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26/10/2017 | FRANCE | N°16NC00536

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 26 octobre 2017, 16NC00536


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme I...F...a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 23 mars 2015 par lequel le président du centre communal d'action sociale de Besançon a prononcé sa révocation.

Par un jugement no 1500718 du 4 février 2016, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 30 mars 2016, MmeF..., représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement no 1500718 du 4 févrie

r 2016 du tribunal administratif de Besançon ;

2°) d'annuler l'arrêté du 23 mars 2015 par lequel le prés...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme I...F...a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 23 mars 2015 par lequel le président du centre communal d'action sociale de Besançon a prononcé sa révocation.

Par un jugement no 1500718 du 4 février 2016, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 30 mars 2016, MmeF..., représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement no 1500718 du 4 février 2016 du tribunal administratif de Besançon ;

2°) d'annuler l'arrêté du 23 mars 2015 par lequel le président du centre communal d'action sociale de Besançon a prononcé sa révocation ;

3°) de condamner le centre communal d'action sociale de Besançon à lui verser une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Mme F...soutient que :

- l'arrêté attaqué méconnaît l'obligation de motivation prévue par la loi du 11 juillet 1979 dès lors qu'il ne détaille pas de manière suffisamment précise les faits qui lui sont reprochés ;

- l'utilisation de titre de transports au profit de ses filles n'est établie qu'à hauteur de 667,60 euros et non de 1 733,60 euros ;

- les négligences et irrégularités dans la tenue de la régie d'avance dite de secours, dénoncées par des agents malveillants à son égard ne sont pas établies, ne lui sont pas toutes imputables et ne peuvent être qualifiées de fautes disciplinaires dès lors qu'elles ne se sont plus reproduites après le rappel à l'ordre dont elle a fait l'objet le 7 juin 2013 ;

- la sanction prononcée est disproportionnée par rapport aux faits qui lui sont reprochés, au contexte dans lequel ils ont été commis et à sa carrière jusqu'alors sans reproche.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 juillet 2016, le centre communal d'action sociale de Besançon, représenté par MeJ..., de la SCP Sartorio-J... -Sagalovitsch et Associés, conclut au rejet de la requête et à la condamnation de Mme F...à lui verser la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Le centre communal d'action sociale de Besançon soutient qu'aucun des moyens soulevés par la requérante n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code pénal ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 89-677 du 18 septembre 1989 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Rees, premier conseiller,

- les conclusions de M. Favret, rapporteur public,

- et les observations de MeH..., pour le centre communal d'action sociale de Besançon.

Le 6 octobre 2017, Mme I...F...et le centre communal d'action sociale de Besançon ont chacun déposé une note en délibéré.

Considérant ce qui suit :

1. Mme I... F...a été recrutée le 9 septembre 1996 par le centre communal d'action sociale (CCAS) de Besançon en qualité d'assistant socio-éducatif et affectée au service d'accueil et d'accompagnement social (SAAS), dont elle est devenue la responsable à compter du 1er août 2001. Le 1er janvier 2010, elle a été promue au grade d'attachée territoriale, titularisée le 1er juillet suivant, et maintenue dans les fonctions de chef du même service. Un contrôle du fonctionnement de la régie d'avances du SAAS, en mars 2013, suivi d'une enquête administrative en avril 2014, ont débouché sur une procédure disciplinaire engagée à son encontre pour divers manquements à ses obligations. Par un arrêté du 23 mars 2015, le président du centre communal d'action sociale de Besançon, suivant l'avis du conseil de discipline du 12 mars précédent, a prononcé la révocation de MmeF....

2. L'exécution de cette décision a été suspendue par une ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Besançon du 25 juin 2015, mais par un jugement du 4 février 2016, dont Mme F...relève appel, le même tribunal a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 mars 2015.

Sur la légalité de la sanction litigieuse :

En ce qui concerne la légalité externe :

3. Mme F...reprend en appel le moyen qu'elle avait invoqué en première instance, tiré de la motivation insuffisante de l'arrêté attaqué. Il y a lieu d'écarter ce moyen, que Mme F...développe à l'identique, sans apporter d'élément nouveau, par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif de Besançon.

En ce qui concerne la légalité interne :

4. La sanction en litige est fondée sur trois séries de faits reprochés à MmeF... : l'émission de bons de transport au bénéfice de ses proches, des négligences comptables dans la gestion de la régie d'avances dite de secours et des régularisations de bordereaux postérieurement à la délivrance des fonds, et la fourniture de stupéfiants à une personne en difficulté. Le président du centre communal d'action sociale de Besançon a estimé que ces faits justifient la révocation de l'intéressée dès lors qu'ils traduisent des manquements au devoir de probité et d'exemplarité attendu d'un cadre dirigeant de la fonction publique territoriale.

5. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire, constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

En ce qui concerne la matérialité des faits reprochés :

6. En premier lieu, Mme F...conteste la matérialité des faits qui lui sont reprochés en ce qui concerne les négligences comptables dans la gestion de la régie d'avances dite de secours. Elle fait valoir que ces faits ont été dénoncés par deux agents de son service animés d'intentions malveillantes à son égard et que le centre communal d'action sociale n'en établit pas la réalité.

7. Les intentions malveillantes que Mme F...prête à ses dénonciatrices sont, en tout état de cause, sans incidence sur la matérialité des faits qui lui sont reprochés. La requérante ne peut donc pas utilement s'en prévaloir.

8. La décision attaquée indique que " les faits relatifs à la régie de secours, consistant en des négligences comptables et des régularisations de bordereaux a posteriori de la délivrance des fonds sont également établis et traduisent une insuffisante rigueur dans la gestion de cette régie ". Il ressort de ces termes que les faits reprochés à Mme F...portent tant sur la régularisation a posteriori de certaines anomalies comptables que sur l'existence même de ces anomalies.

9. Il ressort des pièces du dossier que le fonctionnement de la régie a fait l'objet d'un contrôle approfondi initié en mars 2013, à l'issue duquel le directeur général adjoint du centre communal d'action sociale a, le 7 juin 2013, adressé à Mme F...une note la rappelant au respect des règles de fonctionnement de la régie à appliquer par son service et ses agents. Ce contrôle, ainsi que le rappelle le rapport de saisine du conseil de discipline, a été réalisé en remontant jusqu'au 1er février 2012, à partir des bordereaux " régie d'avance des secours " et des " demandes d'aides financières ", et si son déclenchement résulte du constat d'un déficit de caisse de la régie, il a permis de révéler également diverses anomalies de gestion, notamment dans l'instruction des demandes d'aides et la signature des bordereaux.

10. Par ailleurs, s'il ressort du rapport de saisine du conseil de discipline que les irrégularités dénoncées en janvier 2014 par MmeA..., adjointe de MmeF..., et Mme C..., régisseur titulaire, dont les accusations sont à l'origine des poursuites disciplinaires, portent sur des bordereaux relatifs aux aides émis entre mars et juin 2012, il ne ressort pas des pièces du dossier que ces documents n'ont pas été examinés dans le cadre du contrôle du fonctionnement de la régie, qui a porté notamment sur cette période.

11. Ainsi, les faits reprochés à MmeF..., y compris ceux dénoncés en janvier 2014, correspondent aux irrégularités relevées lors du contrôle du fonctionnement de la régie.

12. Mme F...a reconnu, de manière générale, ces irrégularités lors des entretiens menés les 15 et 22 avril 2014 dans le cadre de la procédure disciplinaire. Elle les admet également dans ses écritures devant la cour avant de faire valoir qu'elles ne se sont plus reproduites après la note du 7 juin 2013.

13. Elle ne conteste ces irrégularités qu'en ce qui concerne les anomalies entachant les bordereaux nos 47 et 51. Ces bordereaux, annexés au rapport de saisine du conseil de discipline, ont été établis les 13 et 26 juin 2012, dates auxquelles Mme F...était hospitalisée, et signés respectivement par Mme C...et MmeA.... Mme F...est donc fondée à soutenir qu'elle n'en est pas l'auteur.

14. Toutefois, ces deux bordereaux ne constituent qu'une partie des irrégularités relevées. Dès lors, la circonstance qu'ils ont été pris en compte à tort n'est pas de nature à remettre en cause le bien-fondé du grief d'une insuffisante rigueur dans la gestion de la régie, sur lequel repose la décision attaquée.

15. En second lieu, Mme F...soutient que les bons de transport émis au bénéfice de ses proches entre 2012 et 2014 l'ont été pour un montant total de 667,60 euros seulement, et non de 1 733,60 euros comme le soutient le centre communal d'action sociale.

16. Cependant, la décision en litige n'est pas fondée sur le montant des détournements commis mais sur leur existence même. Par ailleurs, l'ampleur des détournements commis est corroborée par les pièces produites par la requérante elle-même et est, en tout état de cause, établie par l'ordonnance d'homologation et statuant sur l'action civile du tribunal de grande instance de Besançon du 21 avril 2006.

En ce qui concerne la qualification des faits reprochés :

17. Mme F...soutient que le manque de rigueur et les irrégularités dans la gestion de la régie ne sauraient caractériser une faute disciplinaire dès lors que ces dysfonctionnements ont fait l'objet, le 7 juin 2013, d'un simple rappel au respect des règles comptables adressé à Mme F...et que, suite à la suite de ce rappel, aucune nouvelle irrégularité n'a été relevée.

18. Toutefois, la qualification de faits caractérisant une faute disciplinaire ne saurait être remise en cause par la circonstance que l'autorité disciplinaire décide, dans un premier temps, de ne pas les sanctionner, ni par la circonstance que ces faits ne sont pas réitérés postérieurement à cette décision. Le moyen ne peut donc qu'être écarté comme inopérant.

En ce qui concerne le choix de la sanction :

19. Le manque de rigueur qui est reproché à Mme F...dans la gestion de la régie ne repose que sur des irrégularités commises ponctuellement par elle-même ou les agents du service portant sur des montants minimes. En outre, les témoignages produits par la requérante, et non contredits par le centre communal d'action sociale, montrent que ces pratiques étaient connues au sein de ce dernier. Enfin, alors que le centre communal d'action sociale a choisi, dans un premier temps, de demander à Mme F...de rétablir un fonctionnement régulier de la régie, il est constant qu'aucune nouvelle irrégularité n'a été relevée à la suite de ce rappel à l'ordre.

20. Par ailleurs, il ressort des témoignages des Docteurs B...et François, de M. G..., infirmier, et de Mmes E...etK..., infirmières, que la personne sans domicile fixe atteinte d'un cancer à un stade terminal, à qui Mme F...a, fin 2012, fourni de la marijuana, était en grande souffrance, refusait néanmoins tout soin mais réclamait ce produit stupéfiant afin de trouver un soulagement. Mme F...n'a pris l'initiative de lui en fournir, à une unique reprise, qu'après lui avoir rendu visite dans son squat, avec les infirmiers et infirmières pendant deux semaines. Le Dr B...indique, dans son témoignage, que ce geste, qu'il qualifie de geste " d'humanité ", a permis de convaincre cet homme d'accepter son transfert dans une unité de soins palliatifs où il est décédé quelques jours plus tard. Si Mme F...a de ce fait facilité l'usage illicite d'un produit stupéfiant et commis une infraction pénale, la gravité de la faute disciplinaire que constitue également ce geste est atténuée par son caractère isolé, le contexte de sa commission et l'intention qui l'animait.

21. En revanche, Mme F...a reconnu l'émission frauduleuse de bons de transport au bénéfice de ses proches. Par une ordonnance d'homologation et statuant sur l'action civile, le tribunal de grande instance de Besançon du 21 avril 2006 l'a condamnée pour détournement ou soustraction de fonds publics à 6 mois d'emprisonnement avec sursis et à un an d'interdiction d'exercer l'activité professionnelle ayant permis la commission de l'infraction et d'exercice d'une fonction publique. Ces faits d'utilisation frauduleuse de bons de transport sont constitutifs, à eux seuls, d'une faute de nature à justifier la mesure de révocation contestée, d'autant que les fonctions de responsable de service imposaient à la requérante des obligations particulières de rigueur, de probité et d'exemplarité.

22. Ni l'absence de poursuite disciplinaire à l'encontre de Mme F...auparavant, ni les bonnes appréciations dont elle avait fait l'objet ne sont de nature à atténuer la gravité de cette faute. Quant aux difficultés personnelles qu'elle dit avoir rencontrées à partir de 2008 et qui se seraient aggravées à partir de 2012, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elles aient altéré son discernement au moment où elle a commis les faits qui lui sont reprochés.

23. Il résulte de tout ce qui précède que Mme F...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande. Dès lors, ses conclusions à fin d'annulation du jugement et de l'arrêté attaqués, ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent qu'être rejetées.

24. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de Mme F... une somme à verser au centre communal d'action sociale de Besançon en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par ces motifs,

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme I...F...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du centre communal d'action sociale de Besançon tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme I...F...et au centre communal d'action sociale de Besançon.

Copie en sera adressée au préfet du Doubs.

2

N° 16NC00536


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16NC00536
Date de la décision : 26/10/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Discipline - Motifs.

Fonctionnaires et agents publics - Discipline - Sanctions - Erreur manifeste d'appréciation.


Composition du Tribunal
Président : M. MESLAY
Rapporteur ?: M. Philippe REES
Rapporteur public ?: M. FAVRET
Avocat(s) : SCP NICOLIER-SIMPLOT

Origine de la décision
Date de l'import : 14/11/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2017-10-26;16nc00536 ?
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