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24/11/2016 | FRANCE | N°15NC01435

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 24 novembre 2016, 15NC01435


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme I...ont demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler le permis de construire délivré à l'indivision C...le 22 juillet 2014 au nom de l'Etat par le maire d'Eclance.

Par un jugement n° 1401960 du 5 mai 2015, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé le permis de construire contesté.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 29 juin 2015, l'indivisionC..., représentée par la SCP Lemoult-Reocher, demande à la cour :r>
1°) d'annuler le jugement n° 1401960 du 5 mai 2015 du tribunal administratif de Châlons-en-Cham...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme I...ont demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'annuler le permis de construire délivré à l'indivision C...le 22 juillet 2014 au nom de l'Etat par le maire d'Eclance.

Par un jugement n° 1401960 du 5 mai 2015, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé le permis de construire contesté.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 29 juin 2015, l'indivisionC..., représentée par la SCP Lemoult-Reocher, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1401960 du 5 mai 2015 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;

2°) de rejeter la demande de première instance de M. et Mme I...;

3°) de mettre à la charge de M. et Mme I...une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la demande de première instance était tardive et par suite irrecevable ;

- M. et Mme I...n'avaient pas intérêt à agir ni qualité pour ce faire en se prévalant seulement de craintes en cas d'extension de l'élevage, de la proximité d'un château et de leur simple qualité d'habitants de la commune ;

- le permis de construire ne méconnaît pas les règles relatives à l'information des voisins, au respect des prescriptions mentionnées par l'architecte des bâtiments de France, au respect des règles relatives aux exigences environnementales et esthétiques applicables ;

- les dispositions de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme sont applicables et justifient le permis de construire contesté.

Par un mémoire en défense enregistré le 1er février 2016, M. et MmeI..., représentés par la SCP Rahola-Delval-Creuzat et associés, concluent au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'indivision C...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le permis de construire ne respecte pas l'article 153-4 du règlement sanitaire départemental ;

- il ne respecte pas les prescriptions émises par l'architecte des bâtiments de France ;

- ils n'ont pas été consultés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Stefanski, président,

- les conclusions de M. Favret, rapporteur public,

- et les observations de MeE..., pour l'indivisionC....

Considérant ce qui suit :

1. L'indivision C...interjette appel du jugement du 5 mai 2015 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a, sur la demande de M. et MmeI..., annulé le permis de construire délivré par la maire d'Eclance au nom de l'Etat en vue de la reconstruction d'un bâtiment agricole.

Sur la recevabilité de la demande de première instance de M. et Mme I...:

En ce qui concerne la tardiveté de la demande de première instance :

2. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, la charge de prouver la réalité, la régularité et la continuité de l'affichage d'un permis de construire dans les conditions prévues par le code de l'urbanisme incombe au bénéficiaire du permis (CE 21 octobre 2005 n° 280188).

3. En conséquence, en se bornant à soutenir que M. et Mme I...ont saisi le tribunal administratif le 6 octobre 2014 en prétendant, sans justifier leurs allégations, que le permis de construire du 22 juillet 2014 n'avait été affiché que le 8 septembre suivant, les membres de l'indivision C...n'apportent pas la preuve qui leur incombe de l'affichage régulier du permis de construire. Ainsi, le moyen tiré de ce que c'est à tort que le tribunal administratif a jugé que, faute d'une telle démonstration, la demande de M. et Mme I... ne pouvait être déclarée irrecevable pour tardiveté, doit être écarté.

En ce qui concerne l'absence d'intérêt donnant qualité à agir :

4. Aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager que si la construction, l'aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement (...) ".

5. Les membres de l'indivision C...font valoir que pour justifier leur intérêt à agir, M. et Mme I...n'ont invoqué que des nuisances tenant au risque d'extension de leur élevage compte tenu de la dimension du hangar agricole autorisé par le permis de construire en litige et non des considérations telles que celles mentionnées par l'article précité du code de l'urbanisme.

6. Toutefois, si M. et Mme I...ont effectivement invoqué des craintes de nuisances en raison de l'augmentation éventuelle de l'élevage de bovins de l'indivisionC..., ils ont également fait valoir qu'en tant que voisins du projet, les dimensions imposantes du nouveau bâtiment étaient de nature à créer pour eux d'importantes nuisances visuelles. Ainsi, ils soutiennent que la construction est de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation et de jouissance du bien qu'ils occupent et justifient ainsi d'un intérêt leur donnant qualité à agir conformément à l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme.

Sur la légalité du permis de construire contesté :

7. En premier lieu, aux termes de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision contestée : " La reconstruction à l'identique d'un bâtiment détruit ou démoli depuis moins de dix ans est autorisée nonobstant toute disposition d'urbanisme contraire, sauf si la carte communale, le plan local d'urbanisme ou le plan de prévention des risques naturels prévisibles en dispose autrement, dès lors qu'il a été régulièrement édifié(...) ".

8. Le tribunal administratif a jugé que le permis de construire contesté n'entrait pas dans le champ d'application de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme à défaut de reconstruction à l'identique. Dans leur appel, les consorts C...font seulement valoir que l'affectation et la vocation agricole des constructions antérieures est maintenue et que l'unique hangar destiné à remplacer plusieurs bâtiments répond à une nécessaire adaptation aux normes et aux règles d'urbanisme.

9. Toutefois, il ressort des pièces du dossier et il n'est pas contesté que le hangar unique autorisé par le permis de construire contesté, qui remplace plusieurs bâtiments, n'a pas la même implantation, la même surface, ni le même volume que les bâtiments détruits. Ainsi, le permis de construire contesté n'entre pas dans le champ d'application de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme. Le bâtiment projeté est donc soumis aux règles d'urbanisme applicables aux bâtiments nouveaux à la date du permis de construire contesté.

10. En deuxième lieu, en vertu de l'article 153-4 du règlement sanitaire départemental de l'Aube, les bâtiments renfermant des bovins "ne peuvent être implantés à moins de 50 mètres des immeubles habités ou occupés habituellement par des tiers".

11. Il ressort des pièces du dossier, notamment du permis de construire ainsi que des écritures de l'administration en première instance que la partie du hangar projeté, qui comporte l'étable, est située à 41,80 mètres de la propriété de MM.I.... Ainsi, le permis de construire méconnaît le règlement sanitaire départemental. La circonstance invoquée par les consortsC..., que l'étable sera cependant plus éloignée de la propriété de M. et Mme I... qu'elle ne l'était auparavant n'est pas de nature à rendre le permis de construire légal au regard du règlement sanitaire départemental. Ainsi, c'est à bon droit que le tribunal administratif a annulé le permis de construire contesté pour ce motif.

12. Aux termes de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme : " Lorsqu'elle annule pour excès de pouvoir un acte intervenu en matière d'urbanisme ou en ordonne la suspension, la juridiction administrative se prononce sur l'ensemble des moyens de la requête qu'elle estime susceptibles de fonder l'annulation ou la suspension, en l'état du dossier ".

13. En vertu de ces dispositions, il appartient au juge d'appel, saisi d'un jugement par lequel un tribunal administratif a prononcé l'annulation d'une autorisation d'urbanisme en retenant plusieurs moyens, de se prononcer sur le bien-fondé de tous les moyens d'annulation retenus au soutien de leur décision par les premiers juges et d'apprécier si l'un au moins de ces moyens justifie la solution d'annulation. Dans ce cas, le juge d'appel n'a pas à examiner les autres moyens de première instance.

14. Il résulte de ce qui précède que l'indivision C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. et Mme I..., qui ne sont pas la partie perdante dans la présente instance, une somme à payer à l'indivision C...au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions de mettre à la charge de l'indivision C...la somme de 1 200 euros à verser à M. et Mme I... au titre des mêmes frais.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de l'indivision C...est rejetée.

Article 2 : L'indivision C...versera à M. et Mme I...une somme de 1 200 (mille deux cents) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...F..., Mme L...C..., M. A... C..., Mme D...C..., Mme H...C..., M. J...C..., Mme M...G..., M. et Mme K...I...et au ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité.

Copie en sera adressée au préfet de l'Aube.

2

N° 15NC01435


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15NC01435
Date de la décision : 24/11/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03-03-005 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire. Légalité interne du permis de construire. Règles non prises en compte lors de la délivrance du permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : M. MESLAY
Rapporteur ?: Mme Colette STEFANSKI
Rapporteur public ?: M. FAVRET
Avocat(s) : SCP RAHOLA - DELVAL - CREUSAT et ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 27/12/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2016-11-24;15nc01435 ?
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