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27/04/2017 | FRANCE | N°16NC01475

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 27 avril 2017, 16NC01475


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...et son épouse F...ont demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la délibération du 23 mars 2015 par laquelle le conseil municipal de la commune d'Issancourt-et-Rumel a adopté son plan local d'urbanisme, en tant que ce dernier a classé les parcelles cadastrées AE n° 104, 105, 113 et 115 en zone Nhl.

Par un jugement no 1501026 du 10 mai 2016, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une

requête et des mémoires complémentaires, enregistrés les 12 juillet et 20 octobre 2016 et l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...et son épouse F...ont demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler la délibération du 23 mars 2015 par laquelle le conseil municipal de la commune d'Issancourt-et-Rumel a adopté son plan local d'urbanisme, en tant que ce dernier a classé les parcelles cadastrées AE n° 104, 105, 113 et 115 en zone Nhl.

Par un jugement no 1501026 du 10 mai 2016, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés les 12 juillet et 20 octobre 2016 et le 2 janvier 2017, M. et MmeB..., représentés par MeD..., demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement no 1501026 du 10 mai 2016 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;

2°) de condamner la commune d'Issancourt-et-Rumel à leur verser une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. et Mme B...soutiennent que :

- l'annulation du jugement est justifiée du seul fait que, par un jugement distinct du même jour, le tribunal a annulé la délibération litigieuse ;

- la délibération a été adoptée de manière irrégulière, le huis clos n'étant pas justifié ;

- le classement des parcelles en cause est entaché d'une erreur de fait, dès lors qu'elles ne sont pas traversées par une rivière mais par un modeste ruisseau ;

- le classement des parcelles en cause est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

- le classement des parcelles en cause révèle une différence de traitement par rapport à d'autres parcelles qui, se trouvant dans la même situation, ont fait l'objet d'un autre classement.

Par un mémoire en défense et des mémoires complémentaires, enregistrés le 31 août 2016, le 31 octobre 2016 et le 10 janvier 2017, la commune d'Issancourt-et-Rumel, représentée par MeE..., conclut au rejet de la requête et à la condamnation de M. et Mme B...à lui verser une somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La commune d'Issancourt-et-Rumel soutient qu'aucun des moyens soulevés par les requérants n'est fondé.

Le 17 janvier 2017, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité du moyen relatif à l'irrégularité de la délibération attaquée.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme,

- le code général des collectivités territoriales,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Rees, premier conseiller,

- les conclusions de M. Favret, rapporteur public,

- et les observations de MeD..., pour M. et MmeB....

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération du 23 mars 2015, le conseil municipal de la commune d'Issancourt-et-Rumel a adopté son plan local d'urbanisme. Les parcelles n° 104, 105, 113 et 115 de la section AE du cadastre y sont classées en zone Nhl. Leurs propriétaires, M. A... B... et son épouse F...B..., ont contesté ce classement devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne.

2. M. et Mme B...relèvent appel du jugement du 10 mai 2016 par lequel le tribunal a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la délibération du 23 mars 2015 approuvant le plan local d'urbanisme de la commune en tant qu'il a classé leurs parcelles en zone Nhl.

Sur l'objet du litige :

3. M. et Mme B...se prévalent d'un jugement distinct du même jour par lequel le tribunal a annulé la délibération litigieuse.

4. Il est constant que, par un jugement n° 1501119 du 10 mai 2016, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a, à la demande de M.C..., annulé la délibération du 23 mars 2015 approuvant le plan local d'urbanisme de la commune. Toutefois ce jugement a été frappé d'un appel que la cour n'a pas encore jugé si bien que l'annulation ainsi prononcée par le tribunal n'est donc pas devenue définitive.

5. Par conséquent, le litige que M. et Mme B...soumettent à la cour conserve son objet.

Sur la légalité de la délibération attaquée :

6. M. et Mme B...soutiennent en premier lieu que la délibération du 23 mars 2015 est entachée d'un vice de procédure dès lors que, pour l'adopter, le conseil municipal a recouru de manière injustifiée au huis clos.

7. Mais, devant les premiers juges, les requérants n'ont soulevé qu'un moyen de légalité interne, tiré de l'erreur manifeste d'appréciation entachant selon eux le classement litigieux. Or, le vice de procédure allégué se rattache à la légalité externe de la délibération, qui constitue une cause juridique distincte. Le moyen étant soulevé pour la première fois en appel, il doit être écarté comme irrecevable.

8. M. et Mme B...soutiennent en deuxième lieu que l'annulation du jugement est justifiée du seul fait que, par un jugement distinct du même jour, le tribunal a annulé la délibération litigieuse.

9. Il est constant que, par un jugement n° 1501119 du 10 mai 2016, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a, à la demande de M.C..., annulé la délibération du 23 mars 2015 approuvant le plan local d'urbanisme de la commune. Mais cette circonstance est sans incidence sur la solution du litige qu'ils soumettent à la cour, dès lors que ce jugement a été frappé d'un appel que la cour n'a pas encore jugé et que, par conséquent, l'annulation ainsi prononcée par le tribunal en excès de pouvoir n'est pas devenue définitive.

10. M. et Mme B...soutiennent en troisième lieu que le classement de leurs parcelles dans le secteur humide et de loisirs de la zone naturelle du plan local d'urbanisme repose sur des erreurs de fait dès lors qu'elles ne sont pas réellement humides et que le cours d'eau qui les traverse n'est pas une rivière, mais un modeste ruisseau.

11. Pour autant, les requérants ne contestent pas que les parcelles litigieuses, exploitées dans le cadre d'une activité piscicole, sont au nombre des " zones humides potentielles " répertoriées au schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux Rhin-Meuse 2010-2015. Par ailleurs, le classement opéré n'est pas fondé sur la seule présence d'un cours d'eau traversant les parcelles, mais également sur le fait qu'elles comportent deux étangs et se trouvent dans un secteur constitué initialement de prairies humides, voire marécageuses. Dès lors, même si le cours d'eau a pu être improprement qualifié de rivière par le commissaire-enquêteur, l'erreur de fait n'est pas établie.

12. M. et Mme B...soutiennent en quatrième lieu que le classement de leurs parcelles procède d'une erreur manifeste d'appréciation.

13. Aux termes de l'article R. 123-8 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors applicable : " Les zones naturelles et forestières sont dites " zones N ". Peuvent être classés en zone naturelle et forestière, les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison : a) Soit de la qualité des sites, milieux et espaces naturels, des paysages et de leur intérêt, notamment du point de vue esthétique, historique ou écologique ; b) Soit de l'existence d'une exploitation forestière ; c) Soit de leur caractère d'espaces naturels ".

14. Il résulte de ces dispositions que le classement d'un secteur naturel de la commune dépend des choix faits par les auteurs du plan local d'urbanisme quant à son urbanisation future ainsi que de l'intérêt que peut présenter la préservation de son caractère naturel. Il résulte également de ces dispositions que la circonstance que des parcelles situées dans un secteur naturel soient équipées, autrement dit matériellement constructibles, ne fait pas obstacle à leur classement en zone N.

15. M. et Mme B...font, tout d'abord, valoir que leurs parcelles ne sont pas inondables et sont desservies par les réseaux d'eau et d'électricité. Mais, d'une part, le caractère inondable d'une parcelle ne constitue pas un critère de son classement en zone naturelle au sens des dispositions de l'article R. 123-8 et le secteur Nh de cette zone dans le plan local d'urbanisme vise les terrains humides et non nécessairement inondables. D'autre part, ainsi qu'il a été dit au point précédent, le caractère équipé des parcelles en cause ne peut être utilement invoqué à l'encontre de leur classement en zone naturelle.

16. M. et Mme B...soutiennent également qu'un certificat d'urbanisme positif leur a été délivré en 2007 pour un projet de construction sur la parcelle n° 113 et que la parcelle n° 115 se trouve au même niveau que la parcelle n° 116 sur laquelle est édifiée leur maison d'habitation. Mais, d'une part, la délivrance d'un certificat d'urbanisme positif ne fait pas obstacle à une modification ultérieure des règles d'urbanisme, d'autre part, la seule circonstance qu'une parcelle se trouve au même niveau qu'une autre ne suffit pas à remettre en cause un classement différencié des deux.

17. M. et Mme B...soutiennent également que certaines parcelles, situées dans des zones plus humides, ont été classées en zone U, tandis que d'autres, situées en amont et en aval des leurs, le long du même ruisseau, ont été classées en zones UH, A et AH.

18. Il ressort toutefois des pièces du dossier que les parcelles classées en zone U sont situées dans un secteur de la commune à la fois distinct et éloigné de celui où se trouvent les parcelles des requérants. Ceux-ci ne peuvent donc pas utilement se prévaloir d'une quelconque incohérence entre le classement de ces parcelles et celui retenu pour les leurs. Quant aux parcelles classées en zones A et AH, la seule circonstance qu'elles soient situées au bord du même ruisseau ne suffit pas à démontrer une incohérence ou une rupture d'égalité dans les choix de classement faits par les auteurs du plan local d'urbanisme.

19. M. et Mme B...ne contestent pas, en revanche, l'état naturel dans lequel se trouvent les parcelles en cause, situées à l'arrière des constructions bordant la route départementale n° 57 et entourées de terres agricoles, ainsi que le montrent les plans et les photographies produits au dossier. Ils ne discutent pas non plus le fait, relevé par le commissaire-enquêteur, que ces parcelles constituent un élément de continuité écologique qui est présenté comme étant à protéger dans les orientations générales du plan local d'urbanisme.

20. Dans ces conditions, l'erreur manifeste d'appréciation ne saurait être retenue.

21. En cinquième lieu, M. et Mme B...soutiennent que le classement de leurs parcelles leur porte préjudice en les empêchant de réaliser un projet commercial.

22. Toutefois, la seule circonstance que le classement de leurs parcelles ne leur soit pas favorable est sans incidence sur sa légalité et il ne ressort pas des pièces du dossier que ce classement ait été décidé dans le seul but de leur nuire.

23. En sixième et dernier lieu, M. et Mme B...soutiennent que des conseillers municipaux et leurs proches ont bénéficié de classements plus avantageux pour des parcelles plus humides.

24. Mais ces affirmations ne sont assorties d'aucune précision et d'aucun élément concret et en tout état de cause, alors que les requérants ne contestent la délibération qu'en tant qu'elle concerne leurs propres parcelles, la circonstance que le classement d'autres parcelles serait entaché de détournement de pouvoir ou d'erreur manifeste d'appréciation est sans incidence sur le bien-fondé de leur demande.

25. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. et Mme B...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leur demande. Par conséquent, leurs conclusions à fin d'annulation ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

26. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y pas lieu à cette condamnation ".

27. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune d'Issancourt-et-Rumel qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. et Mme B...demandent au titre des frais exposés par eux en appel et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. et Mme B...une somme à verser à la commune d'Issancourt-et-Rumel au titre de ces mêmes dispositions.

Par ces motifs,

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme A...et Anne-Marie B...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune d'Issancourt-et-Rumel tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A...et Anne-Marie B...et à la commune d'Issancourt-et-Rumel.

Copie en sera adressée au préfet des Ardennes.

2

N° 16NC01475


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16NC01475
Date de la décision : 27/04/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-01-01-01-03-03-01 Urbanisme et aménagement du territoire. Plans d'aménagement et d'urbanisme. Plans d`occupation des sols (POS) et plans locaux d'urbanisme (PLU). Légalité des plans. Légalité interne. Appréciations soumises à un contrôle d'erreur manifeste. Classement et délimitation des ones.


Composition du Tribunal
Président : M. MESLAY
Rapporteur ?: M. Philippe REES
Rapporteur public ?: M. FAVRET
Avocat(s) : DELGENES VAUCOIS JUSTINE DELGENES SCP

Origine de la décision
Date de l'import : 09/05/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2017-04-27;16nc01475 ?
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