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26/10/2017 | FRANCE | N°16NC00653

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 26 octobre 2017, 16NC00653


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 24 février 2012 par lequel le recteur de l'académie de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à une reprise d'ancienneté au titre des services accomplis en tant que maître d'internat ou surveillant d'externat (MI/SE) pour effectuer son reclassement dans l'échelle de rémunération des professeurs certifiés.

Par un jugement n° 1400101 du 11 février 2016, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Proc

édure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 13 avril 2016 et le ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision du 24 février 2012 par lequel le recteur de l'académie de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à une reprise d'ancienneté au titre des services accomplis en tant que maître d'internat ou surveillant d'externat (MI/SE) pour effectuer son reclassement dans l'échelle de rémunération des professeurs certifiés.

Par un jugement n° 1400101 du 11 février 2016, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 13 avril 2016 et le 1er juin 2017, M. A... représenté par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif ;

2°) d'annuler la décision contestée ;

3°) d'enjoindre à l'administration de régulariser le calcul de son ancienneté dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou tout autre montant qu'il plaira à la cour de fixer ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- sa demande de première instance n'était pas tardive, la jurisprudence du Conseil d'Etat mentionnée par le ministre n'ayant pas été confirmée par la rédaction de l'article R. 421-5 du code de justice administrative dans sa version postérieure issue du décret n° 2016-1480 du 2 novembre 2016 ;

- l'auteur de l'acte était incompétent car il avait une délégation de compétence trop générale au regard de l'article D. 222-20 du code de l'éducation ; en outre, c'est à tort que le tribunal administratif a fait peser sur lui la charge de la preuve de la compétence ;

- l'article R. 914-78 du code de l'éducation lui était applicable et non l'article 5 du décret du 19 décembre 2008 ;

- le tribunal administratif a commis une erreur de fait en considérant que le 12 février 2012, il avait présenté une demande sur le fondement de l'article 5 du décret du 19 décembre 2008, alors qu'il n'avait contacté les services du rectorat que pour demander des explications sur la reprise d'ancienneté qui avait été effectuée en 2009 ;

- le tribunal administratif a commis une erreur de droit en limitant la portée du principe de parité et en appliquant les dispositions propres aux maîtres de l'enseignement privé ;

- l'article 5 du décret du 19 décembre 2008 est illégal en ce qu'il méconnaît le principe de parité reconnu en outre par l'article L. 914-1 1er alinéa du code de l'éducation ;

- à titre subsidiaire, il n'a pas été informé du délai de six mois instauré par l'article 5 du décret du 19 décembre 2008 pour présenter sa demande, qui ne lui était donc pas opposable.

Par un mémoire en défense enregistré le 16 novembre 2016, le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche conclut au rejet de la requête.

Il soutient que la demande de première instance était tardive.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'éducation ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- le décret n° 2008-1429 du 19 décembre 2008 ;

- le code de justice administrative ;

- le décret n° 2004-374 du 29 avril 2004.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Stefanski, président,

- les conclusions de M. Favret, rapporteur public,

- et les observations de MeC..., pour M.A....

Considérant ce qui suit :

1. M.A..., professeur du second degré dans l'enseignement privé, a réussi lors de la session de juin 2009, le concours d'accès à l'échelle de rémunération des professeurs certifiés (CAER). Il a reçu une affectation à partir du 1er septembre 2009 et par arrêté du même jour, le recteur de l'académie de Strasbourg l'a reclassé à la date du 1er septembre 2009 dans l'échelle de rémunération des professeurs certifiés de classe normale à l'échelon 7 avec une ancienneté de 16 jours. Le 17 février 2012, M. A...a pris contact par téléphone avec les services du rectorat au motif que ses sept années de service comme maître d'internat ou surveillant d'externat (MI/SE) n'avaient pas été prises en compte dans le cadre de son reclassement. Par décision du 24 février 2012, le recteur lui a opposé un refus au motif qu'en vertu de l'article 5 du décret n° 2008-1429 du 19 décembre 2008, sa demande de reprise d'ancienneté de services devait être présentée dans un délai de six mois à compter du 1er septembre 2009, soit avant le 1er mars 2010. M. A...interjette appel du jugement du tribunal administratif de Strasbourg qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 24 février 2012.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

2. Le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche soutient, d'une part, que M.A..., qui n'a saisi les services du rectorat que le 17 février 2012, n'a pas contesté en temps utile l'arrêté de reclassement du 1er septembre 2009 qui lui avait été régulièrement notifié et dont, en tout état de cause, il a nécessairement eu connaissance " du contenu " avec ses premiers bulletins de paie qui indiquaient l'échelon de classement. Le ministre fait alors valoir que l'arrêté de reclassement étant définitif, la décision du 24 février 2012 était confirmative et ne pouvait rouvrir les délais de recours. Le ministre soutient, d'autre part, qu'en saisissant le tribunal administratif de Strasbourg le 8 janvier 2014 d'un recours contre la décision de refus de reclassement du 24 février 2012, l'intéressé a laissé passer le délai raisonnable de recours dès lors qu'il a eu nécessairement connaissance de cette décision en constatant l'absence de changement de son classement dans ses bulletins de paie et que, par suite, sa demande devant le tribunal administratif était irrecevable.

3. En premier lieu, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que l'arrêté de reclassement du 1er septembre 2009 a été notifié à M.A.... Cet arrêté comportant un reclassement dans l'échelle de rémunération des professeurs certifiés de classe normale à l'échelon 7 avec une ancienneté de 16 jours, la seule circonstance que l'intéressé avait reçu des bulletins de paie mentionnant l'échelon, ne suffisait pas à lui donner connaissance de l'ensemble des éléments de l'arrêté de reclassement. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que l'arrêté du 1er septembre 2009 n'avait pas été contesté en temps utile et était devenu définitif à la date du 24 février 2012, doit être écarté.

4. En second lieu, aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative dans sa rédaction alors en vigueur : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée (...). ".

5. Aux termes de l'article R. 421-5 du code de justice administrative : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ".

6. Toutefois le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci en a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable. En règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance (CE 13 juillet 2016, n° 387763).

7. Il ressort des pièces du dossier que la décision du 24 février 2012 ne comportait pas les voies et délais de recours. Aucune pièce du dossier ne permet d'établir que la décision a été notifiée à M.A..., ni a fortiori de connaître la date de notification à l'intéressé de cette décision ni d'établir à quelle date, à défaut d'une telle notification, celui-ci en a eu connaissance. La seule circonstance, invoquée par le ministre, que M. A...avait nécessairement connaissance du rejet de sa demande dès lors que ses bulletins de paie ne révélaient aucune modification de son reclassement ne suffit pas à établir que M. A...savait que la décision de rejet de sa demande de reclassement avait été prise.

8. Ainsi, les moyens tirés de l'irrecevabilité de la demande de première instance de M. A...ne peuvent être accueillis.

Sur la légalité de la décision du 24 février 2012 et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :

9. Aux termes de l'article L. 914-1 du code de l'éducation : " Les règles générales qui déterminent les conditions de service et de cessation d'activité des maîtres titulaires de l'enseignement public, ainsi que les mesures sociales et les possibilités de formation dont ils bénéficient, sont applicables également et simultanément aux maîtres justifiant du même niveau de formation, habilités par agrément ou par contrat à exercer leur fonction dans des établissements d'enseignement privés liés à l'Etat par contrat. / Ces maîtres bénéficient également des mesures de promotion et d'avancement prises en faveur des maîtres de l'enseignement public (...) ".

10. Si ces dispositions étendent les mesures et règles générales, applicables aux maîtres titulaires de l'enseignement public, à ceux, ayant le même niveau de formation, exerçant dans l'enseignement privé sous contrat, elles n'ont ni pour objet ni pour effet de supprimer toute différence de traitement dans la gestion de la situation respective de ces deux catégories d'enseignants, ni de rendre inapplicables les dispositions spécifiques propres aux seuls maîtres de l'enseignement privé sous contrat.

11. Aux termes de l'article R. 914-78 du code de l'éducation créé par le décret n° 2008-1429 du 19 décembre 2008 relatif aux dispositions réglementaires du chapitre IV du titre 1er du livre IX du code de l'éducation : " Les maîtres reçus aux différents concours du premier et du second degré sont classés, après avis de la commission consultative mixte compétente, dans leur échelle de rémunération dans les mêmes conditions que les enseignants reçus aux concours correspondants de l'enseignement public (...) ".

12. Aux termes de l'article 5 du même décret : " Les maîtres titulaires d'un contrat ou d'un agrément provisoire ou définitif qui sont en activité (...) bénéficient, sur leur demande, d'une reprise d'ancienneté, dans les conditions définies à l'article R. 914-78 du même code, des services non pris en compte lors de leur classement dans une échelle de rémunération. / Cette reprise d'ancienneté ne peut être attribuée qu'une fois au cours de la carrière des intéressés. / La demande de reprise d'ancienneté, accompagnée des pièces justificatives établissant notamment la durée des services à prendre en compte, doit être présentée dans un délai de six mois à compter du 1er septembre 2009, (...) Les maîtres contractuels ou agréés qui bénéficient d'une reprise d'ancienneté font l'objet du reclassement d'échelon auquel cette reprise leur ouvre droit, sur la base de l'avancement d'échelon à l'ancienneté de leur échelle de rémunération ".

13. Il ressort des dispositions combinées des articles R. 914-78 du code de l'éducation et de l'article 5 du décret du 19 décembre 2008, que les maîtres reçus à un concours du premier et second degré à compter de l'entrée en vigueur de l'article R. 914-78 sont classés dans les mêmes conditions que les enseignants reçus aux concours correspondants de l'enseignement public. L'article 5 du décret du 19 décembre 2008, qui instaure une limite dans le temps jusqu'au 1er mars 2010 pour demander une reprise d'ancienneté, ne s'applique, selon ses termes mêmes, qu'aux maîtres en activité, soit à ceux qui étaient en activité lors de l'entrée en vigueur de l'article 5 du décret. Ainsi, M. A...qui a été reçu au concours d'accès à l'échelle de rémunération des professeurs certifiés (CAER) lors de la session 2009, et a été nommé par arrêté du 1er septembre 2009, relevait de l'application du seul article R. 914-78 du code et non de l'article 5 du décret du 19 décembre 2008. Par suite, le délai de demande de reprise d'ancienneté prévu par l'article 5 dudit décret ne pouvait lui être légalement opposé. Dans ces conditions, c'est à tort que le recteur de l'académie de Strasbourg a rejeté la demande de M. A...au motif que celle-ci n'avait pas été faite avant le 1er mars 2010.

14. Il résulte de ce qui précède que M. A...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

15. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu d'enjoindre au recteur de l'académie de Strasbourg de réexaminer la demande de M. A...dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à M. A...au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Par ces motifs,

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 11 février 2016 ainsi que la décision du recteur de l'académie de Strasbourg sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au recteur de l'académie de Strasbourg de réexaminer la demande de M. A...dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir.

Article 3 : L'Etat versera à M. A...une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et au ministre de l'éducation nationale.

Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.

2

N° 16NC00653


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16NC00653
Date de la décision : 26/10/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

30-02-03-02 Enseignement et recherche. Questions propres aux différentes catégories d'enseignement. Enseignement technique et professionnel. Personnel enseignant.


Composition du Tribunal
Président : M. MESLAY
Rapporteur ?: Mme Colette STEFANSKI
Rapporteur public ?: M. FAVRET
Avocat(s) : BRIGNATZ

Origine de la décision
Date de l'import : 14/11/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2017-10-26;16nc00653 ?
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