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09/03/2017 | FRANCE | N°16NC01493

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 09 mars 2017, 16NC01493


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 22 mars 2016 par lequel le préfet du Doubs a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de 30 jours et fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1600553 du 21 juin 2016, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 15 juillet 2016, M. B...A..., représenté par Me D...

, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1600553 du 21 juin 2016 du tribunal administr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Besançon d'annuler l'arrêté du 22 mars 2016 par lequel le préfet du Doubs a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de 30 jours et fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1600553 du 21 juin 2016, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 15 juillet 2016, M. B...A..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1600553 du 21 juin 2016 du tribunal administratif de Besançon ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Doubs du 22 mars 2016 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Doubs, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de 30 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, à titre subsidiaire de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans les 2 jours, le tout sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. A...soutient que :

- le préfet n'a pu fonder sa décision sur l'absence d'études poursuivies en 2014-2015 dès lors que, pour cette période, il lui a délivré le 1er novembre 2014 un titre de séjour qu'il ne pouvait plus retirer légalement au-delà du 1er mars 2015, en application de l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration ;

- la fraude n'est pas établie dès lors qu'elle fait l'objet d'une procédure pénale qui n'a pas encore donné lieu à une décision de justice et qu'il demeure présumé innocent ;

- la décision litigieuse porte sur la période 2015-2016, pour laquelle il justifie d'une inscription dans un centre de formation et d'un contrat d'apprentissage ;

- ses études présentent un caractère réel et sérieux ;

- son inscription en qualité d'auditeur libre au centre de formation des apprentis Léonard de Vinci à Courbevoie équivaut à l'attestation de préinscription mentionnée à l'article 9 de l'accord franco-sénégalais du 1er août 1995 ;

- la décision du préfet de l'obliger à quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, alors qu'il vit en concubinage depuis début 2015 avec une ressortissante française.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 octobre 2016, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par M. A...n'est fondé.

Par lettre du 1er décembre 2016, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour était susceptible de procéder d'office à une substitution de la base légale sur laquelle est fondée la décision attaquée.

L'instruction a été close le 16 décembre 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,

- la convention franco-sénégalaise relative à la circulation et au séjour des personnes signée à Dakar le 1er août 1995,

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,

- le code des relations entre le public et l'administration,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Rees, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B...A..., ressortissant sénégalais, est entré régulièrement en France le 4 octobre 2011 sous couvert d'un visa D " étudiant ". Il s'est vu délivrer, en cette qualité, un titre de séjour qui a ensuite été régulièrement renouvelé jusqu'au terme de l'année universitaire 2014-2015. Le 30 octobre 2015, il en a sollicité le renouvellement afin de suivre une troisième année de second cycle du diplôme d'ingénieur à l'Université de technologie de Belfort-Montbéliard. Par un arrêté du 22 mars 2016, le préfet du Doubs a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de 30 jours et fixé le pays de renvoi.

2. M. A...relève appel du jugement du 21 juin 2016 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de l'arrêté du préfet du Doubs du 22 mars 2016 :

En ce qui concerne le refus de séjour :

3. Aux termes de l'article 9 de la convention franco-sénégalaise susvisée : " Les ressortissants de chacun des États contractants désireux de poursuivre des études supérieures ou d'effectuer un stage de formation qui ne peut être assuré dans le pays d'origine, sur le territoire de l'autre État doivent, pour obtenir le visa de long séjour prévu à l'article 4, présenter une attestation d'inscription ou de préinscription dans l'établissement d'enseignement choisi, ou une attestation d'accueil de l'établissement où s'effectue le stage. Ils doivent en outre justifier de moyens d'existence suffisants, tels qu'ils figurent en annexe. / Les intéressés reçoivent, le cas échéant, un titre de séjour temporaire portant la mention " étudiant ". Ce titre de séjour est renouvelé annuellement sur justification de la poursuite des études ou du stage, ainsi que de la possession de moyens d'existence suffisants ".

4. Le préfet du Doubs a refusé de renouveler le titre de séjour de M. A...en qualité d'étudiant sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors que la situation des ressortissants sénégalais désireux de poursuivre leurs études en France est régie par les stipulations de l'article 9 de la convention franco-sénégalaise susvisée. Toutefois, ces stipulations peuvent être substituées aux dispositions de l'article L. 313-7 dès lors que, d'une part, elles sont de portée équivalente, d'autre part le préfet n'a pas fait usage d'un pouvoir d'appréciation différent de celui qu'il aurait dû mettre en oeuvre en les appliquant, enfin cette substitution n'a pour effet de priver l'intéressé d'aucune garantie.

5. Pour l'application de ces stipulations, il appartient à l'étranger de présenter, à l'appui de sa demande de renouvellement de son titre de séjour, un justificatif de la poursuite de ses études ou du stage. Il appartient ensuite à l'administration de rechercher, à partir de l'ensemble du dossier, si l'intéressé peut être raisonnablement regardé comme poursuivant effectivement ses études. Le renouvellement de ce titre de séjour est ainsi subordonné à la condition formelle de la justification, auprès de l'autorité compétente, de la poursuite des études ou du stage et à la condition de fond tenant à la réalité et à la progression des études poursuivies par le demandeur.

6. Pour refuser le séjour à M. A...au motif que ses études ne présentaient pas un caractère réel et sérieux, le préfet s'est fondé d'une part sur la circonstance qu'il a présenté un faux certificat d'inscription à l'Université de technologie de Belfort-Montbéliard à l'appui de sa demande du 30 octobre 2015, d'autre part sur la circonstance qu'il ne poursuivait plus d'études depuis juillet 2014.

7. M. A...soutient en premier lieu que le préfet n'a pu fonder sa décision sur l'absence d'études poursuivies en 2014-2015 dès lors que, pour cette période, il lui a délivré le 1er novembre 2014 un titre de séjour constitutif d'une décision créatrice de droits, qu'il ne pouvait plus retirer légalement au-delà du 1er mars 2015, en application de l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration.

8. Toutefois, la décision litigieuse n'a ni pour objet ni pour effet de retirer le titre de séjour précédent et la délivrance de celui-ci ne faisait en rien obstacle à ce que le préfet, pour se prononcer sur la poursuite des études de l'intéressé en France au titre de l'année 2015-2016, examine son parcours antérieur et notamment la réalité des études poursuivies pendant l'année universitaire 2014-2015. Or, il est constant que, pendant cette année, M. A...n'a suivi aucune formation. Par conséquent, le préfet n'a commis aucune erreur de droit ou de fait en tenant compte de ces éléments.

9. En deuxième lieu, M. A...soutient que la fraude n'est pas établie dès lors qu'elle fait l'objet d'une procédure pénale qui n'a pas encore donné lieu à une décision de justice et qu'il demeure donc présumé innocent.

10. Cependant, l'existence d'une procédure pénale en cours et la présomption d'innocence ne font en rien obstacle à ce que l'administration se livre à sa propre appréciation sur les faits qui en font l'objet.

11. Il ressort des pièces du dossier, notamment du courrier du directeur de l'Université de technologie de Belfort-Montbéliard du 14 décembre 2015 que M. A...a lui-même produit, qu'il n'est pas inscrit dans cet établissement au titre de l'année universitaire 2015-2016 et que les documents qu'il a présentés, à l'appui de sa demande de renouvellement de son titre, pour justifier de son inscription, sont faux.

12. Par conséquent, le préfet n'a commis aucune erreur de droit ou de fait en tenant compte de ces éléments pour refuser de renouveler son titre de séjour.

13. En troisième lieu, M. A...soutient que le préfet a commis une erreur d'appréciation en estimant que ses études ne présentent pas un caractère réel et sérieux alors que, pour la période 2015-2016 au titre de laquelle il a sollicité le renouvellement de son titre de séjour, il justifie d'une inscription dans un centre de formation et d'un contrat d'apprentissage. Il ajoute que son inscription en qualité d'auditeur libre au centre de formation des apprentis Léonard de Vinci à Courbevoie équivaut à l'attestation de préinscription mentionnée à l'article 9 de l'accord franco-sénégalais susvisé.

14. Il ressort des pièces du dossier que M. A...a conclu le 14 mars 2016 avec le centre de formation des apprentis Léonard de Vinci une convention d'auditeur libre. Il a ensuite, le 3 mai 2016, conclu avec la société Serv Trayvou Interverrouillages un contrat d'apprentissage. Toutefois, alors qu'il lui incombait, en application de l'article 9 de la convention franco-sénégalaise précité, de présenter au préfet un justificatif de la poursuite de ses études à l'appui de sa demande de renouvellement de son titre de séjour, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A...ait transmis la convention d'auditeur libre susmentionnée au préfet avant qu'il ne se prononce. Par suite, il ne peut pas utilement s'en prévaloir pour contester le refus de séjour opposé par le préfet au regard des études qu'il avait déclaré poursuivre.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

15. M. A...soutient que la décision du préfet de l'obliger à quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, alors qu'il vit en concubinage depuis début 2015 avec une ressortissante française.

16. Contrairement à ce que fait valoir le préfet, M. A...peut utilement invoquer la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français, qui est distincte de celle portant refus de renouvellement de son titre de séjour en qualité d'étudiant.

17. Néanmoins, pour établir la réalité et l'ancienneté de sa vie de couple alléguée avec MlleC..., M. A...se borne à produire une copie de la carte nationale d'identité et un bulletin de paie de cette dernière de janvier 2015, ainsi que deux avis de sommes à payer et un courrier de la caisse d'allocations familiales, tous trois datant de février 2016. Si ces éléments indiquent que M. A...habite depuis février 2016 à la même adresse que MlleC..., ils ne sont en revanche pas de nature à établir qu'ils y vivent en couple ni, à plus forte raison, que le début de leur vie commune remonte à janvier 2015.

18. Par ailleurs, M. A...ne se prévaut d'aucune autre attache privée ou familiale en France, où il résidait depuis quatre ans et demi à la date de la décision en cause, et il ne soutient même pas être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 21 ans.

19. Dans ces conditions, M. A...n'est pas fondé à soutenir qu'en l'obligeant à quitter le territoire français, le préfet a porté une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale ou commis une erreur manifeste d'appréciation.

20. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté susvisé du préfet du Doubs du 22 mars 2016.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

21. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. A..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Dès lors, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

22. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. A...demande au titre des frais exposés par lui en appel et non compris dans les dépens.

Par ces motifs,

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Doubs.

2

N° 16NC01493


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16NC01493
Date de la décision : 09/03/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. MESLAY
Rapporteur ?: M. Philippe REES
Rapporteur public ?: M. FAVRET
Avocat(s) : GILLIOEN

Origine de la décision
Date de l'import : 21/03/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2017-03-09;16nc01493 ?
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