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09/02/2017 | FRANCE | N°16NC01270

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 09 février 2017, 16NC01270


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... E...et Mme F...E..., néeA..., ont demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler les arrêtés du 4 février 2016 par lesquels le préfet de la Marne a refusé de leur délivrer une carte de résident en qualité de réfugié, leur a fait obligation de quitter le territoire et a fixé le pays à destination duquel ils pourraient être éloignés d'office.

Par un jugement n° 1600415 et 1600416 du 18 mai 2016, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leurs

demandes.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 24 juin 2016 s...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... E...et Mme F...E..., néeA..., ont demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler les arrêtés du 4 février 2016 par lesquels le préfet de la Marne a refusé de leur délivrer une carte de résident en qualité de réfugié, leur a fait obligation de quitter le territoire et a fixé le pays à destination duquel ils pourraient être éloignés d'office.

Par un jugement n° 1600415 et 1600416 du 18 mai 2016, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 24 juin 2016 sous le n° 16NC01270, M. B...E..., représenté par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1600415 et 1600416 du 18 mai 2016 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne en tant qu'il a rejeté sa demande ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Marne du 4 février 2016 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Marne, à titre principal de lui délivrer une carte de résident, à défaut une carte de séjour temporaire, à titre subsidiaire de réexaminer sa demande et de le mettre en possession, dans l'attente, d'une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, ainsi que les entiers dépens.

M. E...soutient que :

En ce qui concerne le moyen commun à toutes les décisions que comporte l'arrêté attaqué :

- les décisions attaquées sont entachées d'incompétence dès lors que M. Soutric n'était plus en fonctions à la date à laquelle il a signé l'arrêté litigieux ;

En ce qui concerne le refus de séjour :

- la décision a été prise en violation de son droit à être entendu, consacré par l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, dès lors que les éléments nouveaux apportés par son épouse lors de leur entretien en préfecture le 23 juin 2015 ont été refusés ;

- la décision méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant dès lors que le préfet n'a pas tenu compte des conséquences de sa décision sur ses deux enfants mineurs, qui sont scolarisés ;

- la décision est insuffisamment motivée dès lors qu'elle omet de viser les articles L. 313-11 et L. 313-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qu'elle ne mentionne que la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides alors qu'un recours est pendant devant la Cour nationale du droit d'asile et qu'elle ne fait pas référence à ses enfants et à ses conséquences pour eux ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa demande ;

- le préfet n'a pas analysé sa situation à la lumière des dispositions de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet s'est cru lié par la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ;

- le préfet a porté une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale et a ainsi méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet a omis de se prononcer au regard de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors que Mme E...s'était prévalue d'une promesse d'embauche susceptible de justifier son admission exceptionnelle au séjour ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

- le tribunal n'a pas répondu au moyen, soulevé à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français, tiré de la violation de son droit à être entendu, consacré par l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le préfet a méconnu son droit à être entendu, consacré par l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, dès lors qu'il ne l'a pas invité à formuler des observations écrites ou orale avant de se prononcer ;

- la décision porte une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et procède d'une erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- le préfet n'a pas procédé à un examen minutieux de sa situation puisqu'il n'a envisagé que le cas d'un retour dans son pays d'origine, alors que l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit trois destinations possibles pour son éloignement ;

- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et commis une erreur manifeste d'appréciation, alors que lui-même et sa famille sont exposés à des menaces dans leur pays d'origine.

Par un mémoire, enregistré le 17 octobre 2016, M. E...demande, en outre, à la cour de constater que le préfet a abrogé les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de destination.

Par un mémoire, enregistré le 19 décembre 2016, le préfet de la Marne conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par M. E...n'est fondé.

II. Par une requête, enregistrée le 24 juin 2016 sous le n° 16NC01291, Mme F...E..., représentée par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1600415 et 1600416 du 18 mai 2016 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne en tant qu'il a rejeté sa demande ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Marne du 4 février 2016 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Marne, à titre principal de lui délivrer une carte de résident, à défaut une carte de séjour temporaire, à titre subsidiaire de réexaminer sa demande et de la mettre en possession, dans l'attente, d'une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, ainsi que les entiers dépens.

Mme E...soutient que :

En ce qui concerne le moyen commun à toutes les décisions que comporte l'arrêté attaqué :

- les décisions attaquées sont entachées d'incompétence dès lors que M. Soutric n'était plus en fonctions à la date à laquelle il a signé l'arrêté litigieux ;

En ce qui concerne le refus de séjour :

- la décision a été prise en violation de son droit à être entendue, consacré par l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, dès lors que les éléments nouveaux qu'elle a apportés lors de son entretien en préfecture le 23 juin 2015 ont été refusés ;

- la décision méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant dès lors que le préfet n'a pas tenu compte des conséquences de sa décision sur ses deux enfants mineurs, qui sont scolarisés ;

- la décision est insuffisamment motivée dès lors qu'elle omet de viser les articles L. 313-11 et L. 313-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qu'elle ne mentionne que la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides alors qu'un recours est pendant devant la Cour nationale du droit d'asile et qu'elle ne fait pas référence à ses enfants et à ses conséquences pour eux ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa demande ;

- le préfet n'a pas analysé sa situation à la lumière des dispositions de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet s'est cru lié par la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ;

- le préfet a porté une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale et a ainsi méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet a omis de se prononcer au regard de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors qu'elle s'était prévalue d'une promesse d'embauche susceptible de justifier son admission exceptionnelle au séjour ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

- le tribunal n'a pas répondu au moyen, soulevé à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français, tiré de la violation de son droit à être entendu, consacré par l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le préfet a méconnu son droit à être entendu, consacré par l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, dès lors qu'il ne l'a pas invité à formuler des observations écrites ou orale avant de se prononcer ;

- la décision porte une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et procède d'une erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

- le préfet n'a pas procédé à un examen minutieux de sa situation puisqu'il n'a envisagé que le cas d'un retour dans son pays d'origine, alors que l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit trois destinations possibles pour son éloignement ;

- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et commis une erreur manifeste d'appréciation, alors qu'elle-même et sa famille sont exposés à des menaces dans leur pays d'origine.

Par un mémoire, enregistré le 17 octobre 2016, Mme E...demande, en outre, à la cour de constater que le préfet a abrogé les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de destination.

Par un mémoire, enregistré le 19 décembre 2016, le préfet de la Marne conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par Mme E...n'est fondé.

M. et Mme E...ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 août 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,

- la Convention internationale des droits de l'enfant,

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne,

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Rees, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B...E...et Mme F...E..., son épouse, tous deux de nationalité albanaise, sont entrés irrégulièrement en France le 19 décembre 2013, en compagnie de leurs deux enfants mineurs. Le 17 janvier 2014, ils ont sollicité la reconnaissance du statut de réfugié. Le préfet de la Marne a refusé de les admettre provisoirement au séjour en qualité de demandeurs d'asile et, le 7 mai 2015, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a refusé de leur accorder le statut de réfugié. Par deux arrêtés du 4 février 2016, le préfet de la Marne a refusé de leur délivrer une carte de résident en qualité de réfugié, leur a fait obligation de quitter le territoire et a fixé le pays à destination duquel ils pourraient être éloignés d'office.

2. Par des requêtes enregistrées sous les nos 16NC01270 et 16NC01291, M. et Mme E..., chacun pour ce qui le concerne, relèvent appel du jugement n° 1600415 et 1600416 du 18 mai 2016 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés.

3. Les requêtes susvisées concernent des décisions administratives relatives aux membres d'une même famille, dont le bien-fondé dépend d'éléments de fait et de considérations de droit qui sont étroitement liés, elles présentent à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a, en conséquence, lieu de les joindre pour statuer par un même arrêt.

Sur l'étendue du litige :

4. M. et MmeE..., qui dans le dernier état de leurs écritures, demandent à la cour de constater que le préfet de la Marne a abrogé les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de destination contenues dans ses arrêtés du 4 février 2016, ne peuvent qu'être regardés comme concluant au non-lieu à statuer sur leurs conclusions à fin d'annulation dirigées contre ces décisions.

5. Il ressort des pièces du dossier que, le 18 août 2016, le préfet de la Marne a informé Mme E...de sa décision de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ; dans l'attente de la confection du titre, il l'a mise en possession le 22 août 2016 d'un récépissé de demande de titre de séjour valable jusqu'au 21 décembre 2016. Par ailleurs, le 5 octobre 2016, le préfet de la Marne a délivré à M. E... un récépissé, valable jusqu'au 4 avril 2017, de première demande de titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ".

6. En admettant ainsi au séjour les intéressés, le préfet a, implicitement mais nécessairement, renoncé à les éloigner du territoire français et donc abrogé les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de destination contenues dans ses arrêtés du 4 février 2016. Par ailleurs, il est constant que les décisions abrogées n'ont reçu aucun commencement d'exécution.

7. Ces mesures d'abrogation, intervenues postérieurement à la saisine de la cour, privent ainsi d'objet les appels formés par les requérants contre le jugement du tribunal en ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de destination.

8. Par suite, il n'y a plus lieu, dans cette mesure, de statuer sur le jugement attaqué.

Sur les décisions portant refus de séjour :

9. Les requérants soutiennent en premier lieu que les décisions attaquées sont entachées d'incompétence dès lors que M. Soutric n'était plus en fonctions à la date à laquelle il a signé les arrêtés litigieux.

10. Il est constant que M. Soutric, secrétaire général de la préfecture de la Marne, a été placé en position hors cadre par un décret du 6 janvier 2016 et que, par un second décret du même jour, M. D...a été nommé secrétaire générale de la préfecture de la Marne. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. D...aurait déjà été installé dans ses nouvelles fonctions à la date de signature des arrêtés litigieux, le 4 février 2016, et que M. Soutric, pour sa part, aurait, à la même date, été installé dans de nouvelles fonctions et invité par l'autorité supérieure à cesser d'exercer celles qu'il assumait dans le département de la Marne (cf. Conseil d'Etat 30 juin 1986, nos 46090 et 48663).

11. Pour le reste, il ressort des pièces du dossier que M. Soutric bénéficiait d'une délégation de signature que lui avait accordée le préfet par un arrêté du 1er janvier 2016, régulièrement publié, l'habilitant à signer, en qualité de secrétait général de la préfecture, tous actes relevant des attributions du représentant de l'Etat dans le département à l'exception de certains actes au titre desquels ne figure pas la police des étrangers.

12. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les décisions litigieuses sont entachées d'incompétence.

13. M. et Mme E...soutiennent, en deuxième lieu, que les décisions litigieuses sont insuffisamment motivées.

14. Toutefois, elles mentionnent les textes sur lesquelles elles sont fondées, notamment la convention de Genève relative au statut de réfugié, la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 et les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile mises en oeuvre. La circonstance qu'elles ne mentionnent pas, en outre, les articles L. 313-11 et L. 313-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, est sans incidence dès lors que le préfet n'avait pas été saisi d'une demande sur le fondement de l'un ou l'autre de ces articles.

15. Par ailleurs, contrairement à ce que soutiennent les requérants, les décisions font état de la procédure suivie par leur demande d'asile et précisent notamment que la saisine de la Cour nationale du droit d'asile ne fait pas obstacle à un refus de séjour dès lors que les refus opposés aux intéressés de les admettre provisoirement au séjour en qualité de demandeurs d'asile sont devenus définitifs.

16. Enfin, les décisions rappellent les éléments pertinents du parcours et de la situation personnelle des requérants. La circonstance qu'elles ne fassent pas état de la présence à leurs côtés de leurs enfants mineurs est sans incidence dès lors qu'elles comportent par ailleurs un énoncé des considérations de droit et de fait retenues par le préfet pour se prononcer suffisamment complet et précis pour permettre aux requérants de comprendre les motifs de ses décisions.

17. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les décisions sont insuffisamment motivées.

18. En troisième lieu, M. et Mme E...soutiennent que le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de leurs demandes. Cependant, la motivation de ses décisions permet de vérifier qu'il s'est, au contraire, bien livré à un tel examen.

19. En quatrième lieu, M. et Mme E...soutiennent que les décisions ont été prises en violation de leur droit à être entendu, consacré par l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, dès lors que les éléments nouveaux apportés par Mme E... lors de leur entretien en préfecture le 23 juin 2015 ont été refusés.

20. Aux termes de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " 1. Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / 2. Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) ".

21. Le droit ainsi rappelé se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts. Il ne saurait cependant être interprété comme faisant obligation à l'autorité nationale compétente de prendre en compte l'ensemble des observations et éléments apportés par l'intéressé.

22. En l'espèce, M. et Mme E... ont bénéficié d'un entretien en préfecture et ils ont été mis à même de s'exprimer et de faire valoir, auprès des services préfectoraux, tous éléments qu'ils jugeaient pertinents avant que ne soient prises les décisions. S'ils soutiennent que les services préfectoraux ont refusé de prendre en compte la promesse d'embauche de MmeE..., accompagnée d'une demande d'autorisation de travail, la copie d'un courrier simple qu'ils produisent, comportant une annotation manuscrite " pas voulu prendre la demande ", ne saurait suffire à démontrer que ces pièces ont bien été présentées en préfecture le 23 juin 2015. Au surplus, à supposer même que ces pièces aient bien été présentées, le préfet ne saurait avoir méconnu leur droit à être entendu en ne les prenant pas en compte.

23. En cinquième lieu, les requérants soutiennent que le préfet n'a pas analysé leur situation à la lumière des dispositions de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

24. Toutefois, lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce même code, même s'il lui est toujours loisible de le faire à titre gracieux, notamment en vue de régulariser sa situation.

25. En l'espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier que les requérants ont sollicité leur admission au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le préfet n'était donc pas tenu d'examiner leur situation au regard de ces dispositions.

26. En sixième lieu, les requérants soutiennent que le préfet a omis de se prononcer au regard de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors que Mme E...s'était prévalue d'une promesse d'embauche susceptible de justifier son admission exceptionnelle au séjour.

27. Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 22, les requérants ne démontrent pas avoir transmis cette promesse d'embauche au préfet. Au surplus, le courrier qui l'accompagne vise une simple demande d'autorisation de travail, distincte d'un titre de séjour, et ne fait référence ni à l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni à son vocabulaire puisqu'il ne mentionne aucune considération humanitaire et aucun motif exceptionnel. Dans ces conditions, le préfet ne peut être regardé comme ayant été saisi d'une demande de titre de séjour et, en particulier, d'une demande portant sur le titre de séjour mentionné à l'article L. 313-14. Par suite, il n'était pas tenu de se prononcer à cet égard.

28. En septième lieu, M. et Mme E...soutiennent que le préfet s'est cru lié par la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides.

29. Mais, d'une part, le préfet pouvait légalement refuser de leur délivrer la carte de résident mentionnée au 8° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sans attendre la décision de la Cour nationale du droit d'asile, dès lors que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides avait refusé de leur reconnaître la qualité de réfugiés et qu'il avait auparavant, par des décisions devenues définitives, refusé de les admettre provisoirement au séjour en qualité de demandeurs d'asile. D'autre part, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet se soit cru obligé de se prononcer sans attendre la décision de la Cour nationale du droit d'asile.

30. En huitième lieu, M. et Mme E...soutiennent que le préfet a porté une atteinte excessive à leur droit au respect de la vie privée et familiale et a ainsi méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

31. D'une part, ils ne peuvent pas utilement invoquer la méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 puisqu'ils n'ont pas présenté de demande de titre de séjour sur ce fondement.

32. D'autre part, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance / 2. Il ne peut y avoir d'ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

33. Il ressort des pièces du dossier que M. et Mme E...sont arrivés en France en décembre 2013, soit un peu plus de deux ans avant la date des décisions attaquées. Ils ne s'y prévalent d'aucune autre attache que celle que constitue leur cellule familiale. Par ailleurs, ils ne démontrent ni même ne soutiennent être dépourvus d'attaches dans leur pays d'origine. Ils n'établissent pas davantage qu'il leur serait impossible de reconstituer leur cellule familiale en Albanie. Dans ces conditions, le préfet n'a pas, eu égard aux buts poursuivis en refusant de les admettre au séjour, porté une atteinte excessive à leur droit au respect de leur vie privée et familiale.

34. En neuvième lieu, M. et Mme E...soutiennent que le préfet a méconnu l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant en ne tenant pas compte des conséquences de sa décision sur leurs deux enfants mineurs, qui sont scolarisés.

35. Aux termes de l'article 3-1 de la Convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

36. La circonstance que les deux enfants du couple, nés en 1999 et 2003, sont scolarisés en France et seraient bien intégrés, n'est pas à elle seule de nature à établir que le préfet aurait négligé de prendre en considération leur intérêt supérieur alors, notamment, que ces enfants ont débuté leur scolarité ailleurs qu'en France, n'ont accompli en France qu'un peu plus de deux ans de scolarité et qu'il n'est même pas allégué qu'ils ne pourraient pas la poursuivre en Albanie.

37. En dixième et dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet se soit livré à une appréciation manifestement erronée de la situation personnelle des requérants en refusant de les admettre au séjour.

38. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. et Mme E...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des décisions de refus de séjour prises à leur encontre par le préfet de la Marne. Leurs conclusions à fin d'annulation ainsi que, par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction et d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées.

Par ces motifs,

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions des requêtes n° 16NC01270 et 16NC01291 tendant à l'annulation du jugement n° 1600415 et 1600416 du 18 mai 2016 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne et des arrêtés du préfet de la Marne du 4 février 2016 en tant qu'elles se rapportent aux décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de destination.

Article 2 : Le surplus des conclusions des requêtes n° 16NC01270 et 16NC01291 est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...E...et Mme F...E..., ainsi qu'au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Marne.

2

N° 16NC01270-16NC01291


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16NC01270
Date de la décision : 09/02/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. MESLAY
Rapporteur ?: M. Philippe REES
Rapporteur public ?: M. FAVRET
Avocat(s) : SCP MARIN-COUVREUR

Origine de la décision
Date de l'import : 21/02/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2017-02-09;16nc01270 ?
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