Vu la requête, enregistrée le 13 septembre 2012, complétée par un mémoire enregistré le 23 mai 2013, présentée pour la commune de Sarrebourg représentée par son maire en exercice, par Me Meyer, avocat ;
La commune de Sarrebourg demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0504847 du 16 juillet 2012 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la condamnation solidaire des sociétés Gocel et Betci et de M. D...à l'indemniser des préjudices résultant des désordres affectant les installations de chauffage, climatisation et VMC du musée du Pays de Sarrebourg ;
2°) de condamner solidairement, à titre principal, sur le fondement de la responsabilité décennale et, à titre subsidiaire, sur le fondement de la responsabilité contractuelle, les sociétés Gocel et Betci et M. D...à lui verser la somme de 574 982,74 euros, assortie des intérêts légaux à compter du 10 novembre 2005, en réparation desdits préjudices ;
3°) d'ordonner la capitalisation des intérêts ;
4°) de mettre à la charge des sociétés Gocel et Betci et de M. D...les dépens ;
5°) de mettre à la charge solidaire des mêmes la somme de 10 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- les réserves ont été levées et qu'en tout état de cause, la prise de possession de l'ouvrage et son ouverture au public valaient réception tacite permettant au délai de garantie décennale de courir ;
- les désordres rendent l'ouvrage impropre à sa destination et sont liés à des erreurs de conception et d'exécution ;
- l'entreprise chargée des travaux et la maîtrise d'oeuvre ont commis des fautes, relevées par l'expert et de nature à engager leur responsabilité contractuelle à titre subsidiaire ;
- l'expert n'a pas chiffré l'intégralité des préjudices subis par la ville qui peuvent être estimés, globalement à 574 982,74 euros ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 7 novembre 2012, complété par un mémoire enregistré le 21 mai 2013, présenté pour la SARL Gocel, dont le siège social est situé au 6, rue Aux-Saussaies-des-Dames, à Montigny-lès-Metz (57950), agissant par son représentant légal, par MeA... ;
La SARL Gocel demande à la Cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) à titre subsidiaire de condamner solidairement le bureau d'études Betci et M. D... à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Sarrebourg la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle fait valoir que :
- les nuisances existaient et ne pouvaient être ignorées de la commune à la date de levée des réserves ;
- une autre entreprise était chargée de l'entretien de l'installation et est intervenue à compter de 2004 et que, dans ces conditions, il ne peut lui être fait grief de ne pas avoir su faire fonctionner les équipements en 2010 ;
- le problème d'hygrométrie, qui est le seul problème auquel la société Gocel n'a pas remédié, relève d'un problème d'exploitation ;
- la réception a mis fin à ses obligations contractuelles et la commune est donc forclose du fait de cette réception ;
- la maîtrise d'oeuvre a commis des erreurs de conception et devraient donc la garantir de toute condamnation éventuelle ;
- les autres préjudices dont la commune demande réparation ne sont pas justifiés ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 25 février 2013, présenté pour la société Betci, dont le siège social est situé au 7, rue Paul Dautier, à Vélizy (78140), agissant par son représentant légal, par l'association d'avocats HSKA ;
La société Betci demande à la Cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) à titre subsidiaire de réduire le préjudice résultant de l'impossibilité d'utiliser le logement du concierge et de condamner solidairement la société Gocel et M. D... à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Sarrebourg la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle fait valoir que :
- aucuns travaux n'ont été entrepris pour mettre un terme aux réserves apparentes à la date de la réception ;
- la commune ne fait valoir aucune faute contractuelle à son encontre ;
- le poste chicanes eau glacé ne rend pas par lui-même l'ouvrage impropre à sa destination ;
- en ce qui concerne le poste " plate-forme ", c'est le montant chiffré par l'expert qu'il conviendra de retenir ;
- le poste " CTA4 " est exclusivement imputable à l'architecte ;
- le poste " salle de peinture murale " n'est pas de nature décennale ;
- les postes 14 et 15 correspondent à des améliorations de l'ouvrage et la moins-value liée à l'impossibilité d'utiliser le local initialement prévu comme logement du concierge devra être ramenée à de plus justes proportions ;
- les autres préjudices invoqués par la commune ne lui sont pas imputables ou sont dénués de toute justification ;
Vu le mémoire en défense enregistré le 11 avril 2013, complété par un mémoire enregistré le 27 mai 2013, présenté pour M. B...D..., domicilié... ;
M. D...demande à la Cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) à titre subsidiaire, de condamner les sociétés Gocel et Betci à le garantir des éventuelles condamnations prononcées à son encontre ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Sarrebourg la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il fait valoir que :
- le jugement du tribunal peut être confirmé en tous points, les réserves n'ayant pas été levées et la responsabilité contractuelle de la maîtrise d'oeuvre ne pouvant être engagée ;
- il n'est pas établi que le problème de condensation sur les vitrages concernerait plus d'une seule vitre ;
- la commune demande l'indemnisation du remplacement des trois unités de traitement d'air mais la société Gocel est intervenue en cours d'expertise et l'expert a considéré que le problème d'insuffisance de chauffage de la salle d'animation était résolu ;
- la commune a manqué à ses obligation d'entretien et de maintenance et l'indemnisation de mise en place de portes coulissantes n'est pas justifiée par les problèmes de chauffage-climatisation ;
- le calorifugeage des gaines n'est pas justifié ;
- les allégations de la commune concernant le logement du concierge ne sont pas justifiées ;
- la commune ne produit aucun justificatif du montant demandé au titre de l'évacuation des eaux de condensation de la cuisine ;
- la ville demande réparation de travaux qui n'étaient pas prévus ;
- l'expert ne précise pas que le musée doit être fermé pendant les travaux, le préjudice lié à cette fermeture n'est donc pas établi ;
- les désordres étaient apparents à la date de la réception et aucuns travaux n'ont été entrepris pour lever les réserves ;
- la commune a mis en demeure la maîtrise d'oeuvre de lever les réserves postérieurement à la date qu'elle indique comme étant celle de la levée des réserves ;
- il n'était pas contractuellement chargé du lot chauffage-climatisation-VMC qui relevait du bureau d'études ;
- il devrait être garanti tant par la société Betci que par la société Gocel qui a commis des fautes d'exécution ;
Vu l'ordonnance en date du 15 mai 2013 fixant la clôture de l'instruction le 31 mai 2013 à 16 heures ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 juin 2013 :
- le rapport de Mme Kohler, rapporteur,
- les conclusions de M. Wiernasz, rapporteur public,
F... - et les observations de MeC..., conseil de la ville de Sarrebourg, et de Me E..., conseil de la société Gocel ;
1. Considérant que, par un marché en date du 5 mars 2001, la commune de Sarrebourg a confié la réalisation du musée du Pays de Sarrebourg à M.D..., architecte et au bureau d'études Betci, en qualité de maîtres d'oeuvre, et a attribué le lot n°17 " chauffage-climatisation-VMC " à la société Gocel ; que la commune de Sarrebourg demande l'annulation du jugement du 16 juillet 2012 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la condamnation solidaire des constructeurs à l'indemniser des conséquences dommageables des désordres affectant le fonctionnement de l'installation de chauffage-climatisation de ce bâtiment ;
Sur la responsabilité décennale :
2. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la réception du lot n°17 a été prononcée avec réserves au 30 mai 2003, par un procès verbal signé le 25 juin 2003 ; que les réserves décrites en annexe de ce procès-verbal portaient notamment sur les problèmes de chauffage et de climatisation, ainsi que sur les nuisances sonores occasionnées par le fonctionnement des groupes de production du froid ; que la commune soutient que ces réserves ont été levées à la date du 7 janvier 2004 ; qu'elle produit à hauteur d'appel un " procès verbal relatif aux prestations dont l'exécution a fait l'objet de réserves lors de la réception " correspondant au lot n°17, dressé le 11 décembre 2003, signé de la commune, du maître d'oeuvre et de la société Gocel et indiquant que les travaux ayant fait l'objet de réserves " ont été exécutés dans des conditions satisfaisantes " et qu'il a " été remédié aux malfaçons constatées " ; qu'elle produit également la proposition du maître d'oeuvre, faisant suite à ce procès- verbal de supprimer les réserves dont était assortie la réception ; qu'ainsi, la commune, qui se prévaut elle-même de cette levée des réserves, est fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Strasbourg s'est fondé sur l'absence de réception des travaux pour écarter sa demande tendant à la condamnation des constructeurs sur le fondement de la responsabilité décennale ;
3. Considérant toutefois que tant les maîtres d'oeuvre que la société chargée des travaux font valoir en défense que les désordres en cause étaient apparents à la date de la réception et qu'à la date de la levée des réserves, il n'y avait pas été remédié ; que l'entreprise Gocel a été convoquée le 11 décembre 2003 afin de procéder à un constat de levée de réserves mais que dès le 2 décembre 2003, le maître d'oeuvre indiquait à la commune de Sarrebourg que les variations de température allaient faire l'objet d'un relevé précis sur une durée d'une semaine et qu'il lui était conseillé de procéder à un relevé acoustique ; qu'en février 2004, il a été demandé à l'entreprise Gocel de mettre en oeuvre les solutions proposées par le bureau Véritas pour mettre fin aux nuisances sonores et un courrier présentant l'état d'avancement de levée des réserves a été adressé à la commune par le maître d'oeuvre le 29 avril 2004 ; qu'il résulte ainsi de l'instruction que les réserves ont été levées alors que les travaux nécessaires à leur levée n'avaient pas été réalisés ; qu'ainsi les désordres étaient apparents à la date de la levée des réserves et ne sont donc pas susceptibles d'engager la responsabilité des constructeurs sur le fondement des principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil ;
Sur la responsabilité contractuelle :
4. Considérant que la réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserve et qu'elle met fin aux rapports contractuels entre le maître de l'ouvrage et les constructeurs en ce qui concerne la réalisation de l'ouvrage ; qu'elle interdit, par conséquent, au maître de l'ouvrage d'invoquer, après qu'elle a été prononcée, des désordres apparents causés à l'ouvrage dont il est alors réputé avoir renoncé à demander la réparation ;
5. Considérant qu'en l'espèce, la commune se prévaut de la réception de l'ouvrage le 25 juin 2003 et de la levée des réserves le 7 janvier 2004 ; que, dans ces conditions, elle ne peut plus rechercher la responsabilité des constructeurs sur le fondement d'un manquement à leurs obligations contractuelles ;
6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la commune n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la condamnation solidaire de M.D..., du BET Betci et de la société Gocel à l'indemniser des désordres affectant le système de climatisation-chauffage du musée de Sarrebourg ;
Sur les conclusions à fin d'appel en garantie :
7. Considérant qu'aucune condamnation n'étant prononcée à l'encontre de M. D..., du BET Betci et de la société Gocel, les conclusions à d'appel en garantie qu'ils présentent doivent être rejetées ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Considérant que M. D..., le BET Betci et la société Gocel n'étant, dans la présente instance, ni des parties perdantes, ni des parties tenues aux dépens, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme quelconque soit mise à leur charge au titre des frais exposés par la commune de Sarrebourg et non compris dans les dépens ;
9. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Sarrebourg la somme de 1 500 euros à verser à chacun des défendeurs au titre des frais de cette nature ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la commune de Sarrebourg est rejetée.
Article 2 : La commune de Sarrebourg versera à M. D..., au BET Betci et à la société Gocel la somme de 1 500 (mille cinq cents) euros chacun en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Sarrebourg, à M. B... D..., au BET Betci et à la société Gocel.
D...D...
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N° 12NC01598