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05/10/2017 | FRANCE | N°16NC01296

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 05 octobre 2017, 16NC01296


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'EARL de la Hesse a demandé au tribunal administratif de Nancy de condamner l'Etat à lui verser une somme de 14 063 euros assortie des intérêts à compter du 16 septembre 2013, en réparation des préjudices nés de l'absence de mise en oeuvre de l'aide à l'engraissement des jeunes bovins au titre de la campagne correspondant à l'année civile 2012.

Par un jugement n° 1400077 du 26 avril 2016, le tribunal administratif a condamné l'Etat à verser à l'EARL de la Hesse une somme de 3 902, 60 euros as

sortie des intérêts au taux légal à compter du 16 septembre 2013.

Procédure devant...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'EARL de la Hesse a demandé au tribunal administratif de Nancy de condamner l'Etat à lui verser une somme de 14 063 euros assortie des intérêts à compter du 16 septembre 2013, en réparation des préjudices nés de l'absence de mise en oeuvre de l'aide à l'engraissement des jeunes bovins au titre de la campagne correspondant à l'année civile 2012.

Par un jugement n° 1400077 du 26 avril 2016, le tribunal administratif a condamné l'Etat à verser à l'EARL de la Hesse une somme de 3 902, 60 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 16 septembre 2013.

Procédure devant la cour :

Par un recours et un mémoire enregistrés le 27 juin 2016 et 6 avril 2017, le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif ;

2°) de rejeter la demande de première instance de l'EARL de la Hesse.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier pour insuffisance de motivation ;

- la réalité et le montant des préjudices allégués par l'EARL ne sont pas démontrés ;

- en tout état de cause, le lien de causalité direct entre les préjudices et le fait que l'aide n'ait finalement pas été mise en oeuvre n'est pas établi.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 15 septembre 2016 et le 11 avril 2017, l'EARL de la Hesse, représentée par MeB..., conclut :

- au rejet du recours ;

- à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le recours n'est pas recevable en l'absence de qualité de son auteur pour le signer ;

- le recours du 27 juin 2016 est insuffisamment motivé ;

- la faute de l'Etat n'est pas contestée ;

- l'EARL a adhéré à une organisation de producteurs afin de bénéficier de l'aide annoncée, a signé un contrat tripartite pour la vente de ses bêtes, a orienté ses animaux vers le mode de valorisation prévu par l'aide annoncée pour 2012, ce qui l'a privée de bénéfices, d'autant plus que ses acheteurs ont établi leur prix en fonction de l'aide dont la création était annoncée ; ainsi, son préjudice est établi.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (CE) n° 73/2009 du Conseil du 19 janvier 2009 ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Stefanski, président,

- les conclusions de M. Favret, rapporteur public,

- et les observations de Mme A...pour le ministre de l'agriculture et de l'alimentation.

Considérant ce qui suit :

1. Par circulaire du 12 avril 2012, le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt a défini les conditions d'octroi pour la campagne 2012 correspondant à l'année civile, d'une aide à l'engraissement des jeunes bovins instaurée sur le fondement de l'article 68 du règlement (CE) n° 73/2009 du 19 janvier 2009 du Conseil de l'Union européenne autorisant les Etats membres à accorder un soutien spécifique aux agriculteurs notamment dans le secteur de la viande bovine. Parmi les conditions posées par la circulaire figurait la nécessité de produire au moins 50 jeunes bovins dans l'année, de s'inscrire à une organisation de producteurs dont la liste figurait en annexe et celle de signer au plus tard le 15 mai 2012 des contrats avec des abatteurs.

2. Le 3 mai 2012, l'EARL de la Hesse, qui s'était inscrite à une organisation agréée de producteurs à compter du 1er janvier 2012 et avait passé deux contrats tripartites avec des abatteurs dans les conditions de la circulaire en s'engageant à fournir dans l'année, d'une part, 170 têtes et de l'autre 20, a présenté une demande de prime sur un formulaire "Cerfa" propre à l'aide à l'engraissement de jeunes bovins. Toutefois, par circulaire du 29 janvier 2013, le ministre a retiré la circulaire du 12 avril 2012.

3. L'EARL de la Hesse a saisi le tribunal administratif de Nancy, d'une demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 14 063 euros en réparation des préjudices dus à la perte financière qu'elle estimait avoir subie en raison des engagements non tenus par l'Etat. Le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt interjette appel du jugement du 26 avril 2016 par lequel le tribunal administratif a condamné l'Etat à verser à l'EARL une somme de 3 902, 60 euros assortie des intérêts.

Sur la recevabilité du recours :

4. En premier lieu, si le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt avait d'abord présenté un recours sommaire, il a développé son argumentation dans un mémoire complémentaire qui est précisément motivé. Ainsi, le moyen tiré de ce que le recours du ministre n'est pas suffisamment motivé ne peut être accueilli.

5. En second lieu, il résulte des documents joints au mémoire complémentaire produit par l'administration, que par décision du 24 mars 2016 prise sur le fondement de l'article 3 du décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005, la directrice des affaires juridiques du ministère a donné délégation à M.C..., administrateur civil hors classe, pour signer tous actes, à l'exception des décrets, dans la limite des attributions de la sous-direction du droit des produits, des politiques sectorielles et des exploitations, sous-direction appartenant à la direction des affaires juridiques. Le litige ayant trait à un régime d'aides communautaires, il entre dans les compétences de la sous-direction, fixées par le II de l'article 4 de l'arrêté du 30 juin 2008 portant organisation du ministère. Ainsi, le moyen tiré de l'incompétence de M. C... pour signer le recours présenté au nom du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt doit être écarté.

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué :

Sur la réalité du préjudice de l'EARL de la Hesse :

6. Le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt soutient que compte tenu des documents qu'il produit, il n'est pas établi que l'EARL de la Hesse a modifié son comportement par rapport à celui de l'année précédente pour bénéficier de l'aide prévue par la circulaire du 12 avril 2012 et que c'est à tort que le tribunal administratif a jugé que l'EARL aurait pu vendre ses bovins vivants à un meilleur prix à d'autres périodes de l'année 2012 si elle ne s'était pas engagée à livrer chaque mois un certains nombres de bovins aux abatteurs, dans le cadre des contrats tripartites qu'elle avait conclus.

7. Il ressort d'un tableau produit par le ministre, et dont les mentions ne sont pas contestées par la défenderesse, qu'en 2011, l'EARL avait destiné à la boucherie 158 jeunes bovins et qu'en 2012, elle en a vendu 172 pour la boucherie, soit dans les deux cas la presque totalité de sa production, à l'exception de quelques animaux mentionnés comme morts et des animaux destinés à l'élevage ou à la vente "en vifs" au nombre d'une douzaine en 2011 comme en 2012, les opérations de vente les concernant ayant été réalisées, pour les deux années, en avril et en mai.

8. En défense, l'EARL soutient que les éléments de comparaison par rapport à l'année précédente ne sont pas suffisamment pertinents pour démontrer une stratégie générale de l'exploitation, que le prix d'achat de la viande a diminué en 2012 car les acheteurs avaient tenu compte de la prime que leurs clients pourraient percevoir et qu'elle aurait vendu ses animaux à un prix plus élevé en les cédant vivants et en choisissant les périodes où les prix étaient les plus favorables, alors que les contrats conclus avec les abatteurs lui imposaient de vendre un nombre déterminé de têtes chaque mois.

9. Toutefois, l'entreprise n'apporte pas de précisions sur les périodes auxquelles elle aurait pu, en 2012, vendre vivants ses animaux, tous de race limousine, si elle n'avait pas passé de contrats avec des abatteurs, alors qu'en 2011 les quelques animaux vendus vivants l'avaient été à la même période qu'en 2012 et dans une quantité du même ordre de grandeur. Dans ces conditions, la société n'apporte pas d'éléments précis de nature à démontrer qu'elle aurait pu procéder à plus de cessions "en vif" en 2012. De plus, l'EARL n'apporte aucun élément de nature à démontrer que les acheteurs auraient pratiqué une baisse de prix lors de l'achat de viande de boucherie en raison de la prime dont pouvaient bénéficier les producteurs, ni que la vente d'une quantité déterminée d'animaux destinés à la boucherie chaque mois l'a conduite à percevoir des recettes plus faibles que si elle n'avait pas conclu de contrats.

10. Ainsi, le caractère certain du préjudice commercial allégué par l'EARL n'est pas établi.

11. D'autre part, ainsi que le soutient le ministre, l'EARL n'apporte aucune précisions sur les dépenses supplémentaires qu'elle aurait dû exposer pour se conformer aux exigences de la circulaire du 12 avril 2012.

12. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a condamné l'Etat à indemniser l'EARL de la Hesse des préjudices qu'elle soutenait avoir subis.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande l'EARL de la Hesse au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Par ces motifs,

DECIDE :

Article 1er : Le jugement attaqué du tribunal administratif de Nancy du 26 avril 2016 est annulé.

Article 2 La demande présentée devant le tribunal administratif de Nancy et les conclusions de l'EARL de la Hesse relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'agriculture et de l'alimentation et à l'EARL de la Hesse.

Copie en sera adressée au préfet de la Meuse.

2

N° 16NC01296


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16NC01296
Date de la décision : 05/10/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

03-03-06 Agriculture et forêts. Exploitations agricoles. Aides de l'Union européenne.


Composition du Tribunal
Président : M. MESLAY
Rapporteur ?: Mme Colette STEFANSKI
Rapporteur public ?: M. FAVRET
Avocat(s) : DUBAUX

Origine de la décision
Date de l'import : 10/10/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2017-10-05;16nc01296 ?
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