseil d'Etat, 11 juillet 2011, n° 321225).

4. M. E...soutient que l'hôpital intercommunal de Soultz-Issenheim a commis des fautes dès lors qu'à partir du recrutement en juillet 2011 de MmeA..., nommée directrice des soins, sa situation professionnelle s'est dégradée alors qu'il avait donné satisfaction dans sa longue carrière antérieure comme depuis son arrivée à l'hôpital. A cet effet, le requérant fait valoir que ce recrutement a remis en cause ses conditions de travail, en ce qu'il n'a pas donné lieu à éclaircissements sur le partage des missions, que la confusion des fonctions s'est poursuivie par une dévalorisation progressive de ses tâches qui ont changé fréquemment sans décision écrite et ont diminué au profit de celles confiées à MmeA..., qu'il a été écarté du tableau des gardes administratives et de réunions, a été privé des clefs donnant accès à toutes les pièces de l'établissement et a dû changer de bureau. Il soutient également qu'il a fait l'objet de reproches de plus en plus vifs et d'une évaluation au titre de 2012 dont les termes excédaient l'expression normale du pouvoir hiérarchique, que l'introduction de sa demande indemnitaire le 5 mars 2013 a conduit l'administration à lui manifester davantage d'hostilité, à engager une procédure disciplinaire à son encontre et à faire en sorte en intervenant auprès des autorités judiciaires que soit rejetée sa demande d'agrément en vue d'exercer les fonctions de mandataire à la protection des majeurs alors qu'il avait suivi une formation spécifique et que l'ensemble de ces fautes l'ont conduit à une grave dépression.

5. L'hôpital intercommunal de Soultz-Issenheim soutient d'une part, que la requête de M. E... méconnaît l'autorité de la chose jugée par le tribunal administratif de Strasbourg qui, par un jugement devenu définitif, a rejeté le recours pour excès de pouvoir dirigé par l'appelant contre la décision par laquelle le directeur de l'hôpital l'avait mis à la retraite d'office. Cependant les deux litiges n'ayant pas le même objet et la même cause, le moyen présenté par le défendeur doit être rejeté.

6. D'autre part, il résulte de l'instruction notamment des pièces et témoignages produits par l'hôpital, qu'avant l'arrivée de MmeA..., M. E... n'avait pas donné entière satisfaction dans l'exercice des nouvelles fonctions de directeur des soins qu'il exerçait depuis son entrée en fonction à l'hôpital intercommunal de Soultz-Issenheim, notamment en ce qui concerne l'élaboration d'une demande de certification que l'hôpital souhaitait obtenir et qui faisait partie des objectifs définis lors de son engagement et qu'il n'a pas réalisée. Il résulte également des mêmes pièces que M. E...rencontrait certaines difficultés d'organisation et faisait preuve d'un manque de rigueur, qui ont conduit à des retards ou à des erreurs, que des membres du personnel ou des familles de résidents se sont plaints de difficultés relationnelles et de difficultés d'organisation, notamment de réunions. De plus, l'appelant a commis des fautes en affirmant, contre l'avis des médecins, que l'isolement de plusieurs malades devait être levé.

7. Ainsi, il ressort de ces éléments, que les décisions de l'hôpital, critiquées par M. E..., ont consisté en des mesures de réorganisation des services rendues nécessaires par les difficultés de l'intéressé à réaliser ses tâches. S'il est vrai que l'administration n'a pas toujours informé précisément par écrit M. E...de l'évolution de ses fonctions dans le cadre de cette réorganisation et s'il n'a pas toujours été répondu immédiatement aux lettres de l'appelant manifestant son incompréhension face à cette situation, le directeur de l'établissement a reçu à plusieurs reprises l'intéressé et les appréciations portées au titre de la notation des années 2011 et 2012, qui ne comportent pas de termes excessifs ou manifestant une hostilité à l'égard de M.E..., mentionnaient les insuffisances constatées et invitaient M. E...à en tenir compte pour l'avenir. Il ressort de la liste des tâches confiées au requérant, produite par l'administration, que M. E...a continué à participer à des réunions et à avoir des fonctions de "référent" pour certaines tâches de vigilance. Dans ces conditions, et alors même que M. E...produit quelques témoignages en sa faveur, l'attitude de l'administration, y compris lorsqu'elle a averti les autorités judiciaires qu'en raison de l'état dépressif de l'intéressé, il pourrait être difficile de lui confier la tutelle de majeurs, qui n'apparaît pas comme manifestant une hostilité à l'égard de l'appelant, mais comme répondant à une nécessité de réorganisation des services, n'est pas constitutive de fautes de nature à engager sa responsabilité. Si le 24 septembre 2012, le requérant a été victime d'une dépression, alors qu'il avait eu un entretien avec le directeur de l'hôpital le 21 septembre, il ne résulte pas de l'instruction que cet état de santé, même s'il pouvait ne pas être dépourvu de lien avec la situation professionnelle de l'intéressé, ait été causé par des fautes commises par l'administration.

8. Il résulte de ce qui précède que M. E...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'hôpital intercommunal de Soultz-Issenheim, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande M. E...au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

10. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions de mettre à la charge de M. E...la somme que l'hôpital intercommunal de Soultz-Issenheim demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Par ces motifs,

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. F...E...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de l'hôpital intercommunal de Soultz-Issenheim relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article3 : Le présent arrêt sera notifié à M. F...E...et à l'hôpital intercommunal de Soultz-Issenheim.

Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.

2

N° 17NC00229


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17NC00229
Date de la décision : 23/11/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-13-03 Fonctionnaires et agents publics. Contentieux de la fonction publique. Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : M. MESLAY
Rapporteur ?: Mme Colette STEFANSKI
Rapporteur public ?: M. FAVRET
Avocat(s) : GENTIT

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2017-11-23;17nc00229 ?
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