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24/11/2016 | FRANCE | N°16NC00186

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 24 novembre 2016, 16NC00186


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...B...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 24 décembre 2014 par lequel le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office.

Par un jugement n° 1500994 du 30 juin 2015, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 2 février 2016, M.

B..., représenté par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1500994 du 30 juin...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...B...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 24 décembre 2014 par lequel le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office.

Par un jugement n° 1500994 du 30 juin 2015, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 2 février 2016, M.B..., représenté par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1500994 du 30 juin 2015 du tribunal administratif de Strasbourg ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral contesté ;

3°) d'enjoindre à l'administration de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement à Me A...d'une somme de 2 000 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- le préfet ne s'est pas livré à un examen attentif de sa situation ;

- le refus de titre de séjour est insuffisamment motivé ;

- il est entaché d'erreur de fait ;

- il est entaché d'erreur de droit en ce que le préfet s'est fondé sur la circulaire du 28 novembre 2012 et en ce qu'il n'a pas pris en considération les liens résultant de son mariage et de la présence de membres de sa famille en France ;

- l'obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;

- elle méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article L. 313-14 ;

- la décision fixant le pays de destination est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 septembre 2016, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 janvier 2016.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 relatif au séjour et au travail ;

- l'accord-cadre relatif à la gestion concertée des migrations et au développement solidaire conclu entre le Gouvernement de la République française et de Gouvernement de la République de Tunisie et le protocole relatif à la gestion concertée des migrations signé le 28 avril 2008 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Stefanski, président, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M.B..., de nationalité tunisienne, qui avait antérieurement fait l'objet de deux refus de titre de séjour et avait été reconduit à la frontière en 2010, a déclaré être à nouveau entré irrégulièrement sur le territoire national la même année. Il interjette appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 décembre 2014 par lequel le préfet de la Moselle a, sur sa demande du 10 juillet 2014 invoquant son mariage, refusé de lui délivrer un titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire et fixé le pays de destination.

Sur la légalité du refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, la décision par laquelle le préfet a refusé de délivrer un titre de séjour à M.B..., comporte de façon précise les considérations de droit sur lesquelles elle se fonde ainsi que les considérations de fait particulières à la situation de l'intéressé, notamment celles invoquées par celui-ci dans sa demande. Ainsi, elle est suffisamment motivée au regard des dispositions de la loi susvisée du 11 juillet 1979 et démontre que le préfet a procédé à un examen préalable et particulier de la situation du requérant. La circonstance que le refus de titre de séjour comporterait des éléments de fait erronés, à la supposer même établie, est sans incidence sur l'existence de cette motivation.

3. En deuxième lieu, M. B...soutient que le refus de titre de séjour contesté est entaché d'erreur de fait en ce qui concerne sa présence continue sur le territoire national depuis 2010. Toutefois, en se bornant à indiquer qu'il n'a pas quitté la France depuis 2006 et à produire des feuilles de soins du 13 décembre 2007, du 15 mai 2009, du 23 juillet 2010 et du 17 décembre 2010, des ordonnances du 13 décembre 2007 et du 14 avril 2009, une facture d'achat de lunettes du 28 mars 2011, une lettre d'une banque du 11 août 2011 et un courrier d'EDF du 14 septembre 2012, ainsi que des documents concernant la période postérieure à l'arrêté contesté, M. B...ne justifie pas avoir vécu en France sans interruption depuis l'année 2006. En conséquence, le moyen tiré de l'erreur de fait doit être écarté.

4. En troisième lieu, si M. B...fait valoir que le préfet s'est illégalement fondé sur les orientations de la circulaire du 28 novembre 2012, il ne résulte d'aucune des énonciations de l'arrêté contesté que le préfet de la Moselle s'est fondé sur cette circulaire ou a entendu en appliquer les orientations sans exercer le pouvoir qu'il tient des textes applicables.

5. Le requérant ne peut, en outre, utilement se prévaloir des orientations générales que le ministre de l'intérieur a pu adresser aux préfets pour les éclairer dans la mise en oeuvre de leur pouvoir de régularisation. Ainsi le moyen tiré de la méconnaissance de la circulaire du 28 novembre 2012, qui n'a pas un caractère réglementaire, doit être écarté.

6. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 (...) peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) ".

7. L'article 11 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 en matière de séjour et de travail stipule : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord. Chaque Etat délivre notamment aux ressortissants de l'autre Etat tous titres de séjour autres que ceux visés au présent accord, dans les conditions prévues par sa législation ".

8. Aux termes de l'article 7 quater du même accord : " Sans préjudice des dispositions du b) et du d) de l'article 7 ter, les ressortissants tunisiens bénéficient dans les conditions prévues par la législation française, de la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" ".

9. L'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui porte sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaires prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France, soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée.

10. Contrairement à la délivrance aux tunisiens des titres de séjour en qualité de salarié, l'accord franco-tunisien ne comporte pas de stipulations spécifiques à la délivrance des titres de séjour au titre de la vie privée et familiale. En outre, l'accord prévoit que les ressortissants tunisiens bénéficient, dans les conditions prévues par la législation française, de la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale". Ainsi, l'article L. 313-14 est applicable aux ressortissants tunisiens qui demandent un titre de séjour à titre exceptionnel en invoquant leur vie privée et familiale. En conséquence, c'est à bon droit qu'en l'espèce, le préfet s'est fondé sur l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour apprécier la demande de M. B...fondée sur son mariage et qui a été regardée comme invoquant des motifs exceptionnels. Il n'y a donc pas lieu de faire droit à la demande de substitution de base légale présentée par le préfet.

11. M. B...a sollicité son admission au séjour le 10 juillet 2014 en faisant valoir qu'il avait épousé le 31 mai précédent à Strasbourg une ressortissante comorienne bénéficiant d'un titre de séjour régulier, ainsi que l'état de santé de son épouse. Le préfet a retenu que le mariage n'avait été célébré que depuis à peine sept mois, que M. B...ne justifiait pas de cinq ans de présence en France ni d'une vie commune depuis dix-huit mois et qu'en conséquence M. B...n'établissait pas la stabilité, l'ancienneté et l'intensité de ses liens personnels et familiaux en France et qu'il ne justifiait d'aucune ancienneté de travail, ni de ressources. En appel, le requérant fait état des mêmes considérations et ne produit qu'un certificat médical postérieur à la décision contestée. Dans ces conditions, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en estimant que le requérant n'avait fait état d'aucun élément pouvant être regardé comme une considération humanitaire ou un motif exceptionnel et en refusant en conséquence de lui accorder un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

12. En premier lieu, l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction issue de l'article 37 de la loi du 16 juin 2011 dispose : " I. L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré (...) La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III. (...) ".

13. Il résulte de ces dispositions que le moyen tiré de ce que l'obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ne peut qu'être rejetée dès lors que le refus de titre de séjour est suffisamment motivé.

14. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. (...) ".

15. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale. 2. Il ne peut y avoir d'ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

16. M. B...soutient qu'il justifie de l'intensité, de la stabilité et de l'ancienneté de ses liens personnels et familiaux en France, ainsi que de son insertion dans la société française dont il maîtrise la langue. Cependant, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé n'est marié avec une ressortissante étrangère, titulaire d'une carte de séjour temporaire que depuis le 31 mai 2014 et n'établit pas comme il le soutient qu'il a une relation avec elle depuis 2012. S'il fait valoir que son épouse et les trois enfants de celle-ci vivent avec lui et que leur situation rendent nécessaire sa présence en France, il n'apporte aucun élément à l'appui de ses allégations. Si deux de ses frères vivent dans le sud de la France, il est constant que ses parents et au moins trois de ses frères et soeurs vivent dans son pays d'origine. Dans ces conditions, compte tenu des conditions et de la durée du séjour du requérant en France, l'arrêté contesté n'a pas porté au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés.

17. Enfin, pour les mêmes motifs que pour le refus de titre de séjour, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui n'est pas assorti de considérations nouvelles, ne peut être accueilli.

Sur la décision fixant le pays de destination :

18. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que M. B...n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination serait illégale par voie de conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.

19. Il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction et à fin d'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent, en conséquence, qu'être écartées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.

2

N° 16NC00186


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16NC00186
Date de la décision : 24/11/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. MESLAY
Rapporteur ?: Mme Colette STEFANSKI
Rapporteur public ?: M. FAVRET
Avocat(s) : CISSE

Origine de la décision
Date de l'import : 27/12/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2016-11-24;16nc00186 ?
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