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30/06/2016 | FRANCE | N°15NC00351

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 30 juin 2016, 15NC00351


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Sarrebourg a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner solidairement la société Gocel, la société BETCI et M. G...à lui verser une somme fixée dans le dernier état de ses écritures devant le tribunal à 574 982,74 euros assortie des intérêts à compter du 10 novembre 2015 et de la capitalisation des intérêts en raison de désordres affectant les travaux du lot n° 17 "chauffage-climatisation-VMC" du marché de réalisation du musée du Pays de Sarrebourg conclu le 5 mar

s 2001.

Par un jugement n° 0504847 du 16 juillet 2012, le tribunal administratif ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Sarrebourg a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner solidairement la société Gocel, la société BETCI et M. G...à lui verser une somme fixée dans le dernier état de ses écritures devant le tribunal à 574 982,74 euros assortie des intérêts à compter du 10 novembre 2015 et de la capitalisation des intérêts en raison de désordres affectant les travaux du lot n° 17 "chauffage-climatisation-VMC" du marché de réalisation du musée du Pays de Sarrebourg conclu le 5 mars 2001.

Par un jugement n° 0504847 du 16 juillet 2012, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande.

Par un arrêt n° 12NC01598 du 1er août 2013 la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté l'appel dirigé par la commune de Sarrebourg contre ce jugement.

Par une décision n° 372492 du 26 mai 2014, le Conseil d'Etat n'a admis le pourvoi de la commune de Sarrebourg dirigé contre l'arrêt précité qu'en tant qu'il a statué sur la responsabilité contractuelle des maîtres d'oeuvre au titre du manquement à leur devoir de conseil.

Par une seconde décision n° 372492 du 11 février 2015, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt de la cour en tant qu'il a statué sur la responsabilité contractuelle des maîtres d'oeuvre au titre du manquement à leur devoir de conseil et a renvoyé, dans cette mesure, l'affaire à la cour administrative d'appel de Nancy.

Procédure devant la cour :

Eu égard à la décision précitée du 11 février 2015, la cour se trouve à nouveau saisie des seules conclusions de la requête enregistrée le 13 septembre 2012 relatives à la responsabilité contractuelle des maîtres d'oeuvre au titre du manquement à leur devoir de conseil.

Par un mémoire enregistré le 4 juin 2015 portant conclusions récapitulatives après renvoi et des mémoires enregistrés les 8 juin 2015 et 10 juillet 2015 complétés des pièces communiquées à la demande de la cour le 3 juin 2016, la commune de Sarrebourg, représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0504847 du 16 juillet 2012 du tribunal administratif de Strasbourg ;

2°) de condamner solidairement la société BETCI et M. G...à lui verser la somme de 574 982,74 euros assortie des intérêts légaux à compter du 10 novembre 2005, date d'enregistrement de sa demande au greffe du tribunal administratif et de la capitalisation des intérêts ;

3°) de mettre solidairement à la charge de la société BETCI et de M. G...une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

4°) de condamner la société BETCI et M. G...aux entiers frais et dépens de l'expertise selon l'ordonnance de taxe du président du tribunal administratif de Strasbourg n° 0604583 du 10 mars 2011.

Elle soutient que :

- son action était recevable, les arrêts mentionnés par M. G...n'étant pas applicables à l'espèce ;

- elle démontre les fautes du groupement solidaire des maîtres d'oeuvre de nature à engager solidairement leur responsabilité contractuelle au titre du devoir de conseil lors de la réception de l'ouvrage et la levée des réserves ;

- elle démontre la réalité tant des désordres tenant à des nuisances acoustiques que des désordres affectant l'installation de climatisation et de chauffage et leurs conséquences ;

- elle justifie du quantum du préjudice qu'elle avait demandé dans son intégralité dès le 23 février 2012 devant le tribunal administratif.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 16 juin 2015 et le 10 juillet 2015, la société anonyme BETCI, représentée par Me D...conclut :

- au rejet de la requête sauf en ce qui concerne la somme de 4 894,03 euros TTC au titre du poste 3 "plate-forme" qu'elle ne conteste pas devoir ;

- à la condamnation de la société Gocel et de M. G...à la garantir des condamnations prononcées contre elle dans la proportion qu'il plaira à la cour d'apprécier.

Elle soutient que :

- elle n'a pas manqué à ses obligations lors de la réception et la ville de Sarrebourg, qui a été informée de ses actions pour tenter ensuite de lever les réserves, a pris en toute connaissance de cause la décision de lever ces réserves ;

- la ville ne démontre aucune faute de sa part ;

- subsidiairement, le quantum du préjudice allégué n'est pas démontré sauf en ce qui concerne le poste n° 3 de réparations à effectuer selon l'expertise et pour lequel elle reconnaît sa responsabilité dont le montant estimé par l'expert est de 4 894,03 euros TTC ;

- les prétentions supplémentaires de la ville, allant au-delà de l'expertise ne sont pas justifiées ni dans leur utilité, ni dans leurs montants.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 juillet 2015 et des pièces communiquées le 27 mai 2016, M. G...représenté par MeC..., conclut :

- au rejet de la requête ;

- à la condamnation de la commune de Sarrebourg à lui payer une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

- subsidiairement, de condamner la société Gocel et la société BETCI à le garantir de toutes condamnations prononcées contre lui en principal, frais et dommages et intérêts.

Il soutient que :

- la ville, qui a établi le 20 juillet 2006 le décompte définitif du marché de maîtrise d'oeuvre et lui a versé les sommes correspondantes le 19 octobre 2006, n'était plus ensuite recevable à mettre en jeu sa responsabilité contractuelle ;

- subsidiairement, il n'y a pas de responsabilité solidaire de la maîtrise d'oeuvre en ce qui concerne l'obligation de conseil, dès lors que la société BETCI était essentiellement chargée des opérations de contrôle en ce qui concerne les désordres en litige ;

- les sommes réclamées par la ville ne sont pas justifiées dans leur montant, ni dans leur principe ;

- les véritables responsables sont la société Gocel et la société BETCI qui doivent le garantir des condamnations éventuelles.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 janvier 2016, la SARL Gocel conclut :

- au rejet des appels en garantie formée contre elle par la société BETCI et M. G... ;

- à la condamnation in solidum de la société BETCI et de M. G...à lui verser sa somme de 5 000 euros ou telle somme qu'il plaira au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les prétentions de la maîtrise d'oeuvre se heurtent à l'autorité de chose jugée par le Conseil d'Etat comme par la cour administrative d'appel de Nancy et le tribunal administratif de Strasbourg, qui ont exclu la mise en oeuvre de sa responsabilité en tant que constructeur ;

- elle n'avait aucun devoir en matière de conseil.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Stefanski, président,

- les conclusions de M. Favret, rapporteur public,

- et les observations de Me F...pour la commune de Sarrebourg et Me B...pour la SARL Gocel.

Considérant ce qui suit :

1. Par marché du 5 mars 2001, la commune de Sarrebourg a confié la maîtrise d'oeuvre des travaux de construction du musée du Pays de Sarrebourg, à un groupement solidaire composé de M.G..., architecte et mandataire du groupement et de la société BETCI. Le lot n° 17 "chauffage - climatisation - VMC" a été confié à la SARL Gocel.

2. La commune de Sarrebourg a demandé à la cour administrative d'appel de Nancy l'annulation du jugement du 16 juillet 2012 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg avait rejeté sa demande de condamnation solidaire de la société Gocel, de M. G...et de la société BETCI à l'indemniser des préjudices résultant des désordres ayant affecté les installations du lot n° 17. Par décision du 11 février 2015, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt du 1er août 2013 de la cour administrative d'appel de Nancy rejetant l'appel de la commune de Sarrebourg en tant qu'il était relatif à la responsabilité contractuelle des maîtres d'oeuvre au titre du manquement à leur devoir de conseil et a renvoyé dans cette mesure, l'affaire à la cour.

Sur la responsabilité contractuelle des maîtres d'oeuvre au titre du manquement à leur devoir de conseil :

3. A titre liminaire, M. G...soutient pour la première fois devant la cour qu'ayant établi le 20 juillet 2006 le décompte définitif du marché de maîtrise d'oeuvre et lui ayant versé les sommes correspondantes le 19 octobre 2006, la commune de Sarrebourg n'est plus recevable à mettre en jeu sa responsabilité contractuelle.

4. L'ensemble des opérations auxquelles donne lieu l'exécution d'un marché de travaux publics est compris dans un compte dont aucun élément ne peut être isolé et dont seul, le solde arrêté lors de l'établissement du décompte général et définitif détermine les droits et obligations définitifs des parties. L'ensemble des conséquences financières de l'exécution du marché sont retracées dans ce décompte même lorsqu'elles ne correspondent pas aux prévisions initiales. Il revient notamment aux parties d'y mentionner les conséquences financières de retards dans l'exécution du marché ou le coût de réparations imputables à des malfaçons dont est responsable le titulaire. Après la transmission au titulaire du marché du décompte général qu'il a établi et signé, le maître d'ouvrage ne peut réclamer à celui-ci, au titre de leurs relations contractuelles, des sommes dont il n'a pas fait état dans le décompte, nonobstant l'engagement antérieur d'une procédure juridictionnelle ou l'existence d'une contestation par le titulaire d'une partie des sommes inscrites au décompte général. Il ne peut en aller autrement, dans ce dernier cas, que s'il existe un lien entre les sommes réclamées par le maître d'ouvrage et celles à l'égard desquelles le titulaire a émis des réserves.

5. Ce faisant, le maître d'ouvrage ne peut rechercher la responsabilité contractuelle des maîtres d'oeuvre pour les fautes commises dans leur devoir de conseil, que si le marché de maîtrise d'oeuvre n'a pas lui-même donné lieu à l'établissement par le maître d'ouvrage d'un décompte général notifié aux titulaires en l'absence de toute prise en compte de ces fautes. (CE 6 novembre 2013 n° 361837).

6. Selon les stipulations du cahier des clauses administratives générales "prestations intellectuelles" applicable au marché en litige, la personne responsable du marché arrête le montant du décompte et notifie le décompte retenu au titulaire lorsqu'elle modifie le projet établi par celui-ci.

7. L'article 9.3.2 relatif au décompte des travaux du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) du marché de maîtrise d'oeuvre, prévoit dans le point 9.3.2.1 que " le décompte général du marché, établi et signé par le maître de l'ouvrage, est la somme des décomptes retenue par lui. Il doit être notifié au maître d'oeuvre dans un délai de trois mois à compter de l'achèvement de la mission. Le maître d'oeuvre dispose ensuite d'un délai d'un mois pour retourner ce décompte signé par lui ou avec réserve ". Selon le point 9.3.2.2 : " La demande de solde joint au projet de décompte final établi par le maître d'oeuvre, à l'achèvement de sa mission, indique le forfait initial et tous les éléments en vue du décompte général. Le maître de l'ouvrage arrête le décompte général. (...) Le décompte général doit être notifié au concepteur dans un délai de 45 jours à compter de la réception du projet de décompte final. Le décompte général devient définitif par la signature du maître d'oeuvre ". Enfin, selon l'article 9.3.3 : " le mandatement (...) doit intervenir 45 jours au plus tard après la réception du projet de décompte par le maître de l'ouvrage (...) ".

8. Il résulte de l'instruction que le décompte général définitif du marché de maîtrise d'oeuvre conclu avec le groupement solidaire composé de M.G..., mandataire et de la société BETCI, établi par le maître de l'ouvrage, a été signé le 11 juillet 2006 par la commune de Sarrebourg ainsi que par les deux maîtres d'oeuvre. Il est constant que ce décompte général définitif ne prend pas en compte les fautes commises par les maîtres d'oeuvre dans le cadre de leur devoir de conseil au cours des opérations de réception et de levée des réserves du lot n° 17. En conséquence, M. G...est fondé à soutenir que la commune de Sarrebourg ne pouvait plus ensuite mettre en oeuvre la responsabilité contractuelle des maîtres d'oeuvre pour manquement à leur devoir de conseil à l'occasion de la réception des travaux. Dès lors, les conclusions de la commune tendant à la condamnation des maîtres d'oeuvre à l'indemniser des préjudices qu'elle aurait subis en raison des fautes qu'ils auraient commises dans leur devoir de conseil lors de la levée des réserves du lot n° 17 ne peuvent être accueillies. En conséquence, les conclusions de la commune tendant à ce que M. G...et la société BETCI soient condamnés à payer les frais de l'expertise prononcée par le tribunal administratif ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les appels en garanties :

9. Aucune condamnation n'étant prononcée à l'encontre de M. G..., de la société BETCI et de la SARL Gocel, les conclusions d'appel en garantie qu'ils présentent, ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. G...et de la société BETCI, qui ne sont pas partie perdante dans la présente instance, une somme à payer à la commune de Sarrebourg et à la SARL Gocel au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

11. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Sarrebourg une somme à verser à M. G...et à la société BETCI en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la commune de Sarrebourg est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la société BETCI, de M. G...et de la société Gocel tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Sarrebourg, à la société BETCI, à M. E... G...et à la SARL Gocel.

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N° 15NC00351


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15NC00351
Date de la décision : 30/06/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-06-01-02-03 Marchés et contrats administratifs. Rapports entre l'architecte, l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage. Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage. Responsabilité contractuelle. Faits de nature à entraîner la responsabilité de l'architecte.


Composition du Tribunal
Président : Mme MONCHAMBERT
Rapporteur ?: Mme Colette STEFANSKI
Rapporteur public ?: M. FAVRET
Avocat(s) : SCP COLBUS BORN-COLBUS FITTANTE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/08/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2016-06-30;15nc00351 ?
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